Colloque de la SIÉFAR : Femmes en voyage
Bergame (29-30 juin 2023), avant le 30 déc. 2022

Femmes en voyage.
Une cartographie d’expression française sous l’Ancien Régime

 

Appel à communication pour le colloque de la Société Internationale pour l’Étude des Femmes de l’Ancien Régime (SIÉFAR),
Université de Bergame (Italie), 29 et 30 juin 2023

 

Mathäus Merian (le Vieux), Vue de la Seine (vers 1620-1625), Musée Carnavalet, Paris.

 

En hommage à Danielle Haase-Dubosc

Bien avant que le mot « voyageuse » apparaisse dans les dictionnaires d’expression française (première occurrence dans la sixième édition du Dictionnaire de Trévoux, 1777), le voyage en tant que « déplacement dans des lieux lointains » (au XVIe siècle, selon A. Rey) – les critères du mouvement et de la distance assez éloignée figurant dans les définitions lexicographiques des ouvrages des XVIe-XVIIIe siècles – fait partie de l’expérience féminine. Si d’une part, il est évident que les femmes ont toujours voyagé, de l’autre, leurs activités, partagées entre sphère publique, et intimité et tout particulièrement leurs témoignages et leurs écrits, sont restés longtemps et demeurent peu connus. Du point de vue de l’histoire culturelle et des études littéraires, entre autres, la relation des femmes au voyage a été étudiée en particulier à partir du XIXe siècle, lors de la transformation sociale de la bourgeoisie, du développement des moyens de transports et à l’occasion de la création du tourisme affectant la pratique du voyage. Les études concernant les voyageuses sous l’Ancien Régime sont encore relativement peu nombreuses et développées. Ce colloque souhaite aborder le voyage féminin dans une double perspective : le voyage réel et le voyage imaginaire. Ces expériences de déplacements se nourrissent l’une l’autre. Dans les deux cas, la possibilité de sortir de sa condition de vie habituelle pour se confronter à l’inconnu reçoit pour la femme une forte signification, étant donné la stricte codification et les contraintes de sa vie sociale (et cela même chez les femmes les plus libres grâce à leur statut, éducation, moyens). Des jeunes filles, des épouses, des religieuses, des veuves sortent des murs qui les entourent pour un pèlerinage vers un lieu de dévotion, une autre cour, un autre monde au-delà des mers, ou simplement vers une autre ville ou village ; elles vivent des expériences que la tradition veut dangereuses, mais qui leur permettent de devenir des exploratrices et de produire un autre univers de sens. Les voyages réels sont vécus, racontés et partagés et deviennent la référence première des voyages imaginaires qui se créent aussi en réponse à un manque d’évasion concrète ; en même temps, les projections imaginaires des voyages déterminent l’attente et l’expérience du déplacement rêvé et attendu. Dans ce sens, le terme « cartographie » renvoie à l’appropriation de l’espace physique des femmes et à la création de leurs réseaux sociaux lors de leurs déplacements. La « cartographie » se réfère également au domaine de l’émotion et de l’imagination : les femmes explorent et se positionnent au sein du monde qu’elles habitent à travers la narration et l’écriture (Giuliana Bruno, Atlas of emotions, 2002).

Axes de réflexion et questions
Le colloque vise à étudier les femmes en voyage qui, dans l’ample perspective chronologique de l’Ancien Régime, font une expérience – réelle ou imaginaire – puisant dans le berceau de la culture et de la langue françaises (au sens le plus large : par exemple le territoire géographique des voyages, la langue d’oc/oïl ou le français comme langue véhiculaire du voyage et de son récit, etc). À travers ces pratiques de vie et de création, les femmes construisent un réseau d’échanges, de relations, de savoirs qui se nourrit et se diffuse et crée une sorte de cosmopolitisme avant la lettre.
Les typologies de textes et les ouvrages considérés, dans une perspective interdisciplinaire, seront très variés : récits de voyages, mémoires, journaux intimes, épistolaires, poèmes, cartes, dessins, tableaux, objets ou collections réalisés par des femmes reliées par la culture et/ou la langue française et qui relatent ou représentent des expériences de voyage.
Des contributions touchant aux questions suivantes seront particulièrement bienvenues:

  • L’image de la voyageuse dans la littérature et les arts: Est-ce que la femme voyage seule ? Comment se représente-t-elle ou est-elle représentée ? (ex. sainte, amazone, pionnière, aventurière, etc.). Quel est le rôle du travestissement de la femme voyageuse, fréquent et parfois nécessaire ? Quelle est la relation de l’image de la voyageuse par rapport à l’image sociale de la femme ?
  • Les lieux: Quels sont les destinations et les itinéraires les plus fréquents des voyages réels ou imaginaires des femmes aux différentes époques ? Quel est l’investissement de l’imaginaire féminin sur ces lieux ? Est-il possible d’établir une cartographie féminine du voyage ? Quels sont les réseaux qui se forment et comment influencent-ils la circulation des idées et des savoirs ?
  • Les réseaux : Comment les femmes en voyage produisent une circulation de savoirs et d’idées ? Les réseaux des voyageuses sont-ils souterrains par rapport à ceux considérés « officiel » (de la littérature de voyage, des échanges) ? Peut-on considérer, dans cette perspective transculturelle, un parcours de création d’une cosmopolitisme français sous l’ancien régime ?

Appel à candidature : Les communications pourront être présentées en français.
Nous encourageons les jeunes chercheurs à candidater. Veuillez nous envoyer le titre de votre présentation ainsi qu’un résumé (max. 3 000 caractères, espaces comprises) et une brève notice bio-bibliographique avant le 30/12/2022 aux adresses électroniques suivantes : rotraud.kulessa[at]philhist.uni-augsburg.de; francesca.pagani[at]unibg.it.
Les propositions seront soumises à l’approbation d’un comité scientifique.