Art et amitié aux XVIIe et XVIIIe siècles en Europe
Paris (14 juin 2022), avant le 31 mars 2022

À la suite de la pandémie qui nous a chacun isolés, des revues telles que le Courrier international et Philosophie magazine consacraient leur numéro de cet été à l’amitié. Nous souhaitons, à travers cette journée d’étude, interroger cette notion d’actualité au prisme d’une histoire sociale et culturelle de l’art. Comment les artistes des XVIIe et XVIIIe siècles vivaient-ils et concevaient-ils l’amitié ?

  • Salle Vasari, INHA, 6 rue des Petits Champs, 75002 Paris.

Argumentaire

À la suite de la pandémie qui nous a chacun isolés, des revues telles que le Courrier international et Philosophie magazine consacraient leur numéro de cet été à l’amitié. Nous souhaitons, à travers cette journée d’étude, interroger cette notion d’actualité au prisme d’une histoire sociale et culturelle de l’art. Comment les artistes des XVIIe et XVIIIe siècles vivaient-ils et concevaient-ils l’amitié ?

 Comme le rappelle Aurélie Prévost dans son récent ouvrage intitulé L’Amitié en France aux XVIe et XVIIe siècles : Histoire d’un sentiment[1], ce terme recouvre, pour les Modernes, une polysémie très riche. Il désigne tout autant le sentiment de bienveillance, la relation érotique amoureuse, l’harmonie que l’affection filiale, conjugale, charitable ou religieuse. Dans son Dictionnaire, Furetière l’applique même à la viande. Il explique ainsi : « qu’une viande n’a point d’amitié, pour dire, qu’elle est dure, infipide, ou degouftante[2] ».

De Descartes à Kant en passant par la marquise de Sablé, Spinoza, Jean de La Fontaine et les philosophes des Lumières, cette notion a été largement traitée en littérature et en philosophie. Qu’elle soit fusionnelle, comme celle qu’entretiennent La Boétie et Montaigne, immortalisée par la célèbre formule de ce dernier « Parce que c’était lui, parce que c’était moi », ou vécue comme une trahison, à l’instar de celle qui déchire Diderot, Rousseau, Voltaire et D’Alembert dans le cadre de la rédaction de l’Encyclopédie, l’amitié est à l’origine de nombre de textes et de maximes qui constituent aujourd’hui notre patrimoine culturel.

Qu’en est-il du domaine artistique ? Quelles relations, qu’il s’agisse d’amitiés ou de rivalités, peintres, sculpteurs, architectes, graveurs, orfèvres, miniaturistes, médaillistes et tisseurs des XVIIe et XVIIIe siècles entretiennent-ils ? Quelles sont les conséquences de ces relations sur les productions artistiques contemporaines ? Est-il possible d’identifier et de cartographier des réseaux d’artistes unis par les liens de l’amitié et mettant leurs affinités au service de créations communes ?

De nombreux artistes font également de l’amitié le sujet de leurs œuvres. Au XVIIe siècle, l’histoire de David et Jonathan, tirée du Livre de Samuel, est mise en peinture par Rembrandt van Rijn[3]. Au début du XVIIIe siècle, le graveur hollandais Arnold Houbraken représente une personnification de l’amitié[4]. En France, Jean-Baptiste Pigalle réalise, en 1753, une allégorie de l’amitié dont l’ambition est de marquer l’évolution de la relation entre Louis XV et la marquise de Pompadour ; cette dernière souhaite en effet souligner qu’elle reste l’amie de cœur du souverain après avoir été sa maîtresse[5]. En 1760, le peintre François Boucher réalise l’École de l’amitié[6]. L’importance des portraits d’amis et la qualité de ces amitiés, entre un peintre et son mécène, comme Antoine Watteau et Jean de Julienne[7], entre artistes, comme Jean-Honoré Fragonard et Marguerite Gérard[8], doivent également être interrogées. Comment rendre visible le sentiment d’amitié dans une œuvre d’art visuelle ? Qu’elle soit peinte, gravée ou sculptée, est-il possible de « lire » l’affection qui unit des êtres chers ? Comment leurs regards, leurs gestuelles et leurs attitudes expriment-ils ce sentiment ? Quels procédés visuels l’artiste utilise-t-il pour faire apparaître ce sentiment fondé sur la sincérité, la confiance et l’engagement ?

Dans cette optique, cette journée d’étude entend explorer plusieurs axes non exhaustifs. Nous souhaitons notamment questionner :

  • l’histoire culturelle de l’amitié / des amitiés,

  • la sociabilité (à l’échelle de l’individu),

  • les réseaux (à l’échelle du collectif),

  • les querelles et les rivalités, voire les procès engendrés par une amitié qui dégénère,

  • les amitiés débouchant sur des collaborations artistiques,

  • la représentation de l’amitié à travers l’iconographie religieuse, les portraits d’amis ou de mécènes, les conversation pieces, les scènes de genre et les allégories,

  • les motifs, les signes, les gestes et les postures associés à la représentation de l’amitié,

  • les objets qui incarnent l’amitié,

  • les lettres d’artistes,

  • et les marges de l’amitié : les amours cachés, voire interdits, mais vécus à travers une amitié affichée aux yeux de tous.

