Clio. Femmes, Genre, Histoire
Appel à contributions « Genre et Migrations », n° 51, printemps 2020
Dans une approche d’histoire globale et transnationale, l’historiographie des migrations a élargi ses horizons et analyse la variation sexuée des migrations dans la longue durée. Elle a montré l’accélération de la mobilité il y a 6000-5000 ans avec le phénomène d’urbanisation ; puis l’intensification des mobilités et interactions du VIème au XVIème siècle avec le développement des échanges commerciaux ou de travail entre différentes espaces (Harzig et Hoerder, 2009). Du VIème au XVème siècle, les traites méditerranéenne, transsaharienne et orientale, puis du XVème au XIXème siècle la traite atlantique entraînent la migration forcée et la mise en esclavage d’un nombre considérable d’hommes et de femmes (Coquery-Vidrovitch 2018) ; ces dernières sont principalement convoitées pour le travail domestique et reproductif, tandis que dans l’espace transatlantique, les hommes sont au contraire davantage recherchés comme main-d’œuvre dans l’économie de plantation (Campbell et al. 2007). Avec le développement de l’industrialisation au cours du XIXème, la masculinisation des migrations s’accentue dans toutes les régions du monde (Gabaccia, 2015), tandis qu’aujourd’hui, la demande de main-d’œuvre dans les emplois de service et de care a pour effet une féminisation des migrations. Les tendances générales ne doivent cependant pas masquer les spécificités de certains groupes, qui conduisent par exemple à une surféminisation des migrations de domestiques au XIXème siècle (Green, 2012).
Avec des contributions portant sur des espaces divers et couvrant différentes périodes (de l’Antiquité, voire de la préhistoire à la période contemporaine), ce numéro de Clio souhaite interroger le genre des migrations à la lumière des renouvellements historiographiques. Le terme « migrations » du titre se réfère à une diversité de mobilités : temporaires ou de longue durée, sur de courtes ou longues distances, volontaires ou non-volontaires, collectives ou individuelles, etc. Les analyses récentes intégrant le concept de genre dans l’étude des migrations ne se limitent plus à la famille et à l’espace domestique mais s’intéressent, de façon plus large, au processus migratoire qui est étudié comme un phénomène genré dans son ensemble. Elles tentent de lier les parcours des migrant.e.s aux normes sociales et aux systèmes étatiques, sociaux et économiques, comme, par exemple, la traite, le capitalisme industriel ou l’État-providence. Analysant de nouvelles sources, comme la correspondance et différentes publications (journaux, magazines, etc.), des recherches ont montré que les pratiques transnationales des migrant.e.s, par exemple concernant la famille, sont anciennes (Hsu, 2000). De même, l’agency des personnes face aux contraintes à la mobilité et les stratégies qu’elles mettent en œuvre sont aujourd’hui davantage prises en compte. Les recherches sont aussi plus attentives aux pratiques et aux subjectivités des migrant.e.s, ainsi qu’aux masculinités et féminités dans les sociétés de départ, traversées et d’arrivée ; elles étudient les changements de ces masculinités et féminités selon les groupes et les configurations historiques.
Les propositions s’intéressant au genre dans les parcours de migrant.e.s, dans les représentations et les politiques, dans l’articulation des échelles individuelles, familiales et institutionnelles seront privilégiées. Sera également valorisée, pour la période contemporaine, la prise en compte, négligée dans l’historiographie française mais très présente dans l’historiographie anglophone, des récits de soi migratoires et d’acteurs des politiques
migratoires comme les associations de femmes ou les organisations internationales (OIT, SdN, ONU).
Campbell Gwyn, Suzanne Miers et Joseph C. Miller, Women and Slavery. Vol. 1: Africa, the Indian Ocean World, and the Medieval North Atlantic et vol. 2 : The Modern Atlantic, Athens, Ohio University Press, 2008. Coquery-Vidrovitch Catherine, Les routes de l’esclavage. Histoire des traites africaines, VIeXXe siècle, Paris, Albin Michel et ARTE éditions, 2018. Gabaccia, Donna R. « Genre et migrations dans les études atlantiques de 1500 à nos jours », Revue européenne des migrations internationales, vol. 31, n°1, 2015, p. 15-37. Green, Nancy, « Changing Paradigms in Migration Studies: From Men to Women to Gender », Gender & History, vol. 24, n° 3, 2012, p. 782-798. Harzig Christiane et Dirk Hoerder avec Donna Gabaccia, What is Migration History?, Cambridge/Malden, Polity press, 2009. Hsu Madeline, Dreaming of Gold, Dreaming of Home: Transnationalism and Migration between the United States and China, 1882-1943, Stanford University Press, 2000.
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Les propositions d’articles inédits en anglais, français, espagnol ou italien sont à envoyer pour le 20 juin 2018 à : guerry.linda@gmail.com ET thebaud.francoise@gmail.com • Les propositions devront comporter 2500 à 3000 signes et présenter les sources, la problématique, les thématiques envisagées et la manière dont l’article s’insère dans l’historiographie. Elles seront accompagnées d’une bibliographie de 5 titres maximum et d’un très court CV. • Une réponse du comité de rédaction sera donnée sur l’acceptation ou le refus de la proposition avant le 10 juillet 2018. • Les articles seront à remettre pour le 28 février 2019 – ils seront soumis à expertise interne et externe au comité de rédaction. • Les auteur.e.s seront informé.e.s de l’acceptation de leur texte, avec d’éventuelles modifications à y apporter fin juin 2019. Ces modifications seront à finaliser avant le 31 octobre 2019. • La publication est prévue au printemps 2020 (version papier en français suivie d’une version électronique en anglais).