La vocation au féminin
Lille (5-7 juin 2014)

S’adressant à une association de femmes en 1938, Dorothy L. Sayers fit une déclaration marquante : « La seule raison valable pour envisager quelque travail que ce soit est que c’est votre travail et que vous voulez le faire »(1). Pourtant, comme elle l’indique, à travers le temps, les femmes ont été forcées d’endosser des responsabilités qui ne leur convenaient pas en raison des attentes sociétales définissant leur rôle. Si les porte-drapeaux du mouvement pour les femmes de la fin du XIXe siècle « ont mis l’accent sur l’humanité que partagent les hommes et les femmes »(2) et le droit de chaque individu à déterminer sa destinée, c’était non seulement en réaction contre ceux qui, comme Aristote, ont clamé que toutes les femmes étaient « globalement inutiles »(3) en temps de guerre mais également contre ceux qui, à l’instar de Coventry Patmore les ont glorifiées en les nommant « les anges dans la maison ».

Ce débat sur la vocation des femmes n’est certes pas nouveau. Les textes sacrés juifs acceptent qu’Esther soit « arrivée à la royauté … pour une occasion comme celle-ci »(4), avec pour mission de sauver son peuple ; Paul Tournier, un penseur Suisse de la fin du XXe siècle qui se considère féministe, estime que toutes les femmes, sans exception, ont ? (c)ette (même) mission de (?) rétablir la primauté des personnes sur les choses ?(5). Etant donné que les milieux d’activités qu’ils soient professionnels ou privés ont changé de façon radicale ces 150 dernières années, l’équilibre entre les femmes comme individus ou comme genre s’est vu et se voit encore constamment modifié.

L’idée de vocation ou de mission implique également que quelqu’un ou quelque chose « Dieu, la nature, la destinée ou encore le sexe masculin » a créé ou doté la femme, comme individu ou représentante du genre, de capacités pour remplir certaines tâches ou intégrer des sphères d’influence. Toute discussion sur la vocation de la femme se doit donc d’inclure une réflexion plus large sur la notion même de vocation que ce soit dans un contexte professionnel, religieux, politique, racial, biologique ou par la force des choses.

De nombreuses déclarations explicites sur ces sujets sont régulièrement au c’ur de débats publiques, de sermons et de discours politiques, qu’ils soient disponibles dans des magazines, des journaux ou sur des blogs. Il serait intéressant de regarder vers les arts, et en particulier la littérature, le cinéma ou encore la chanson populaire d’Helen Reddy à Whitney Houston, car ils constituent quelques-unes des plus profondes et stimulantes explorations du sens que revêt le mot « femme « et donnent à voir la nature de la mission qui revient à chacune mais aussi à toutes celles qui sont femmes. Pour Hélène Cixous, la femme » donne plus ; sans assurance qu’il lui reviendra de ce qu’elle donne un bénéfice même imprévu »(6). Cixous soulève ici la question de la transmission, un autre élément constitutif de cette mission des femmes qu’il conviendra d’aborder.

Nous attendons des propositions en français ou en anglais traitant des multiples aspects de la vocation des femmes, qu’il s’agisse d’études sur des pionnières du mouvement féministe, des innovatrices ou des créatrices. On traitera de la vocation des femmes en littérature, dans les arts visuels et toute autre manifestation culturelle. Les approches philosophiques, théologiques, sociologiques ne sont pas exclues « tout comme les études sur des femmes qui ont tenté de suivre leur vocation dans des communautés particulières. Simone de Beauvoir écrit dans le Deuxième Sexe qu’en tant que » productrice, active, elle reconquiert sa transcendance ; dans ses projets elle s’affirme concrètement comme sujet ?(7). Dans quelle mesure la femme parvient-elle à affirmer son identité en démontrant qu’elle n’est pas un objet décoratif dans un monde régi par les hommes ?

Envoyez, s’il vous plaît, vos propositions de 300 à 400 mots aux organisateurs (ineke.bockting@neuf.fr, suzanne.bray@icl-lille.fr, gerald.preher@gmail.com) avant le 30 janvier 2014. Même si la majorité des intervenants seront des chercheurs expérimentés, les propositions des doctorants et étudiants en Master 2 Recherche sont également les bienvenues.

Notes:
(1) Dorothy L. Sayers, « Are Women Human ? », Eerdmans, 2005, p.30.
(2) Maude Royden, « The Woman’s Movement of the Future », The Making of Women: Oxford Essays in Femininism, London, Victor Gollancz, 1917, p.129.
(3) Aristotle, Politics, Book II, ch.ix.
(4) Esther 4 : 14.
(5) Paul Tournier, La Mission de la Femme, Genève, Delachaux et Niestlé, 1979, p.179.
(6) Hélène Cixous, « Le Rire de la méduse », L’Arc, 1975, p. 54.
(7) Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe vol.2 : L’expérience vécue, Paris : Gallimard, 1949, p.597.

Organisateurs: Ineke Bockting (Paris Catholic University), Suzanne Bray (Lille Catholic University), Gérald Préher (Lille Catholic University)
Comité scientifique: Ineke Bockting, Suzanne Bray, Claude Cohen-Safir (Université Paris 8), Susan Donaldson (College of William and Mary, VA), Florentina Jubeaux (Lille Catholic University), Hélène Marquié (Université Paris 8), Carolyn Oulton (Canterbury Christ Church University), Gérald Préher.

Université Catholique de Lille, 60 Boulevard Vauban, 59800 Lille.