Martyr et martyre : évolutions et variations dans la Chrétienté de l’Europe occidentale, du haut Moyen Âge au XVIe siècle.
Revue, avant le 30 avril 2018

La revue Les Cahiers Pourpres, revue du laboratoire IHRIM Clermont-Ferrand, UMR 5317, envisage de publier un numéro d’articles sur la thématique du martyr(e).

Le nom « martyr », dérivé du grec martus, « témoin qui meurt pour sa foi », lui-même issu d’une racine indo-européenne, smer-, « se souvenir »1, signale d’emblée l’importance du processus mémoriel dans ce phénomène à la fois fascinant et inquiétant. De nos jours, l’Église n’exerce plus son monopole cultuel et ce terme, « martyr », qui aux origines s’utilisait afin de désigner le témoin lié au sacré, a recouvré une acception plus large pour renvoyer aux individus qui sont tombés avec héroïsme au nom d’une cause, qu’elle soit nationale, communautaire ou ethnique, comme les martyrs de la Résistance en France ou les martyrs irlandais. Et pourtant, le temps des martyres sacralisants semble n’avoir finalement jamais cessé : des idéologies suscitent encore à présent des passions sacrificielles que l’on considère comme aveugles et barbares, car « il n’y a que les martyrs pour être sans pitié ni crainte »2. Notre questionnement portera sur les martyrs qui, en Europe occidentale, ont péri pour défendre leurs convictions religieuses durant le Moyen Âge et la première modernité.

Si l’Église primitive connut une période sanglante lors des dix premières persécutions, l’Europe occidentale essuya une vague exacerbée de répressions religieuses avec l’établissement du tribunal de l’Inquisition au XIIe siècle. Existait depuis Saint Cyprien une distinction entre les « martyrs de Dieu » et les « martyrs du diable »3 : le supplice ne suffisait pas à faire le martyr, il existait des morts vaines, que l’on repense aux croix du Golgotha. Saint Augustin peaufina un critère discriminatif en un adage suprêmement efficace, Martyrem non facit poena, sed causa. Souffrir la mort, certes, mais pour le Christ. L’un des champs d’investigation portera sur la cause des martyrs, la liturgie du martyre, autrement dit, comment se définissent durant la période d’analyse les lignes de séparation fluctuantes entre orthodoxie et hérésie.

Le martyr reçoit le divin, le ressent, l’éprouve, est par lui éprouvé. Le martyr donne forme à ses paroles, devenant celui par qui Dieu se rend visible et audible à tous. Comme l’annonçait Matthieu, « lorsqu’ils vous livreront, ne vous inquiétez pas de savoir comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là, car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous »4. Inspiré par Dieu, le martyr acquiert une puissance prophétique et sa voix rappelle celles qui criaient avant lui dans le désert. Personnage intermédiaire, transitoire et double, il est à la fois acteur, celui qui agit, qui témoigne en paroles et en actes, et spectateur, car la transcendance agit par son truchement, car il est agi par elle. Le témoin est habité par Dieu et cet hôte l’aide à renoncer à soi-même, la kénose lui permettant de s’anéantir, de « se vider »5, pour devenir semblable au Christ6. Cet oubli de soi a comme pendant une anamnèse, un ressouvenir, qui « s’opère selon le principe du retournement ou de la metanoia, c’est-à-dire de la conversion du sujet »7. On pourra ainsi s’intéresser aux différentes mises en scène du martyre, par les victimes elles-mêmes selon le principe de l’imitatio Christi, ou par les auteurs qui vont instrumentaliser leur vie et trépas dans leurs hagiographies ou leurs martyrologes, grâce à des récits ou à l’iconographie. Les approches littéraires et artistiques sont à ce titre les bienvenues.

Les contributions porteront sur les aires de langues latines, romanes et anglo-saxonnes. Pourront être abordés les axes suivants :

– Récits et témoignages de martyrs (autobiographies, hagiographies, martyrologes).

– Réception/ perception du martyr par les contemporains (échanges épistolaires, chroniques urbaines) : le titre de martyr est-il conféré immédiatement ou a posteriori ?

– Théologie du martyre.

– Représentation iconographique du martyr(e) dans les œuvres à lire (incunables, manuscrits, éditions) et à voir (vitraux, peinture).

– Représentation du corps en souffrance.

– Martyre et sacralisation d’un territoire (liens entre martyre, politique et territorialisation).

– Vocabulaire usité pour désigner le martyr, la mise à mort, le corps martyrisé.

Consignes :

Les contributions à ce projet, qui se veut interdisciplinaire, se feront en français. Une proposition (250-300 mots) accompagnée d’un court CV seront à adresser au plus tard le 30 avril 2018 aux adresses suivantes:

sonia.porzi@wanadoo.fr

isabelle.fernandes@gmail.com

Les articles (format final attendu entre 5000 et 8000 mots) seront à remettre le 1er octobre 2018, pour évaluation (double expertise à l’aveugle) et publication pour les articles retenus courant 2019. Afin de vous aider à la mise en forme de votre article, nous vous renvoyons à notre feuille de style http://ihrim.uca.fr/rubrique75.html