Le drame conjugal dans l’oeuvre de Rétif de La Bretonne : désastre intime et enjeux politiques
Clermont-Ferrand (7-8 juin 2012)

Colloque organisé par l’équipe « Lumières et Romantismes « avec le soutien de la Société Rétif de La Bretonne et de la Société des Amis de l’équipe » Lumières et Romantismes »
Clermont-Ferrand, Maison des Sciences de l’Homme, salle 220
CELIS (EA 1002) « Équipe ? Lumières et romantismes » Maison des Sciences de
l’Homme 4, rue Ledru, F-63057 Clermont-Ferrand cedex 1
Secrétariat : Elisabeth Harriet 04 73 34 68 44
Coordination scientifique : Françoise Le Borgne, Marie-Françoise Bosquet et Philippe Corno
Parce que la thématique du mariage traverse toute l’oeuvre de Rétif de La Bretonne et qu’elle y fait écho aux débats qui précèdent et suivent la légalisation du divorce, le 20 septembre 1792, ce colloque inaugure un programme de recherche de l’équipe « Lumières et romantismes « intitulé » Le mariage en France de 1792 à 1884 : littérature et société ».
Observatoire privilégié, du fait de son inscription à la charnière de deux approches antagonistes du mariage (sacrement chrétien puis contrat civil), l’oeuvre rétivienne présente également la particularité d’articuler en permanence mise en perspective d’une expérience intime conflictuelle et réflexion plus large sur les enjeux socio-politiques de l’institution conjugale. Ce colloque vise à analyser ces deux dimensions, en questionnant la cohérence ou l’incohérence d’une théorie rétivienne du mariage et la tension qu’elle instaure entre des formes conjugales traditionnelles, fondées sur le primat du collectif sur l’individuel, du masculin sur le féminin, et des formes conjugales plus modernes ouvertes sur l’inclination personnelle et le droit au changement. A partir d’un choix d’oeuvres diverses « et pour certaines encore peu étudiées » relevant de genres variés, les interventions des participants mettront en évidence les stratégies d’écriture qui promeuvent ou viennent brouiller la réflexion rétivienne sur le mariage et confronteront les positions de l’écrivain à celles de ses contemporains.
Programme
Jeudi 7 juin 2012
14h 00 Accueil des participants
14h 20 Ouverture du colloque par Pascale Auraix-Jonchière, directrice du CELIS, et Nicole Masson, présidente de la Société Rétif de La Bretonne
14h 30 Introduction au colloque par Pierre Testud (Professeur, Université de Poitiers ? Société Rétif de La Bretonne)
RÊVERIES ET FANTASMES
Première séance Présidence : Pierre Testud
14h 50 István Cseppent’ (MCF, Université de Budapest ? Société Rétif de La Bretonne) : « Un modèle conjugal : l’image du couple heureux dans le discours rétivien »
15h 20 Marie-Françoise Bosquet (MCF, Université de la Réunion ? Société Rétif de La Bretonne) : « Le mariage dans les utopies rétiviennes »
15h 50 Claude Jaëcklé-Plunian (Docteur, Paris III-Sorbonne nouvelle ? Société Rétif de La Bretonne) : « Le curieux statut de la demande en mariage dans l’oeuvre de Rétif de La Bretonne »
16h 20 Pause
16h 40 Yong-Mi Quester (Docteur, Albert-Ludwigs-Universität, Fribourg-en-Brisgau) : « Le thème du mariage dans les Contemporaines du commun : entre tradition littéraire, invention narrative et contexte social »
17h 10 Claude Klein (Docteur, Université de Strasbourg – Société Rétif de La Bretonne) : « Fétichisme et autres manies sexuelles dans le mariage rétivien »
18h 00 Spirales conjugales Spectacle-lecture à deux voix proposé par le Théâtre de l’Opossum
d’après des textes de Rétif de La Bretonne et d’Arlette Farge Conception et adaptation : Christian Peythieu
20h 00 Dîner
Vendredi 8 juin 2012
PERVERSIONS
Deuxième séance Présidence : Philippe Corno
09h 00 Asma Guezmir (Doctorante Paris-Sorbonne ? Faculté des arts et des humanités de la Manouba, Tunisie) : « Le Mariage dans Le Ménage parisien : une relation parodique »
09h 30 Branko Aleksi? (Société Rétif de La Bretonne), ? La Dissertation sur le mariage du cordelier libertin dans le Paysan perverti (1775-1782) ?
