Moyen âge et féminismes
En revue, avant le 15 septembre 2023

Perspectives médiévales, n° 45
 
Étudier la culture médiévale permet de défier les théories du genre entièrement enracinées dans la philosophie et la société modernes. Un nombre important d’aspects propres au Moyen Âge, par leur émergence, ont déstabilisé jusqu’aux notions postmodernes d’articulation entre le sexe et le genre. […] Dans les quinze dernières années les médiévistes ont fait avancer le féminisme […] au même titre que les théoriciens contemporains. (M. Caviness)[1]

Après l’article fondamental de Madeline Caviness, quel bilan peut-on tirer de ces liens féconds entre Moyen Âge et féminismes ? Dans son sillage, le prochain numéro de Perspectives médiévales invite à déplacer le regard, afin de saisir à nouveaux frais les apports réciproques entre médiévistique et féminismes, dans une réflexion épistémologique et historique sur le Moyen Âge autant que sur le temps présent.

Quelles rencontres du Moyen Âge ou du médiéval ont pu avoir lieu entre les mouvements et les théories féministes, du Moyen Âge à aujourd’hui ? Quels usages les théories et mouvements féministes successifs font-ils du Moyen Âge et de ses formes, réelles, supposées, ou fabriquées ? Aux côtés des études anglo-saxonnes, et notamment de l’apport scientifique américain (women’s studies, gender studies, queer studies, empowerment, situated knowledge, études intersectionnelles, etc.), émerge-t-il une forme de réflexion et de pensée féministe européenne ? Dans ce cadre scientifique, comment appréhender l’opposition entre féminisme culturaliste et universaliste ?

On s’interrogera sur les mouvements et sur les théories féministes en elles-mêmes, et sur la part qu’elles font au Moyen Âge. Il s’agira tout autant de mettre au jour l’apport épistémologique et historiographique de la médiévistique sur ces mouvements et théories que de montrer l’incidence du Moyen Âge sur leur définition ou leur évolution.

Au plan historique, de quelles représentations du médiéval ou du Moyen Âge le féminisme a-t-il pu se nourrir (par exemple en termes de pouvoir, d’économie, de culture, de pratiques sociales) ? Quelle place le Moyen Âge tient-il dans l’histoire de la pensée pro-féminine, dans les discours académiques comme dans les discours “grand public” ?

Au plan théorique, le Moyen Âge a-t-il connu ou généré des moments, mouvements, ou écoles de pensée qu’on pourrait qualifier de féministes ? Et quelle est la place du Moyen Âge dans la construction des savoirs et des discours féministes ou anti-féministes ? À l’inverse, et par effet de retour, comment les études médiévales ont-elles pu être enrichies par la pensée des féminismes contemporains ?

Au plan pragmatique, l’expérience contemporaine de la féminité ou du féminisme peut-elle être accompagnée ou éclairée par ces approches historiques ou ces paramètres théoriques venus du Moyen Âge ou de ses représentations ?

Cet appel à contribution, de vocation pluridisciplinaire, s’adresse aux spécialistes de littérature, de philosophie, d’histoire, d’histoire de l’art, etc., qu’ils soient médiévistes ou spécialistes des périodes ultérieures. L’étude portera sur des objets médiévaux (textes, images, etc.) aussi bien que sur les représentations du Moyen Âge des périodes ultérieures, qu’elles soient imaginaires ou fondées.

Sans exclure les études de cas, les propositions théoriques et transversales seront privilégiées. Un regard particulier pourra être posé sur les théories et pratiques académiques de la médiévistique, et sur la place que peut y jouer une approche féministe : une « philologie sororale » peut-elle être envisagée[2] ?

L’ambition du numéro est d’engager une saisie des féminismes contemporains éclairée par la plongée dans le Moyen Âge et ses représentations. Entre d’autres termes, en quoi le Moyen Age est-il un objet d’investigation aussi bien pour la pensée féministe que par la pensée féministe ?

Les propositions d’articles (500 mots max.) seront adressées conjointement à Véronique Dominguez et Sébastien Douchet pour le 15 septembre 2023 (veronique.dominguez@u-picardie.fr ; sebastien.douchet@univ-amu.fr).

Elles seront soumises au comité scientifique de la revue (évaluation en double aveugle) pour une réponse aux auteurs le 15 octobre, et un retour des articles sous leur forme définitive le 15 janvier 2024.

[1]  Madeline Caviness, « Féminisme, gender studies et études médiévales », Diogène 225-1, 2009, p. 47-48 et 50, version originale en anglais dans Diogenes 57, 2010 : « Studying medieval culture has the power to challenge the theories of gender that were rooted entirely in modern philosophy and society. A number of aspects of the middle ages have emerged that destabilize even postmodern notions of sex/gender arrangements […] in the past fifteen years, medievalists have carried the banners of expanding feminism […] as well as have contemporary theorists ».
[2] Claire Paulian, « L’araignée dans le texte. Essais de philologie sororale dans la réception ovidienne », dans Fabula-LhT, n° 26, « Situer la théorie : pensées de la littérature et savoirs situés (féminismes, postcolonialismes) », dir. Marie-Jeanne Zenetti, Flavia Bujor, Marion Coste, Claire Paulian, Heta Rundgren et Aurore Turbiau, octobre 2021, URL : http://www.fabula.org/lht/26/paulian.html. DOI : 10.58282/lht.2759.