L’espion turc et autres regards d’ailleurs. La fiction du témoin étranger entre journalisme et roman (1684-1799)
En Revue (2025), avant le 1er juin 2023

Appel à contributions pour un numéro de la revue Littérales (2025)

Il s’agit de s’intéresser au corpus hétérogène de textes dont l’auteur fictif est un spectateur étranger témoignant de la réalité française. Le modèle de toute cette production est L’Espion turc de Marana (1684) et la réalisation la plus célèbre les Lettres persanes (1721) de Montesquieu, qui entraîne à son tour quantité d’imitations, déclinaisons, etc. au moins jusqu’à la fin de la période révolutionnaire, qui feront l’objet de ce numéro. Certains textes penchent vers le romanesque (Lettres péruviennes (1747) de Françoise de Graffigny), d’autres vers la satire. Ils sont nombreux à se situer à la croisée des supports matériels : en effet, le procédé du regard étranger inspire les journalistes qui font de l’observateur indiscret un avatar du journaliste réel.

Que l’on pense à des titres comme les Lettres juives (1736), les Lettres cabalistiques (1737) et les Lettres chinoises (1740) de Boyer d’Argens ; ou encore à L’Espion anglais à Paris ou Correspondance secrète entre Milord All’Eye et Milord  All’Ear (1779-1783) de François Matthieu Pidansat de Mairobert, principal contributeur des Mémoires secrets, ayant sans doute exercé lui-même une activité d’espion dans le contexte des débuts de la guerre d’Indépendance américaine. Le paradigme de l’indiscrétion oculaire et verbale, voire auditive, inspire autant romanciers que journalistes. Ces voyageurs qui sont aussi selon les cas « spectateurs », « observateurs » ou « espions », avec des nuances sémantiques importantes, invitent à réfléchir à l’éthique du dispositif qu’ils configurent au sein du texte littéraire : l’honnêteté s’y révèle potentiellement subversive car dangereusement indiscrète. Cela est manifeste dans le cas des périodiques de l’aventurier des Lumières Ange Goudar.

Il s’agit, en décrivant ce corpus, de s’interroger sur l’intérêt de ce dispositif du « détour » pour se voir, sur les rapports entre écriture de fiction et écriture du réel, et sur la manière dont l’écriture littéraire travaille à dire la réalité politique. On croise ainsi diverses recherches actuelles (par exemple le numéro récent de la revue Lumières autour des Lettres persanes dirigé par Aurélia Gaillard ou les projets en cours de Marc Hersant sur les rapports entre écriture de l’histoire chez les mémorialistes et roman).

Les articles seront à rendre avant le 15 juillet 2024. Propositions à envoyer avant le 1er juin 2023 à hboons@parisnanterre.fr et cduflo@parisnanterre.fr