Voltaire et le sexe
Paris (13-15 juin 2013)

Journées d’études organisées par la Société des études voltairiennes et le CELLF? :Université Paris-Sorbonne, 14-15 juin 2013

Chez Voltaire, de quelle(s) chose(s) sexe est-il le mot ? En dépit de la fréquence avec laquelle on trouve, dans ses textes et dans sa correspondance, la mention du (beau) sexe, il ne s’agira pas prioritairement de traiter des relations entre Voltaire et les femmes, ou avec ses « amies », questions déjà largement explorées par la critique. Il ne s’agira pas davantage d’aborder la question de la sexualité, avérée ou supposée, de la personne de François-Marie Arouet. On privilégiera en revanche l’analyse des constructions, discursives et narratives (que l’on cherchera à articuler), qui mettent en jeu le sexe en tant que mis en discours et en récit.?

Cette perspective ouvre un champ d’étude qui n’a guère retenu l’attention critique. On pourra ainsi étudier les « scripts » sexuels (John Gagnon (1)) dans la fiction, romanesque ou théâtrale, analyse que la critique a pu corréler à la question de la « destinée féminine » (Pierre Fauchery (2)) : l’étude en est sous-tendue par un questionnement sur le(s) discours de la fiction, et sur les convergences ou divergences qu’il(s) présente(nt) par rapport au(x) discours tenu(s) dans des énoncés marqués comme non fictionnels. La démarche suppose ainsi de mettre en regard les données narratives avec des propositions avancées ou exposées dans des textes qui relèvent d’autres genres et discours : essai, articles de dictionnaire, ouvrages historiques, ouvrages scientifiques, etc. On s’interrogera à l’occasion sur l’existence éventuelle d’une poétique du sexe, entendue au sens où la question du sexe recevrait un traitement différencié en fonction des genres littéraires considérés. Par exemple, un sort particulier pourra être réservé à la correspondance, notamment aux échanges épistolaires à propos de Mme du Châtelet, avec Mme Denis, mais aussi avec Mme du Deffand, avec Richelieu, avec Frédéric, avec les d’Argental, etc.?

La notion de sexe est ici entendue à l’articulation entre le sexe biologique, le genre (qui met au jour ses modalités de construction culturelle) et la sexualité (qui non seulement l’accorde à des pratiques, mais soumet ces dernières à l’injonction d’une « volonté de savoir » susceptible d’en organiser une « science-aveu » – Foucault (3)). On accordera ainsi une attention particulière aux interrogations mettant en jeu l’examen de certains rapports, à commencer par le rapport homme / femme : y a-t-il un ou deux sexe(s) dans le discours voltairien « Quel traitement reçoit la question du changement de sexe « Quel est le statut du neutre, c’est-à-dire du non sexué » Y a-t-il un discours, une pensée, reposant entre autres sur un fondement biologique, de la différence des sexes, autrement dit un discours sur la spécificité éventuelle du féminin et du masculin » Autant de questions qui pourront être examinées à la lumière des réflexions conduites par la critique sur la « fabrique du sexe » (Thomas Laqueur (4)).?

On examinera également le rapport avec des manifestations non orthodoxes du sexe (l’onanisme, l’inceste, l’adultère, la pédérastie, etc.), qui implique aussi une réflexion sur les formes orthodoxes du sexe (la conjugalité, la représentation de la famille), à partir de leurs formulations discursives et narratives.?

On s’efforcera enfin de situer l’analyse sur le plan philosophique en s’interrogeant sur les usages que fait Voltaire de la question sexuelle : comment définir les rapports entre sexe et pouvoir, sexe et religion, sexe et morale, sexe et philosophie ? On sera ainsi conduit à explorer les rapports entre sexe et idéologie et, par la prise en compte d’une pluralité de discours (ceux de l’Église, du matérialisme biologique, etc.), à évoquer le lien entre sexe et procréation, entre sexe et plaisir, par exemple. Dans tous les cas, on veillera à mettre en perspective le discours voltairien en fonction des habitus connus, envisagés d’une manière historicisée. Le caractère construit de ce discours sera situé par rapport à un éventuel discours doxal (fondé sur des topiques, définissant une norme sexuelle) historiquement et socialement ancré : le discours voltairien sur le sexe concourt-il à reproduire une doxa « Est-il au contraire polémique et, dans cette éventualité, quelles en sont les cibles et les marques de conflictualité » On pourra par ce biais s’interroger sur le traitement, par Voltaire, de la question de l’obscénité, et plus généralement examiner son positionnement par rapport à la représentation du sexe chez d’autres auteurs (Rousseau, Diderot, par exemple). Ici se poserait sans doute la question de savoir si le sexe, chez Voltaire, si rétif à la démarche autobiographique, relève d’un discours du sujet, au sens où l’entendait Foucault : le sexe est-il le lieu de l’analyse et de l’expression de soi ???

Les propositions de communications, accompagnées d’un projet développé en une quinzaine de lignes, sont à adresser, avant le 31 janvier 2013, à Olivier Ferret (Olivier.Ferret@univ-lyon2.fr) et à Florence Lotterie (florence.lotterie@free.fr).

Notes
(1) John H. Gagnon, Les Scripts de la sexualité : essais sur les origines culturelles du désir ; traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie-Hélène Bourcier avec Alain Giami, Paris, Payot, 2008.
(2) Pierre Fauchery, La Destinée féminine dans le roman européen du dix-huitième siècle : 1713-1807, essai de gynécomythie romanesque, Paris, A. Colin, 1972.
(3) Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. I, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976.
(4) Thomas W. Laqueur, La Fabrique du sexe : essai sur le corps et le genre en Occident ; trad. de l’anglais par Michel Gautier, Paris, Gallimard, 1992.