Madame d’Aulnoy et le rire des fées

Jean MAINIL

Essai sur la subversion féerique et le merveilleux comique sous l’Ancien Régime, Paris, Editions KIME, 2001, 291 pp., ISBN: 2-84174-233-4.

De la conteuse la plus populaire du règne de Louis XIV, le grand public ne connaît plus aujourd’hui que quelques titres. Et pourtant, dès 1690, Marie-Catherine d’Aulnoy, romancière adulée et aristocrate à la réputation sulfureuse, inaugurait le genre du conte de fées littéraire. La cour entière, les salons et la capitale s’entichent alors de ses héroïnes et de leurs aventures. En France comme à l’étranger, sa popularité restera constante pendant deux siècles, parmi l’élite littéraire comme dans la population rurale.

Cependant, depuis le début du XIXe siècle, d’innombrables éditions ont tronqué les contes de Marie-Catherine d’Aulnoy, les déguisant en textes moralisateurs pour enfants. En remontant au texte original de ces premiers contes de fées littéraires et en les replaçant dans leur cadre originel, Madame d’Aulnoy et le rire des fées analyse ces contes de pure merveille qui ont tant diverti le public adulte mondain de l’Ancien Régime. Celui-ci y trouvait matière à rêver, mais surtout matière à rire. À travers l’analyse de ces premiers contes de fées littéraires et de leur contexte, cet essai suggère que la première conteuse trame une sédition politique et idéologique par l’intermédiaire du monde conventionnel et consensuel de la féerie. Il démontre comment, par sa mise en scène d’un merveilleux comique, Marie-Catherine d’Aulnoy annonce avec un demi-siècle d’avance les grands conteurs parodiques des Lumières. Dès 1690, la première « Fée moderne » invente dans un même geste, le conte de fées littéraire dit « sérieux » et sa parodie. Dès son origine, le conte de fées entrait de plain-pied à la fois dans l’ère littéraire et dans l’ère du soupçon.