Accueillir l’étranger : hospitalité et hostilité. France, Grande-Bretagne, Allemagne, 1680-1850
Bordeaux (3-5 avril 2024), avant le 15 mai 2023

Université Bordeaux Montaigne

Langues: français, anglais

L’actualité de la guerre et des migrations a mis sur le devant de la scène la question de l’accueil des migrantes et migrants et du devoir d’hospitalité. Le colloque international Jeunes chercheurs se propose d’explorer le rapport aux étrangers dans les territoires germanophones, en France et en Grande-Bretagne (espaces coloniaux compris) depuis la révocation de l’Edit de Nantes (1685), provoquant des migrations vers les pays du Refuge, jusqu’aux révolutions de 1848, marquées à la fois par un enthousiasme internationaliste et par des exils politiques. Les sociétés d’ancien régime en Europe de l’Ouest ont élaboré des normes juridiques et des arrangements pratiques pour accueillir ou rejeter des étrangères et étrangers aux statuts divers. La Révolution française, puis les politiques répressives consécutives au Congrès de Vienne (1815) jettent sur les routes de l’Europe des milliers de réfugiées et réfugiés politiques. Alors qu’il n’existe aucune reconnaissance juridique de l’exil, ces personnes se trouvent confrontés à des politiques migratoires diverses selon les pays, la Grande-Bretagne accordant la liberté d’établissement totale en 1826. L’importance de la question religieuse et politique dans l’accueil des étrangers et étrangères ne doit pas occulter le rôle significatif des migrations pour des raisons économiques, qui peuvent également être traitées dans le cadre de ce colloque.

On peut s’attacher à l’histoire des migrations elles-mêmes, croisées avec l’histoire du politique et des relations internationales pour étudier les accueils possibles des migrantes et migrants, à travers les dispositifs institutionnels ou à travers des études de cas d’individus, de familles ou de communautés en exil. On problématisera la notion d’étranger: celle-ci recouvre un spectre de perceptions et de statuts juridiques évolutifs, redéfinis par la Révolution française et la naissance de l’Etat-nation. Les langues allemande et anglaise ont un vocabulaire spécifique pour désigner l’inconnu (la personne qu’on ne connaît pas dans une communauté où tout le monde se connaît) et le non-national, entendu comme catégorie sociale ou juridique (fremd, Ausländer; stranger, foreigner, alien). La multivalence de la notion d’étranger, désignant à la fois l’inconnu et le citoyen ou sujet d’un autre pays, peut servir à analyser des formes de sociabilité transnationale où les relations d’interconnaissance et de face-à-face priment l’appartenance nationale. Des contributions sur la sociabilité féminine ou sur la sociabilité à l’initiative des femmes seront les bienvenues dans ce cadre. On s’interrogera par exemple sur les Huguenots et les Jacobites au dix-huitième siècle, et, à partir de la Révolution française, sur les multiples réseaux et sociétés politiques qui se développent pendant tout le premier dix-neuvième siècle : émigrées et émigrés, illuminati, Tugendbund, Carbonari… Certains groupes possèdent des statuts intermédiaires, parfois ambigus, pouvant mener au maintien des spécificités culturelles ou à une intégration dans la communauté d’accueil. Il en est ainsi des marchands installés dans des ports ou villes commerçantes étrangères et jouissant de protection, parfois de droit de bourgeoisie ou de naturalisation. Ce questionnement sur les réseaux pourra donner à l’examen des transferts culturels, intellectuels, politiques ou encore économiques entre les trois espaces.

Un autre axe d’étude fécond comprend les représentations mentales, artistiques et littéraires des étrangères et étrangers, entre cliché et xénophilie. L’image des Noirs se dégrade à mesure que s’étend le système colonial esclavagiste. On pourra penser l’hospitalité et les phénomènes de rejet dans le contexte de l’élaboration des hiérarchies raciales, par exemple au sein des Lumières écossaises. Récits de voyage et fictions construisent également des images de l’étranger et mettent en scène l’accueil ou l’hostilité, traitant parfois aussi de mixité et de métissage.

La définition de l’étranger (ou du « prochain », en termes théologiques) ainsi que la discussion des conditions du devoir d’hospitalité représentent un riche terrain d’enquête en histoire intellectuelle. On peut examiner les discours religieux, en chaire ou dans les traités théologiques, dans le contexte socio-politique des relations interétatiques, des migrations comme le Refuge et de l’existence de réseaux transnationaux, qu’ils soient confessionnels ou relèvent de la République des Lettres. La Révolution française fait de l’hospitalité une valeur politique normative. Dans le Projet de paix perpétuelle (1795), Kant définit l’hospitalité comme « le droit qu’a un étranger arrivant sur le sol d’un autre de ne pas être traité en ennemi par ce dernier ». Il fait de l’hospitalité un problème politique et juridique qui se pose jusqu’à notre époque. Cette construction politico-juridique de l’hospitalité pourra être mise en regard avec les pratiques d’accueil.

Les thématiques possibles incluent :
–       définitions juridiques, politiques, religieuses de l’étranger
–       traitement des étrangers-inconnus (strangers, Fremde)
–       migrations et question du genre
–       migrations et transferts culturels
–       communautés de marchands, marins…
–       migrations économiques
–       accueil des étrangères et étrangers de passage : voyages, Grand Tour
–       réfugiées et réfugiés de guerre
–       réfugiées et réfugiés religieux, huguenots
–       diasporas politiques, jacobites au XVIIIe siècle
–       enjeux politiques de l’internationalisme
–       révolutions et exils politiques
–       Révolution française et hospitalité ou inhospitalité révolutionnaire
–       Printemps des peuples et hospitalité
–       réseaux d’accueil, hospitalité envers les réfugiés
–       mixité et métissage
–       représentations artistiques et littéraires des étrangers
–       mécénat et accueil des artistes étrangères et étrangers
–       réflexion théologique sur l’étranger : le prochain, le bon Samaritain
–       réflexion philosophique sur l’étranger et l’hospitalité

Les communications dureront 20 minutes avec 10 minutes de temps de discussion.

En fonction des financements obtenus, nous nous efforcerons de couvrir les coûts de transport et d’hébergement des chercheuses et chercheurs en début de carrière.

Les propositions de communication (250 mots maximum), les coordonnées, ainsi qu’une brève note biographique (100 mots maximum) sont à envoyer avant le 15 mai 2023 à

Rémy Duthille  rduthille@u-bordeaux-montaigne.fr

et Tristan Coignard Tristan.Coignard@u-bordeaux-montaigne.fr