Former, éduquer, instruire en France, dans les îles britanniques et en Amérique aux XVIIe et XVIIIe siècles
Brest (23-24 sept. 2022), avant le 15 mai 2022

Journées Doctorant.es et Jeunes Chercheur.euses 2022 de la SEAA17-18, en partenariat avec la Société d’étude du XVIIe siècle et la Société Française d’Étude du XVIIIe siècle (SFEDS)

Université de Bretagne Occidentale, Brest, les 23-24 septembre 2022

          L’éducation prend une place centrale dans les îles britanniques et les colonies anglaises d’Amérique au cours du XVIIe siècle, comme en témoignent les écrits de John Milton[1], John Evelyn[2], John Eachard[3] ou John Aubrey[4], ou encore la loi de 1642 de la Massachusetts Bay Colony, toute première loi du Nouveau monde rendant nécessaire l’instruction de la lecture et de l’écriture aux enfants[5].
          Mais l’ouvrage pédagogique le plus emblématique du XVIIe siècle anglais est certainement Some Thoughts Concerning Education (1693) de John Locke. Dans l’épître dédicatoire qui l’introduit, le célèbre penseur anglais fait en ces termes la promotion de son manuel :

The well educating of their children is so much the duty and concern of parents, and the welfare and prosperity of the nation so much depends on it, that I would have every one lay it seriously to heart; and […] set his helping hand to promote every where that way of training up youth, with regard to their several conditions, which is the easiest, shortest, and likeliest to produce virtuous, useful, and able men in their distinct callings ; tho’ that most to be taken care of is the gentleman’s calling. For if those of that rank are by their education once set right, they will quickly bring all the rest into order[6].  

          L’ouvrage, qui connut une large diffusion en Grande-Bretagne comme en France tout au long du XVIIIe siècle, a pour objectif premier de former les parents-éducateurs aux grands principes d’une éducation bienveillante, rationnelle et structurée des enfants, pouvant permettre à ces derniers de cultiver vertu et connaissances, savoir-être et savoir-faire. La finalité de l’action éducative, telle qu’envisagée par Locke, consiste en l’émergence et l’émancipation du sujet éduqué en tant que personne, dans ses dimensions sociale, morale, physique, mais aussi, et surtout, dans ses dimensions civique et citoyenne, l’être en devenir ayant pour mission d’assurer « le bien-être et la prospérité de la nation[7] ». Ce court passage soulève néanmoins quelques interrogations fondamentales : si le propos se veut d’abord générique et inclusif, il y est notamment question de l’éducation des garçons et des jeunes hommes – des jeunes gentilshommes, qui plus est. Quelle place accordait-on, en revanche, à l’éducation des filles à l’époque ? Formait-on filles et garçons de la même façon ? Quelle place tenait l’éducation au sein de familles issues de sphères sociales et économiques moins aisées ?
          Ces Journées Doctorant.es et Jeunes Chercheur.euses se proposent d’examiner les façons dont se sont construites les théories pédagogiques et les pratiques éducatives au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, en France, dans les îles britanniques et en Amérique. Les trois axes sémantiques suggérés – former, éduquer, instruire – visent à croiser les approches sur la problématique de la transmission du savoir ; bien qu’étant dissociables, les trois termes, on le voit, sont liés par un socle commun qui établit la relation entre l’apprenant et l’instructeur, mais aussi entre l’apprenant et l’objet de son apprentissage. 
          Former, tout d’abord, c’est « façonner », « fabriquer, donner à quelque chose une certaine forme » (CNRTL). Comment fabrique-t-on la jeunesse ? Comment lui donne-t-on naissance, une deuxième naissance en quelque sorte pour qu’elle prenne sa bonne place dans la société ? On peut même aller jusqu’à parler du moule, du façonnage et de la malléabilité des jeunes esprits que l’on souhaite voir adopter des comportements prescrits. Quelle place accordait-on à la bonne conduite en société dans la formation des jeunes gens ? Quelle évolution les manuels de bonne conduite ont-ils connue au cours des deux siècles auxquels nous nous intéresserons ?
          « On façonne les plantes par la culture, et les hommes par l’éducation […] Cette éducation nous vient de la nature, ou des hommes ou des choses.[8] » nous dit Rousseau dans l’Émile. Si former évoque la reproduction d’un schéma, d’un fonctionnement, d’un système, éduquer suggère l’entraînement, l’étude, le développement et l’épanouissement personnel. L’apprenant est au cœur de la notion d’éducation, champ vaste qui a trait à tous les aspects de la vie, des connaissances pratiques ou théoriques aux bonnes manières. 
          Instruire, enfin, c’est « former l’esprit », mais aussi, plus spécifiquement, « communiquer un ensemble de connaissances théoriques ou pratiques » (CNRTL). On voit là que ce dernier terme se rapporte davantage au rôle de l’enseignant, du pédagogue et de sa méthode. Qu’en est-il aussi de l’auto-instruction et des moyens qui sont donnés aux apprenants pour s’instruire et se former? 
          Former, éduquer et instruire éducateurs et élèves, maîtres et apprentis, parents et enfants, voilà donc le programme auquel se sont consacrés de nombreux philosophes, pédagogues, hommes politiques ou d’Église et littérateurs au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, en Europe et en Amérique. Pourquoi la question de l’éducation et de la formation de la jeunesse, mais aussi des éducateurs devient-elle un enjeu si majeur à cette époque ? Comment y transmet-on les savoirs, comment les acquiert-on à travers ces époques qui ont vu de si grands changements ? Quelles ont été les évolutions dans la formation, l’éducation, l’instruction entre le XVIIe et le XVIIIe siècles ? Peut-on parler de révolution ?
          Les domaines touchés par ces questions sont nombreux : sociologie, philosophie, littérature, religion, politique, vie privée et vie publique sont autant de « lieux » où l’on pense, formule, questionne la fabrication de la jeunesse. Quelle a été notamment l’influence des penseurs en France, outre-manche, outre-atlantique – Rousseau, Voltaire, Locke, bien sûr, Godwin ou Fénelon par exemple ? Quel rôle ont joué les femmes érudites – Margaret Cavendish, Mary Astell, Mary Wollstonecraft – dans la lutte pour le droit à l’éducation des jeunes filles? Quel rapport le religieux a-t-il entretenu avec l’instruction aux XVIIe et XVIIIe siècles ? Qu’en-est-il de l’intention édifiante de la littérature et de l’idéal poétique horacien du « dulce et utile » auquel tendaient des romanciers comme Daniel Defoe, Samuel Richardson ou Henry Fielding ? 

