D’Adonis à Alexandre : Cartographie du masculin de la Renaissance aux Lumières dans les littératures europénnes
Paris ( 5-6 juin 2015)

Colloque international organisé par l’associationCornucopia et par le Centre de Recherche en Littératurecomparée de Paris-Sorbonne.

Comité scientifique :Sandra Boehringer, Valentina Denzel, Florence Dupont,Gary Ferguson, Véronique Gély, Nathalie Grande, FrançoisLecercle, Véronique Lochert, Florence Lotterie, FionaMacintosh, Zoé Schweitzer, Violaine Sébillotte-Cuchet,Clotilde Thouret.

Comité d’organisation :Véronique Gély, Anne Debrosse, Marie Saint Martin,Aurélia Tamburini.

Adresse de contact et d’envoi des propositions : colloquemasculinparis2015@gmail.com

Adonis, Alexandre, Isaac, Jacob, Henri VIII, d’Artagnan, Casanova, Jean-Jacques, Hippolyte,Hamlet, mais aussi les Amazones et Jeanne d’Arc… toutes ces figures historiques, mythologiques oufictionnelles interrogent à leur façon notre rapport au masculin. L’exercice de la masculinité prenddes postures variées, différentes et étonnantes.

En juin 2012, le colloque comparatiste ? Fiction(s) du masculin ? s’est donné pour objet d’offrir desperspectives sur ces représentations dans les littératures du XIXe au XXe siècle, afin de montrer àquel point l’identité masculine était soumise à des projections culturelles variables.Nous souhaitons prolonger le questionnement vers les siècles antérieurs, plus particulièrement à unmoment où les sexes et leurs attributions se sont redéfinis pour prendre une forme moderne dontnous héritons encore aujourd’hui.

L’objet de ce colloque sera donc « l’homme en tous genres » (pour reprendre le titre du livre dirigépar Gary Ferguson, L’homme en tous genres : Masculinités, textes et contextes, 2009) à travers leslittératures de la Renaissance jusqu’aux Lumières. L’objectif est d’arpenter la sphère du masculinafin d’en proposer une cartographie : quelles en sont les frontières et les différentes contrées ? Quifixe les bornes, qui les franchit, comment se meuvent-elles et en fonction de quels critères, quelssont les no man’s land du masculin ?

La Renaissance voit naître un vif débat sur les rôles des hommes et des femmes dans la société, laQuerelle des femmes, sans améliorer pour autant le statut de ces dernières. Elle semble doncconstituer un terminus a quo pour toute réflexion sur le genre. Au XVIIIe siècle apparaît l’homme
sensible, théorisé en particulier par les écrits dramatiques de Diderot et par les réflexions, d’ordredavantage philosophique, de Rousseau, mais également par les écrits de Goethe, dont le Wertheressaime dans toute l’Europe et constitue un modèle désormais incontournable pour les auteurs defictions. Entre ces deux pôles, ce que l’on désigne comme l’homme apparaît souvent insaisissable.

Les qualités de l’homme idéal semblent pourtant bien connues : le courage, la virtus, est l’une desmarques privilégiées de la virilité au point qu’une femme en armes est qualifiée de virago. Selon LaMesnardière (Poétique, 1639) les hommes ? seront solides, rudes, hardis, généreux, chagrins,résolus, avares, prudens, ambitieux, tranquilles, fidelles et laborieux ?. En contrepartie, l’auteur semoque des ? Scipion affeté ?, ? Alexandre muguet ? et autres ? Cyrus coquet, délicat, parfumé ?,tout comme Boileau qui conspue les héros ? damerets ? (Dialogue des héros de romans, 1688).Dans Artamène ou le Grand Cyrus (« Histoire de Sapho », 1649-1653), Madeleine de Scudérypropose une définition plus nuancée de l’idéal masculin : le brutal Charaxe n’a aucun attrait, alorsque Phaon, ? civil, doux & complaisant ?, remporte tous les suffrages. Du XVIe au XVIIIe siècle,les critères se déplacent : si, en 1677, il n’est pas permis à l’Hippolyte de Racine d’être un homme àmoins d’être amoureux, trois quarts de siècle plus tard, Voltaire dénonce à son tour les « damerets »galants qui dévirilisent la scène (Correspondance, 31 décembre 1749). L’Emile de Rousseau fixeles bornes d’un domaine masculin qui a conquis la sensibilité, au moment où Diderot fonde, dansses drames, une anthropologie de l’homme larmoyant et tendre ; le chemin est long, si l’on songeque La Mesnardière proscrivait l’usage des larmes pour Ulysse.