Modalités de contribution

Date limite d’envoi des propositions : 31 mars 2022.

Les propositions de communication, en français ou en anglais, d’environ 500 mots, pourront prendre la forme de propos généraux ou d’études de cas. Les candidats sont priés de joindre un curriculum vitae.

Envoi des propositions et contacts : asso.grham@gmail.com et charlotte_rousset@hotmail.com

Cette journée d’étude est organisée par le GRHAM et Charlotte Rousset (Doctorante à l’université de Lille, IRHiS).

Comité de sélection

  • Florence Fesneau,

  • Maxime METRAUX,

  • Barbara JOUVES-Hahn,

  • Marine ROBERTON,

  • Maël TAUZIEDE-espariat,

  • Moïra DATO. Alysée Le Druillenec


Bibliographie sélective

Alberti, Alessia, Rovetta, Alessandro, Salsi, Claudio, D’après Michelangelo, Venise, Marsilio, 2015.

Cazes, Hélène (dir.), Topiques, Études Satoriennes – Topique de l’amitié dans les littératures françaises d’Ancien régime, Victoria, SATOR, 2015, vol. 1.

Chapman, H. Perry, Jorink, Eric, Lehmann, Ann-Sophie, Ars Amicitiae: The Art of Friendship in the Early Modern Netherlands, Boston, Brill, 2020.

Chittister, Joan, The Friendship of Women. The Hidden Tradition of the Bible, Saint-Laurent, Bellarmin, 2007.

Florensky, Pavel, L’Amitié, Paris, Éditions Mimésis, 2018.

Fripp, Jessica L., Portraiture and Friendship in Enlightenment France, Newark, University of Delaware Press, 2020.

Goedt, Michel de, L’Amitié divine à l’école de Thérèse d’Avila, Toulouse, Éditions du Carmel, 2012.

Heacock, Anthony, Jonathan loved David. Many love in the Bible and the hermeneutic of sex, Sheffield, Sheffield Phoenix press, 2011.

Hoare, Alexandra, Salvator Rosa, Friendship and the Free artist in Seventeenth-Century Italy, London, Turnhout, Harvey Miller, Brepols, 2018.

Nardelli, Jean-Fabrice, Classical and Byzantine Monographs – Le motif de la paire d’amis héroïque à prolongements homophiles. Perspectives odysséennes et proche orientales, Amsterdam, Hakkert, 2004, n° 56.

Olyan, Saul, Friendship in the Hebrew Bible, Yale, Yale University press, 2017.

Petit, Jean-François, Saint Augustin et l’amitié, Paris, Desclée de Brouwer, 2007.

Prévost, Aurélie, L’Amitié en France aux XVIe et XVIIe siècles : Histoire d’un sentiment, Louvain-La-Neuve, UCL, Presses Universitaires de Louvain, 2017.

Rievaulx, Aelred de, Briey, Gaëtane de, L’Amitié spirituelle, Paris, Les Éditions du Cerf, 2019.

Schnackenburg, Bernhard, Jan Lievens: Friend and Rival of the Young Rembrandt: With a Catalogue raisonné of his Early Leiden Work 1623-1632Petersberg, Michael Imhof Verlag, 2016. 

Vesely, Patricia, Friendship and Virtue Ethics in the Book of Job, New York, Cambridge University Press, 2019.

Williams, Hannah, Académie Royale: A History in Portraits, Farnham, Ashgate, 2015.


Notes

[1] Prévost, Aurélie, L’Amitié en France aux XVIe et XVIIe siècles : Histoire d’un sentiment, Louvain-La-Neuve, UCL, Presses Universitaires de Louvain, 2017, p. 17.

[2] Furetière, Antoine, « Amitié », Dictionnaire universel, La Haye et Rotterdam, Arnout & Reinier Leers, 1690.

[3] La Réconciliation de David et d’Absalon ou Les dieux de David et Jonathan, 1642, Huile sur bois, 73 x 61,5 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage.

[4] Arnold Houbraken, Personnification de l’amitié, v. 1710-1715, gravure sur bois, 18, 2 x 9,4 cm, Amsterdam, Rijksmuseum.

[5] Jean-Baptiste Pigalle, L’Amitié sous les traits de Madame de Pompadour, 1753, marbre, Paris, musée du Louvre.

[6] François Boucher, L’École de l’Amitié, 1760,  huile sur toile, 112,5 x 146 cm, collection particulière.

[7] Comme l’illustre l’œuvre réalisée par François de Troy représentant un portrait de Jean de Julienne tenant un porte-crayon et un portrait de son ami Watteau (1722, huile sur toile, 92,5 x 73 cm, Valenciennes, musée des Beaux-arts).

[8] Marguerite Gérard est portraiturée plusieurs fois par son beau-frère Jean-Honoré Fragonard. Celui-ci la représente au moins à deux reprises (Jean-Honoré Fragonard, Portrait de Marguerite Gérard, v. 1778, dessin, plume, encre et lavis, 18,2 x 12,6 cm, Besançon, musée des Beaux-arts et d’Archéologie et Jean-Honoré Fragonard, Portrait de la belle-sœur du peintre, 2ème moitié du XVIIIe siècle, pierre noire, 12,6 cm de diamètre, Paris, département des Arts graphiques du musée du Louvre).