Les participant.es sont invité.es à réfléchir, entre autres, aux thèmes suivants:
– place accordée à l’éducation des filles et / ou des garçons ; éducation mixte ; discours proto-féministes et promotion de l’éducation des femmes
– écrits pédagogiques (secrétaires, manuels de bonne conduite) et/ ou littéraires (romans didactiques, bildungsroman)
– formation professionnelle et apprentissage des métiers
– discours théorique et pratique scientifique
– discours religieux ; transmissions religieuses et sécularisation
– instruction et propagande
– développement culturel au cours des XVIIe et XVIIIe siècles; exposition des enfants et jeunes à la culture (théâtre, musique, littérature, peinture, circulating libraries)
– sphères sociales et accès au savoir, à l’éducation et à la culture.

          Les propositions de communication, en français ou en anglais, d’une longueur de 300 à 500 mots, ainsi qu’une courte bio-bibliographie, doivent être adressées à l’adresse suivante: jdjc.seaa1718@gmail.com, avant le 15 mai 2022.
          Les notifications d’acceptation seront envoyées aux participants autour du 15 juin 2022.
          Les Journées Doctorant.es et Jeunes Chercheur.euses se dérouleront les 23 et 24 septembre 2022 à la Faculté Victor Segalen de l’Université de Bretagne Occidentale à Brest. 
          La durée des interventions ne devra pas excéder 20 minutes.
          Une publication des actes du colloque dans le carnet de recherche des doctorant.es de la SEAA 17-18 est envisagée. Des précisions sur ce point viendront par la suite.

Comité scientifique :
Camille Jaouen (doctorante)
Adnana Sava (doctorante)
Alain Kerhervé (Professeur, SEAA1718)
Marie Cécile Schang (Maître de conférences, SFEDS)
Pascale Thouvenin (Professeur, Société d’Étude du XVIIe siècle)
Kimberley Page-Jones (Maître de conférences, SERA)

___________________
[1] John Milton, Of Education (1644).
[2] John Evelyn, The Golden Book of St John Chrysostom, concerning the Education of Children. Translated out of the Greek by J.E. (London: Printed by D. M. for G. Bedel and T. Collins, 1659).
[3] John Eachard, The Grounds and Occasions of the Contempt of the Clergy and Religion enquired into. In a letter to R. L. (London: Printed by E. Tyler and R. Holt for Nathaniel Brooke, 1672).
[4] J.E. Stephens, Aubrey on Education: A Hitherto Unpublished Manuscript by the Author of Brief Lives (London and New York: Routledge Library Editions, 2014).
[5] Voir Marcus W. Jernegan, « Compulsory Education in the American Colonies: I. New England », The School Review (Dec. 1918), Vol. 26, No. 10, pp. 735-736.
[6] Locke, John. Some thoughts concerning education: and, Of the conduct of the understanding [1693], (Indianapolis: Hackett Pub. Co, 1996), p. 8.
[7] Ibid.
[8] Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l’éducation (Paris : Flammarion, 2009), pp. 46-47.