10h 00 Françoise Le Borgne (MCF, Université Blaise Pascal ? Société Rétif de La Bretonne) : « L’intimité dévoyée des ménages : le cas de La Femme infidèle »
10h 30 Pause
11h 00 Mary Trouille (Professeur, Illinois State University) : « Quand la réalité dépasse la fiction : les violences conjugales dans Ingénue Saxancour de Rétif de La Bretonne »
11h 30 Karine Bouveur-Devos (Université de la Côte d’Opale) : « De la Nécessité ou les singuliers mariages dans L’Anti-Justine de Rétif de la Bretonne »
12h 00 Déjeuner
JURIDICTIONS
Troisième séance Présidence : Marie-Françoise Bosquet
13h 30 Nicolas Brucker (MCF, Université de Lorraine ? Société Rétif de La Bretonne) : « Le corps marié chez Rétif de La Bretonne : union, séparation, aliénation »
14h 00 Jean Bart (Professeur, Université de Dijon ? Société Rétif de La Bretonne) : « Rétif de la Bretonne et la conception révolutionnaire de la famille »
14h 30 Philippe Corno (Docteur, Université Rennes II) : « Le démariage dans Le Libertin fixé : une redéfinition du mariage ? »
15h 00 Clôture du colloque par Françoise Le Borgne et pause
15h 30 Assemblée générale de la Société Rétif de La Bretonne
Spirales conjugales
Spectacle-lecture à deux voix d’après des textes de Rétif de La Bretonne et d’Arlette Farge
Conception et adaptation : Christian Peythieu
Salle Georges Guillot, 28 bd Côte Blatin, 63 000 Clermont-Ferrand
La Marrie et l’Infâme« « Marrie ?, bien sûr le mot est faible pour désigner ce qui atteint la femme en » état de mariage », promise, convoitée, séduite, abandonnée, maltraitée, etc… Meurtrie serait plus juste, voire souillée ou détruite. Ce qui pourrait n’être qu’une litanie de postures victimaires est riche de surprises et de rebondissements.
La lecture-spectacle consistera à mettre en miroir, sous forme de tableaux ou saynètes le plus souvent dialogués, paroles de la vie réelle, telles qu’elles surgissent des archives recueillies par Arlette Farge, et textes fictionnels sur le thème du lien conjugal et de ses avatars tels qu’ils surgissent de la plume d’un Rétif usant à loisir de toutes ses cordes d’écrivain : du conteur visionnaire, mettant en scène avec féerie les femmes qui « s’évaporent » dans les rues, femmes perdues ou femmes en fuite, au satiriste plein de pugnacité, ou au moraliste sourcilleux, dont le regard stupéfait se laisse prendre au jeu de ce qu’il prétend dénoncer, poussant au paroxysme les postures libertines, lubriques, voire sadiques du mari, parangon de l’horreur et de la terreur… Jouissance de l’infâme ou infâme de la jouissance « Pour Rétif, conjugal rime avec Mal ; la spirale devient infernale ou abyssale. C’est une autre histoire qui se joue alors, celle de la littérature. Le « vrai ? du fait divers ne s’oppose pas au » vrai » de l’écriture, il le nourrit et lui donne chair. C’est encore du vrai mais « du vrai qui est quelque part » (Rétif). Mais où ?…

Le drame conjugal dans l’oeuvre de Rétif de La Bretonne : désastre intime et enjeux politiques
Clermont-Ferrand (7 et 8 juin 2012)

Colloque organisé par l’équipe « Lumières et Romantismes » du CELIS (EA 1002) avec le soutien de la Société Rétif de La Bretonne
Comité scientifique : Marie-Françoise Bosquet, Philippe Corno, Françoise Le Borgne
La forte proportion des naissances prénuptiales et illégitimes au XVIIIe siècle témoigne d’un relâchement du contrôle moral de l’Église qui coïncide avec une critique récurrente de l’institution matrimoniale. C’est à cette époque qu’émerge, dans la comédie et le roman, une nouvelle conception du mariage, fondé sur l’inclination réciproque des partenaires et compatible avec leur épanouissement personnel. Si l’opposition traditionnelle de la passion et de la conjugalité subsiste, elle tend à s’estomper, laissant place à une valorisation du mariage, condition de possibilité d’un bonheur simple et vertueux.
Dans leur volonté de faire de la famille une micro-démocratie, cellule de base de la République, les législateurs révolutionnaires ont encouragé cette évolution en sécularisant le mariage, qui devient, avec la loi du 20 septembre 1792 sur le divorce, un contrat révocable entre deux conjoints égaux en droits.
Au sein de l’abondant corpus primaire suscité à la fin de l’Ancien Régime et sous la Révolution par ces débats autour du mariage, l’œuvre de Rétif de La Bretonne occupe une place à part .
