Les Femmes auteurs et l’argent (1750-1914)
Bordeaux (15-16 mars 2013)

Organisé par Alexandre Péraud (Bordeaux-3) et Martine Reid (Lille-3)
Université Michel de Montaigne, Bordeaux-3
Descriptif
Tenu à l’IUFM de Bordeaux au printemps 2011, le colloque consacré à la figure du bas-bleu entre 1848 et 1870 a été l’occasion d’un constat. Si la question du pouvoir et des stratégies qu’elle peut induire n’est pas ignorée des travaux portant sur les femmes auteurs et la littérature féminine, la question de l’argent en revanche reste étrangement absente, comme si l’on évacuait l’interrogation sous-jacente de la minorité financière des femmes (auteures ou pas) et de l’assujettissement au pouvoir masculin, disposant de son côté du monopole légitime de la puissance monétaire. Il faut pourtant se départir d’un imaginaire masculin qui veut, selon les mots de Balzac, que « les femmes sont sublimes en cela qu’elles n’entendent rien à l’argent » et, partant, récuser l’idée reçue selon laquelle les femmes auteurs n’auraient jamais parlé d’argent et n’auraient jamais abordé ce thème dans leurs œuvres. Une consultation rapide des œuvres de toutes catégories prouve en effet que la question de l’argent est omniprésente, argent du ménage, de la charité, de la dot, du travail, gains des prostituées et des courtisanes, des ouvrières et des fermières, comme des diverses activités de « service ». Un tel constat rejoint d’ailleurs des études sociologiques faites dans le domaine anglo-saxon et qui reconnaissent à la femme, pour la période qui nous intéresse, un rôle cardinal dans la manipulation et dans la gestion des multiples formes que peut prendre l’argent.
Ce déni ne caractérise pas au demeurant la seule question financière et est symptomatique des formes discursives masculines qui orientent toujours aujourd’hui notre lecture, comme elles ont contribué tout au long de la période moderne à dissocier les femmes et l’objet monétaire. En observant les différents genres littéraires qu’investissent les femmes, il importe ainsi de s’interroger sur les représentations que les femmes entretiennent à l’égard de l’argent, de se demander s’il existe un rapport spécifiquement féminin à l’argent, introjecté, pensé ou reconduit comme tel, et s’il est possible, ou pas, de mettre en évidence une écriture féminine de l’argent.
Historique et socio-poétique, une telle interrogation nécessite une approche interdisciplinaire. Elle ouvre notamment sur des questionnements d’ordre politique au sens large (la confiscation masculine de l’argent, réelle et symbolique, participe-t-elle de l’aliénation féminine ?), psychanalytique (la femme possède-t-elle l’argent phallus, comment et pour quels usages ?), ou anthropologique (la femme jouit-elle d’un statut spécifique dans les échanges, est-elle cantonnée à certaines sphères de l’échange ?). Par-delà les traductions thématiques et les figures de cet argent féminin (la dot, le don, les gains de toutes sortes), il conviendra également de savoir identifier les représentations et les formations discursives à l’œuvre dans les œuvres de femmes et analyser leurs traductions poétiques, narratologiques (rôles, structures narratives) et autres.
Dans une telle perspective, nous souhaiterions voir poser la question des femmes auteurs et de l’argent dans une double perspective : celle du rapport qu’elles-mêmes entretiennent à l’argent (celui qu’elles gagnent comme celui dont elles peuvent disposer comme héritières, épouses, propriétaires, etc.) et les représentations qu’elles donnent dans leurs productions : rapport à l’argent de leurs héroïnes, identification d’une subjectivité féminine à l’argent, statut, conseils qu’elles peuvent donner, dans le cadre de manuels d’éducation ou d’économie domestique par exemple, pour en gagner, en épargner, en dépenser. Afin d’assurer à notre enquête une certaine cohérence, nous avons fait choix d’une période qui constitue comme un très long XIXe siècle, avec ses préambules dans le cadre de l’Ancien Régime, les effets de la fracture révolutionnaire et ses prolongements jusqu’à la première guerre mondiale.
Précisions et détails pratiques
Les participant(e)s au colloque sont invité(e)s à prendre en charge, autant que faire se peut, leur déplacement à Bordeaux. Les repas et deux nuits d’hôtel dans le centre-ville leur seront assurés.
Par ailleurs, le colloque sera précédé, le mardi 14 mars, d’une soirée-débat qui fera suite à la projection d’un film illustrant la problématique choisie. Deux spécialistes de l’histoire des femmes et du droit ouvriront chacune des journées sous la forme d’une conférence.
Les propositions sont à faire parvenir à Alexandre Péraud (alexandre.peraud@orange.fr) ou Martine Reid (martine.reid@orange.fr) avant le 15 juin 2012.