Au nom de l’amour. Des liens électifs aux obligations affectives
Brest (15-16 d?c. 2011)

L’amour constitue l’idéal sans doute le plus largement partagé. Il serait « la dernière grande
aventure », expérience émancipatrice et affiliatrice, irraisonnée, tout aussi bien égoïste que désintéressée. Généralement considérés comme l’expression ou la réalisation d’une individualité
irréductible, l’expérience et le choix amoureux sont en fait traversés par des logiques sociales.
L’histoire, l’anthropologie ou encore les études littéraires nous instruisent de la variation des
normes, des codes amoureux, des représentations de l’amour selon les cultures, les espaces et les
époques. La sociologie a pour sa part démontré le caractère « raisonné » de l’amour, et ainsi levé
l’illusion selon laquelle il frapperait au hasard, défiant l’ordre social et relevant du libre arbitre ou
de la passion.
Codes amoureux et représentations de l’amour : amours prescrites/amours interdites
Les sociétés prescrivent et/ou interdisent les partenaires, rappellent à l’ordre hétérosexuel, à
l’ordre des générations’ Pourtant, aujourd’hui comme hier, ici et ailleurs, se vivent des amours
jugées illégitimes. Si ces amours sont de celles qui alimentent la littérature et les représentations
d’un amour émancipateur, comment le rappel des attentes de la société s’exprime-t-il ?
Les rapports sociaux favorisent l’homogamie – qui inscrit le choix de l’amour dans le champ du
raisonnable -, et certains contextes peuvent se révéler plus ou moins (dé)favorables à une certaine
« porosité » entre groupes, autorisant plus ou moins la mixité sociale, ethnique, religieuse des
couples. L’expérience de l’amour peut alors être une expérience des inégalités : homosexuel.le,
féminine, hors des âges convenus ? ou hors des groupes permis (sociaux, ethniques, etc.). Mais
aussi parce que les conditions matérielles d’existence construisent les aspirations amoureuses,
délimitent le possible et l’impossible (dont on peut néanmoins rêver).
Amour et sexualité
Les changements intervenus dans les sexualités des femmes et des hommes au cours des dernières
décennies vont dans le sens d’une diversification des expériences, notamment pour les femmes.
Cependant, la reconnaissance de la diversité compose avec l’existence d’attentes, de prescriptions
normatives. Sans doute moins explicites qu’auparavant, elles sont néanmoins agissantes. Leur
mise en perspective permettrait de mieux les définir et de mesurer leurs éventuels effets. Quelles
sont les instances, les modalités et les normes qui fondent la régulation sociale de la sexualité, de
l’amour et de la conjugalité ?
Peuvent ainsi être questionnés et analysés les modes d’entrée dans la sexualité, les cadres
relationnels dans lesquels sont vécus les rapports sexuels (de la relation passagère à la relation
amoureuse stable), ou encore la banalisation de l’expérience de la rupture amoureuse. Les
variations d’une « bonne » morale sexuelle selon le sexe, les temps sociaux et/ou les âges de la
vie, notamment pour ce qu’elle définit d’articulations attendues entre sexualité et sentiment
amoureux, peuvent également être interrogées. Une attention particulière peut ainsi être portée à la
question des différences d’attentes amoureuses entre femmes et hommes, et de leur interprétation.
Enfin, l’analyse des représentations, des pratiques, des législations en matière de prostitution (plus
ou moins grande tolérance, stigmatisation des clients et/ou des prostitué.e.s ?) nous informe
également des évolutions et des variations de cette morale sexuelle.
Amour et conjugalité
Avec la modernité s’affirme la représentation de la relation conjugale comme relation amoureuse,
le mariage symbolisant la relation d’amour élective par excellence. Aujourd’hui la relation
conjugale serait diverse, complexe et son sens serait retravaillé. La pluralité des formes de vie
conjugale témoignerait de la diversification du rapport à la conjugalité, selon la définition sociale
et sexuée de soi, selon ce que chacun-e est prêt-e à investir dans la relation. En effet, si le modèle
amoureux constitue, ici et aujourd’hui, une forme d’idéal, c’est que l’amour s’affirme comme
reconnaissance de l’individualité, de l’unicité du/de la partenaire – une reconnaissance qui semble
contribuer à occulter de nouvelles normes conjugales. Là encore une mise en perspective
permettrait de mieux saisir, à la fois le caractère émancipateur et les effets occultés de l’émergence
et de la diffusion de ce modèle amoureux de conjugalité.