Certes, Rétif a lui aussi choisi de mettre en scène le conflit du sentiment amoureux et de l’ordre social et familial traditionnel en faisant du mariage impossible d’un jeune Français et d’une Anglaise le n’ud tragique de La Malédiction paternelle (1780) et de ses avatars scéniques (La Prévention nationale, 1784). Avec son Curé patriote (1790), il semble également défendre une libre dissolubilité de l’union matrimoniale garante des ? m’urs, (du) bonheur et (de) l’union dans les ménages ?.
Pourtant, l’idéalisation du mariage d’amour, librement contracté et dissout par les époux, se heurte chez lui à la conscience aiguë des limites de ce type d’union, entretenue par son expérience matrimoniale désastreuse avec Agnès Lebègue (dont il divorce en 1794) et les déboires de sa fille Agnès (mariée au sadique Augé de 1781 à 1794) : que devient l’union conjugale soumise aux aléas du seul désir « en particulier féminin ? A contre-courant de ses contemporains, Rétif prônera donc également une conception du mariage archaïque » celle d’Arnolphe dans L’Ecole des femmes, qu’il loue dans Les Gynographes (1777) ?, faisant du couple parental fétichisé dans La Vie de mon père (1779) et « La Femme de laboureur » (183e Contemporaine) un modèle indépassable.
Ainsi, à l’effort pour formuler et promouvoir, dans maints textes fictifs et réglementaires disséminés dans l’œuvre à la suite des Gynographes, une norme conjugale fondée sur la soumission « naturelle « de la femme à son époux et du couple à la famille, répond une série d’œuvres qui dénoncent des unions ? monstrueuses », soit que la femme y domine » Le Ménage parisien (1773), La Femme infidèle (1786) ?, soit que l’homme y outrepasse par trop ses droits, discréditant l’autorité légitime du mari, comme on le voit dans Ingénue Saxancour ou la Femme séparée (1789).
La thématique du mariage traverse ainsi toute l’œuvre de Rétif de La Bretonne, articulant en permanence mise en perspective d’une expérience intime conflictuelle et réflexion plus large sur les enjeux socio-politiques de l’institution conjugale. Le colloque de 2012 vise à analyser ces deux dimensions, en questionnant notamment :
La cohérence ou l’incohérence d’une théorie rétivienne du mariage et la tension qu’elle instaure entre des formes conjugales traditionnelles, fondées sur le primat du collectif sur l’individuel, du masculin sur le féminin, et des formes conjugales plus modernes ouvertes sur l’inclination personnelle et le droit au changement. On pourra insister en particulier sur le retournement de perspective qui caractérise parfois le traitement du motif conjugal chez Rétif, le conduisant par exemple à la revalorisation problématique de figures traditionnellement ridicules (le cocu) et à la dévalorisation corollaire des passions extra-conjugales de la femme mal mariée (mais non de l’époux déçu?).
– La manière dont les réflexions de Rétif sur le mariage sont légitimées ou brouillées par des choix d’écriture. Comment et dans quelle mesure les thèses rétivienne sont-elles promues dans le roman épistolaire polyphonique (La Femme infidèle), les recueils de nouvelles (Les Contemporaines), l’utopie dramatique (L’An 200), etc. « Comment, inversement, ces différents genres mettent-ils à l’épreuve la théorie conjugale de Rétif en faisant resurgir des conflits entre désir et ordre social qui en soulignent les limites » Comment, enfin, des œuvres plus fantasmatiques, qui présentent des configurations matrimoniales peu orthodoxes, fondées sur la polygamie ou les échanges de partenaires, peuvent-elles ramener la réflexion à une réalité vécue ou, à l’inverse, permettre d’échapper par la fiction aux apories d’une théorie en tension permanente ?
– Les liens qu’entretient l’œuvre de Rétif avec d’autres discours contemporains sur le mariage. On pourra s’intéresser dans cette perspective aux théories du mariage développées à la fin de l’Ancien-Régime (on pense au dernier chapitre de l’Émile) et, bien-sûr, à l’époque révolutionnaire, les débats sur le mariage des prêtres et sur le divorce trouvant un écho explicite dans les nouvelles qui composent la troisième partie du Palais-Royal ou des drames tels que Le Libertin fixé. Mais il sera également possible de confronter l’œuvre rétivienne aux écrits intimes, fictionnels ou non, qui, à la même époque, contribuent à la revalorisation de l’union conjugale et à la modification de son statut.
Les propositions de communication (1000 signes environ) sont à adresser avant le 1er décembre 2011 à Françoise Le Borgne (flb75@yahoo.fr) ou à Siham Olivier, CELIS, Equipe Lumières et romantisme, Maison des Sciences de l’Homme, 4, rue Ledru, F-63057 Clermont-Ferrand cedex 1. Tel : 04 73 34 68 44.