Journée d’études organisée par Lisa Pochmalicki, Anne-Gaëlle Leterrier-Gagliano, Marie-Antoinette Alamenciak et Anne Louërat (Sorbonne Université).
Sorbonne Université / CELLF / ED 1 – ED 3 – ED 5
L’anachronisme se définit comme un écart temporel : un événement est antidaté, placé plus tôt qu’il n’a eu lieu. L’anachronisme renvoie donc à un décalage perçu entre le temps de l’énonciation et les réalités qui sont décrites dans les textes. Si cette notion a bénéficié de solides travaux en particulier en histoire ou en histoire de l’art, il nous semble pertinent de chercher son application dans le champ de la littérature du XVIe siècle, même si le terme n’apparaît qu’au XVIIe siècle. En effet, Yves Citton dans son ouvrage Lire, interpréter, actualiser (2007), définit l’entreprise des grands éditeurs de la Renaissance comme celle de « décroûter » les textes sacrés et antiques de leur masque de glose et de commentaire afin d’accéder directement au texte. Le geste même de l’imitation, défendu, entre autres, par Joachim du Bellay dans La Défense et Illustration de la Langue française (1549), permet de sortir de l’anachronisme pour actualiser définitivement le passé et ses concepts et les refondre efficacement pour le temps présent. Pour autant, ces exigences d’une partie de la production littéraire renaissante cohabitent par exemple avec l’engouement durable pour les romans de chevalerie, lesquels gardent pourtant les codes génériques qui avaient fait leur succès auparavant, ou avec les constantes reprises des textes médiévaux tant dans leurs genres (planctus, chansons) que dans les motifs (merveilles par exemple). Des éléments marqués comme appartenant à un temps perçu comme révolu, achevé, se trouvent ainsi réutilisés par les auteurs, puisqu’ils apparaissent encore pertinents pour expliquer le temps présent. C’est cette porosité entre le passé et le présent mise en texte que nous souhaiterions analyser, en interrogeant la notion d’anachronisme dans une perspective littéraire et linguistique.
Cette journée d’études cherche donc à sérier les différents usages dans les œuvres de la Renaissance, en français et en latin, de ces éléments littéraires passés, lorsqu’ils gardent la trace de leur ancienneté. Parmi les pistes envisagées, nous souhaiterions aborder entre autres celles-ci :
- L’anachronisme comme motif (analogies, anachronie, achronie, parachronie, uchronie, dyschronie…).
- Les représentations anachroniques (scripturales, scéniques, visuelles…) et le jeu des « applications » (histoires ou personnages dits « à clefs »).
- Les emplois anachroniques de la citation ou de tournures langagières.
- Les usages anachroniques des genres littéraires.
- L’anachronisme comme argument critique à travers la réception d’auteurs antiques ou médiévaux.
- L’écriture de l’histoire et de la cosmographie, leur réécriture, les critiques qui en ont été faites.
- Nouveau monde et monde ancien : les conséquences des récits de voyage sur les perceptions temporelles.
- Regards et discours critiques sur l’anachronisme.
Bibliographie indicative :
Bellenger, Yvonne (dir.), Le temps et la durée dans la littérature au Moyen âge et à la Renaissance. Actes du colloque organisé par le Centre de recherche sur la littérature du Moyen âge et de la Renaissance de l’Université de Reims (1984),Paris, Nizet, 1986.
Bizer, Marc, La Poésie au miroir : imitation et conscience de soi dans la poésie latine de la Pléiade, Paris, H. Champion, 1995.
Burke, Peter, « The Sense of Anachronism from Petrach to Poussin », in Time in the Medieval World, éds. Chris Humphrey et W. M. Ormrod, Rochester, York Medieval Press, 2001, p. 157-173.
Citton, Yves, Lire, interpréter, actualiser : pourquoi les études littéraires, Paris, Amsterdam, 2007.
Didi-Huberman, Georges, Devant le temps. Histoire de l’art et anachronisme des images, Paris, Les Éditions de Minuit, 2000.
Foucault, Michel, « Des espaces autres. », Conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967, in Architecture, Mouvement, Continuité, n° 5, 1984, p. 46-49.
Grazia, Margreta de, « Anachronism », Cultural Reformations: Medieval and Renaissance in Literary History, éds. Brian Cummings et James Simpson, Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 13-32.
Loraux, Nicole, « Éloge de l’anachronisme en histoire », Le Genre humain, n° 27, Éditions du Seuil, 1993, p. 23-39 ; repris dans Les Voies traversières de Nicole Loraux. Une helléniste à la croisée des sciences sociales, numéro commun Espaces Temps. Les Cahiers, n° 87-88 et CLIO, Histoire, Femmes et Sociétés, 2005, p. 127-139.
Nagel, Alexander et Wood, Christopher S., Renaissance anachroniste, trad. Françoise Jaouën, Dijon, Les presses du réel, 2015.
Rancière, Jacques, « Le concept d’anachronisme et la vérité de l’historien », L’Inactuel, n°6, Calmann-Lévy, 1996, p. 53-68.
« L’anachronisme », Atelier proposé par Fabula : http://www.fabula.org/atelier.php?Anachronisme
Modalités pratiques :
La journée d’études se tiendra en Sorbonne (Paris, 5e) le mardi 28 avril 2020.
Les communications seront de 25 minutes.
Les propositions de communication (maximum 3000 signes, espaces comprises) sont à envoyer avant le 21 octobre 2019 à l’adresse suivante : anachronisme.renaissance@gmail.com