Le physique de l’homme idéal n’est pas plus évident : ? Quelle grandeur rend l’homme vénérable ? /Quelle grosseur ? quel poil ? quelle couleur ? ?, demande Louise Labé (Sonnet XXI, Euvres, 1555),qui remarque ainsi que les blasons ne canonisent que la beauté féminine. Montaigne qui se dit? d’vne taille au dessous de la moienne ? affirme que ? Les autres beautez sont pour les femmes; labeauté de la taille est la seule beauté des hommes ? (Essais, II, 17). Pourtant, ceci ne veut pas direque les linéaments du physique idéal de l’homme ne sont pas tout aussi figés et contraints que ceuxde la femme : la beauté masculine est-elle moins codifiée et moins uniforme que celle des femmes ?Un certain nombre de personnages chez Shakespeare (Viola, Rosalind…), évoquent et transposentles troubles érotiques soulevés par l’androgynie ou l’ambiguïté sexuelle. Les histoires detravestissement sont souvent le lieu d’une interrogation sur ce qui constitue l’homme. Parmi sesnombreux récits à visée morale, Jean Pierre Camus ne manque pas de condamner le travestissementd’un homme en femme, ou inversement : il juge que cet acte devrait être puni aussi sévèrement queles crimes d’un faux-monnayeur, car il y voit une même tromperie sur la nature de l’objet, sanstoutefois renoncer à l’utiliser dans ses histoires. Chez l’Arioste, Bradamante se transforme enbourreau des coeurs féminins par le simple fait de revêtir une armure, et étonnamment, souvent,l’homme à femmes est l’homme efféminé (comme Égisthe, Pâris, etc.). Quant à l’histoire de Marie-Germain, elle véhicule une problématique de devenir-homme dans un contexte social restrictif.

Peut-être même la période de la Renaissance aux Lumières est-elle plus propice aux nuances et auxambiguïtés que d’autres et peut-elle contrecarrer les présupposés actuels postulant l’existence d’unecrise du masculin, qui résulterait de la mise en question de son essence.L’homme est multiple et se détermine sans cesse en contraste avec ce qui constitue l’Autre, dont lessignes distinctifs sont tout aussi mouvants, si bien que le masculin semble finalement insaisissabledès que l’on délaisse le sexe pour le genre. Quel regard les Occidentaux portent-ils sur les hommesde l’ailleurs, en termes de virilité et de masculinité ? À partir de quel moment la brutalité et labarbarie de l’homme le déshumanisent-elles ? Par quels moyens accuse-t-on (voire invente-t-on)certains traits pour distinguer à tout prix les hommes des femmes ? Interroger le masculin, c’est seheurter à une notion presque toujours définie de manière négative, en contrepoint et par ses contremodèles: le masculin est avant tout ce qui n’est pas marqué du sceau du féminin, ou ne devrait pasl’être. Alors que l’Autre, le féminin, reçoit une définition, celui qui, aux époques anciennes oùdomine l’écriture masculine, est le plus souvent le Même, ne semble pas appeler de description. Lesfigures frontalières sont, de ce fait, essentielles pour cerner le masculin : androgynes, mignons,muguets, damerets mais aussi viragos peuplent le discours critique, pour définir un repoussoirauquel devrait s’adosser le héros généreux et vaillant ? mais celui-ci est bien rarement objet deréflexion en lui-même. Face à l’idéal masculin imposé par les ouvrages normatifs, qui d’ailleurs nevont pas tous dans le même sens, quelle est la part de jeu dans les clichés ? À quel point les prenaitonau sérieux et avaient-ils un caractère prescriptif ? Quel sort est réservé à ceux qui transgressentles frontières du genre ?

L’incertitude et la transgression ne sont pas uniquement les caractéristiques d’une masculinitécontemporaine. Au-delà des figures masculines, le questionnement pourrait se diriger vers le désirau masculin et du masculin, en interrogeant les liens entre les hommes : filiaux et paternels,fraternels, amicaux, sexuels, dans le contexte social et leur transposition et expression dans leslittératures européennes. Les outils analytiques des gender studies et des queer studies proposentdes lectures du masculin au croisement de l’identification et du rejet. Notion fluide, le masculin sereprésente sous divers masques ? l’écrivain, l’acteur, le personnage, le penseur, le compagnon de lafemme et celui qui s’en démarque, de multiples manières. C’est à déconstruire ce jeu de masquesque nous invitons les participants à ce colloque afin de comprendre comment le masculin peut sesaisir pour établir une cartographie évolutive et diachronique des rapports entre homme et femme.

Des propositions de communication sur tout type de littérature et de discours sont les bienvenues(discours normatifs et transgressifs, fictions, traités médicaux, représentations dramaturgiques del’homme …). Elles devront comporter un titre et ne pas excéder une demi-page. Elles seront à
envoyer à l’adresse colloquemasculinparis2015@gmail.com, jusqu’au 10 juin 2014. Le colloque,organisé au sein du CRLC (Centre de Recherche en Littérature Comparée, http://www.crlc.parissorbonne.fr/) et de l’association Cornucopia (http://www.cornucopia16.com/), aura lieu à Paris les 5
et 6 juin 2015.

Appel rédigé par Anne Debrosse, Marie Saint Martin, Aurélia Tamburini, avec la collaboration d’IvanaVelimirac.