Madame Geoffrin, une femme d’affaires et d’esprit
Vall?e-aux-loups (27 avril - 24 juillet 2011)

Entre 1727 et 1766, après Mme de Rambouillet et sa célèbre chambre bleue et avant Mme Récamier, Mme Geoffrin occupe le devant de la scène des salons, éclipsant par son savoir-faire toutes les autres concurrentes de son temps. Aidée dans son entreprise par une fortune confortable que lui procurent ses actions à la Manufacture royale des Glaces, elle crée un cercle qui séduit tous les beaux esprits du temps et connaît un succès au-delà de ses espérances.

Correspondant avec Catherine II, l’impératrice Marie-Thérèse et plus encore Stanislas-Auguste Poniatowski, élu roi de Pologne en 1764, elle fait en 1766 un voyage à Varsovie qui lui octroie une renommée européenne. À Vienne, elle accepte d’être l’ambassadrice de l’impératrice afin de promouvoir en France la renommée de celle que l’on destine au dauphin, Marie-Antoinette. En remerciement, elle reçoit un somptueux service en porcelaine de Meissen, qui sera montré pour la première fois au public, accompagné du grand surtout de glace commandé par Mme Geoffrin afin de pouvoir présenter cette précieuse vaisselle dignement sur sa table.

Sans pouvoir évoquer toutes les facettes du personnage, l’exposition permettra d’en mesurer l’envergure par la présentation non seulement de documents d’archives mais de souvenirs lui ayant appartenu ou de tableaux provenant de sa collection, exécutés par François Boucher, Claude-Nicolas Cochin, Joseph Vernet, Carle Van Loo, aujourd’hui conservés essentiellement en collections privées, qui nous livrent les secrets des goûts de cette protectrice des arts.

Après un portrait inédit de Mme de Rambouillet par Philippe de Champaigne, l’exposition s’ouvre par des portraits peints de Mme Geoffrin et des portraits psychologiques dressés par sa fille ou les gens de Lettres qui l’ont connue. Suit la section consacrée à la femme d’affaires, évoquée grâce au concours de Saint-Gobain. Puis le visiteur pénètre dans l’intimité de l’hôtel Geoffrin « notamment par deux dessins d’Hubert Robert » et de ses invités.
L’exposition s’achève par le retour de Pologne à Paris de notre héroïne, alors au zénith de sa gloire, la fin de sa vie et son rayonnement posthume.
Portrait de Madame Geoffrin
Par Bernard Degout, directeur de la Maison de Chateaubriand
La Maison de Chateaubriand accueille, pour quelques mois, le « royaume ? de Mme Geoffrin. Le premier étonnement passé, on songera que d’aucuns ont considéré que Juliette Récamier, qui habita quelque temps la Vallée-aux-Loups, était la Mme Geoffrin du XIXe siècle. Mais qui était Mme Geoffrin »
Elle demeure à bien des égards énigmatique, davantage esquissée que vraiment peinte ? tout comme à la vérité la personnalité de Juliette Récamier conserve bien des mystères. Mme Geoffrin elle-même s’est présentée comme la continuatrice de Mme de Lambert, qui émancipa son salon de la Cour de Sceaux ; mais Juliette ne s’est jamais revendiquée de Mme Geoffrin. Le lien fut établi par d’autres, Mme d’Abrantès, puis Sainte-Beuve, forts de la commune origine bourgeoise des deux femmes et de la notoriété européenne qu’elles connurent. Par-delà l’ « abîme révolutionnaire », sans doute voulait-on également se rassurer sur la continuité d’un monde dont Mme Geoffrin devint l’illustration exemplaire.
Mais il fallait aussi que le lien entre les deux époques ait été fait par des témoins. Ce fut, au premier chef, le cas et le rôle de l’abbé Morellet (1727-1819), défenseur sous l’Empire de la figure de Mme Geoffrin, dont il traça par la même occasion le portrait le plus achevé. Il expliquait ses succès par sa bonté, sa sensibilité et, surtout, l’exercice contre les artifices de la société d’une raison naturelle cultivée sa vie durant.
Or il advint qu’un jeune écrivain, rentré depuis peu d’émigration, publia en 1801 une « anecdote » écrite « sous la hutte des sauvages », et peignant « une nature et des m’urs tout à fait étrangères à l’Europe » : c’était Atala. Le même abbé Morellet éreinta l’ouvrage, dans des Observations dont Chateaubriand, vingt-cinq ans plus tard, reproduisit de larges extraits en annexe à une réédition de son roman. Le monde de Mme Geoffrin ne le laissait pas en paix. L’hôtesse de la rue Saint-Honoré revient hanter la Vallée-aux-Loups.
Visite spéciale : Vendredi 10 juin à 15h
Parcours commenté de l’exposition à travers ses oeuvres remarquables
Par Dominique Brême, directeur du musée de l’Île-de-France
Tarif : 3 « – Tarif réduit : 1,50 »
Réservation : 01 55 52 13 00 ou reservations-chateaubriand@cg92.fr