Enfin, la relation amoureuse compose avec d’autres liens d’amour qui la précèdent ou sur lesquels
elle ouvre et qui rythment le cours d’une vie. Ces relations affectives peuvent être observées,
analysées dans leurs articulations, leurs compositions diverses, négociées ou prescrites.
Amours et liens familiaux
Les opportunités d’amours électives sont plurielles, l’agencement et la dynamique entre les
différents liens d’amour peuvent être concurrentiels ou complémentaires. Une attention portée aux
temporalités individuelles et collectives conduit à envisager les articulations entre les différents
liens. Affections conjugales, parentales et filiales s’appuient aussi sur des liens de fratrie/sororie,
différemment selon les structures de parenté. Effets des temporalités et de la longévité : les
nouvelles amours composent avec les précédentes, une nouvelle conjugalité interroge les amours
parentales, la venue des petits-enfants génère d’autres amours et d’autres responsabilités ; le
soutien envers les ascendants sollicite de nouveaux partages affectifs, etc. Les engagements et les
pratiques de care auprès de ces différents interlocuteurs mobilisent aussi des opportunités et des
contraintes, mêlant ainsi et obligations individuelles et familiales mais aussi électivité des
émotions et des attachements. Les obligations inscrites dans le droit viennent également prescrire
des pratiques et des affections obligées, « au nom de l’amour ? »
Ce colloque propose d’interroger ce que les sociétés, leurs cultures et leurs époques font de/à
l’amour : que prescrit-on, qu’interdit-on, que légitime-t-on « en amour mais aussi en son nom »
C’est en établissant un dialogue entre disciplines que nous pourrons explorer les variations dans le
temps et dans l’espace mais aussi la différenciation, ici et maintenant, de normes, de codes
amoureux, de représentations et de pratiques de l’amour. Une attention particulière sera portée aux
enjeux de l’amour et de ses représentations en termes de rapports sociaux de classes, de genre, de
groupes racisés, d’âges ? ; autant de dimensions transversales aux axes de réflexion proposés.
Les propositions de communication sont à adresser au plus tard pour le 15 mai 2011, à :
Marie-Laure Déroff (marie-laure.deroff@univ-brest.fr) et Claudie Inisan (claudie.inisan@univbrest.
fr
).
Les propositions (Titre + résumé : 3000 signes maximum). seront envoyées en fichier .rtf . Les
auteur.e.s préciseront leurs coordonnées, rattachement institutionnel et disciplinaire.
Les auteur.e.s des propositions retenues seront informé.e.s le 15 juillet 2011 au plus tard.
Le colloque se déroulera le jeudi 15 et vendredi 16 décembre 2011 à la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines de l’Université de Bretagne Occidentale à Brest.
Organisation :
Atelier de Recherche Sociologique (EA 3149) ? Université de Bretagne Occidentale
Centre de Recherche de Droit Privé (EA 3881) ? Université de Bretagne Occidentale
Comité scientifique :
Michel Bozon, INED
Coline Cardi, CSU ? CRESPPA (UMR 7217), Université Paris 8
Gilda Charrier, ARS (EA 3149) ? UBO
Isabelle Clair, GTM ? CRESPPA (UMR 7217)
Marie-Laure Déroff, ARS (EA 3149) ? UBO
Yvonne Guichard-Claudic, ARS (EA 3149) ? UBO
Philippe Jarnoux, CRBC (EA 4451) – UBO
Françoise Le Borgne-Uguen, ARS (EA 3149) ? UBO
Marie-France de Palacio, Centre d’étude des correspondances et journaux intimes des XIX et XXe
siècles (UMR6563) -UBO
Simone Pennec, ARS (EA 3149) – UBO
Emilie Potin, ARS (EA 3149) – UBO
Muriel Rebourg, CRDP (EA3881 ) – UBO