Faute, culpabilité et sentiment de culpabilité dans l’oeuvre de Mme Riccoboni

Marie-Pierre TOUSSAINT-LEGRAND

Thèse en Littérature – Dir. Sylvain Menant, Université de Paris IV – Sorbonne, 28 octobre 2008.


Dans son oeuvre romanesque, Madame Riccoboni articule et oppose deux catégories de personnages: ceux qui appartiennent au Monde, et ceux qui adhèrent à ce que nous appellerons les «valeurs sensibles», pour faire de l’antagonisme de ces deux groupes le moteur littéraire de la fiction riccobonienne, chaque groupe défendant son système de valeurs et faisant le procès de l’autre. S’ensuit une critique minutieuse et raisonnée de la «société des honneurs» telle que la définit Montesquieu, dans ses implications sur les relations entre les individus. Elle utilise l’écriture pour élaborer une critique des idées philosophiques françaises du XVIIIe siècle et à travers les relations de couple, première base de toute société, cerne et critique les fondements de la tyrannie dont elle dénonce l’inégalité entre conjoints comme la source première. Elle s’oppose de fait énergiquement aux conceptions de Rousseau sur le mariage. Le roman sensible devient alors un roman politique et didactique, qui vise à donner au lecteur les bases d’une réflexion sur la société qui l’entoure. Le discours littéraire, qui refuse le discours systématique de la philosophie, n’en revendique pas moins son aspect profondément subversif, à l’instar des Journaux de Marivaux
( 1). Il est l’occasion pour notre romancière de proposer une nouvelle éthique, régissant les relations entre individus sous la forme d’une utopie: le couple retrouvant enfin l’équilibre et l’harmonie d’avant la Faute, éthique qui s’appuie non sur une réforme des structures de la Société, mais sur une nécessaire conversion du Moi à la morale, conversion qui est la seule -et peut-être exorbitante- condition au changement profond des moeurs.

(1) Frank Salaün, Marivaux subversif? , coll. L’esprit des lettres, éd. Desjonquères, Paris, 2003