Centre d’Histoire Espaces et Cultures – CHEC | Université Clermont Auvergne
Journée d’étude organisée par le CHEC et le CELIS dans le cadre du projet régional « Les poètes dans la cité en Révolution (1789-1848) »
Responsables scientifiques : Clare Siviter et Jérémy Decot
« Un engagement en vers et contre tous : servir les révolutions, rejouer leurs mémoires (1789-1848) »
Le nouveau Siècle (1806)
Dans un champ par le soc récemment déchiré,
J’ai vu le nouveau Siècle aux formes colossales.
Il marchait à grands pas, triomphant et paré
D’un chapelet de couronnes royales,
Et sur le sol au loin, de ses mains libérales,
Il jetait des grains noirs.
« Que sèmes-tu ? Voyons.
– Ami ! … des révolutions. »
Théophile Conrad Pfeffel (1736-1809)
L’évocation de l’engagement politique lors des révolutions françaises entre 1789 et 1848 peut faire penser aux pamphlets et à la presse, organes d’influence idéologique en temps de combat. Or les vers occupent une place significative dans ces supports médiatiques. La Décade philosophique prétend même que ces odes, chansons et hymnes composés sous la Révolution « passer[aie]nt à la postérité la plus reculée » (8 juin 1794). Qu’ils fréquentent la Muse en amateurs ou en professionnels de la plume, plusieurs acteurs politiques de la période sont ainsi des versificateurs de poésie, de théâtre, ou de chansons – pensons notamment à Marie-Joseph Chénier, François de Neufchâteau, Collot d’Herbois, Fabre d’Eglantine, Antoine-Vincent Arnault, et même au jeune Bonaparte ; à Benjamin Constant, Pierre Lebrun, Chateaubriand, Victor Hugo, ou encore Alphonse de Lamartine. L’un des héritages les plus emblématiques des Révolutions n’est-il pas d’ailleurs La Marseillaise ?
Peu d’ouvrages placent l’engagement littéraire de la Révolution de 1789-1799 au cœur de leur étude, d’autant moins quand il s’agit des vers. Pourtant, les travaux récents de Corine Legoy et de Jean-Luc Chappey, parmi d’autres, nous démontrent que la poésie reste un mode d’expression privilégié de l’engagement politique, non seulement sous la Révolution, mais même lors de la Restauration. En effet, surtout pour une enquête allant jusqu’en 1848, il s’agit d’un moment où les vers sont en pleine redéfinition (avec la démocratisation de la versification, la montée de la poésie ouvrière et des fluctuations génériques, notamment l’essor du drame et du poème en prose) et où la mémoire des révolutions françaises prend une autre signification à l’échelle européenne. Ces évolutions rendent d’autant plus nécessaire d’examiner l’engagement et l’invocation de la mémoire révolutionnaire dans les vers.
La mémoire de la « Grande Révolution » reste au cœur de l’engagement politique à travers les décennies, et ses œuvres, telles que les chansons, pièces de théâtre et pamphlets, sont réimprimées, surtout au moment des crises politiques. Les versificateurs font revivre la Révolution et s’en servent pour leur combat idéologique. La poésie et le théâtre, comme genres littéraires, s’affirment donc comme l’expression de manifestations collectives, que ce soit sur les planches, ou lors de lectures et autres récitations publiques.
Si la place des poètes et des dramaturges dans cet « âge des révolutions » a déjà été analysée, on s’interrogera davantage, dans le cadre de cette journée d’étude, sur la mobilisation des mémoires révolutionnaires de 1789 à 1848 chez ces versificateurs, et sur les formes artistiques qu’ils privilégient au service de leur propre lutte politique (ici limitées à la poésie, au théâtre versifié parlé ou en musique, et aux chansons). On s’intéressera plus particulièrement aux problématiques suivantes :
1. Les textes : contenu et idéologie, les genres et leurs évolutions, l’usage du vers et son évolution, les mouvements littéraires…
2. Les auteurs : engagement politique, effets de générations, réseaux…
3. Les conditions de production et de diffusion : dimension collective de la production et de la réception, commandes, moyens de diffusion (presse, almanachs, sociétés littéraires, lectures publiques, librairies), traductions, adaptations et rééditions…
4. Les publics : profil, localisation, effets de génération…
Comité scientifique : Philippe BOURDIN (Université Clermont Auvergne), Jean-Luc CHAPPEY (Université Paris I), Françoise LE BORGNE (Université Clermont Auvergne), Catriona SETH (All Souls College, University of Oxford), et Nathalie VINCENT-MUNNIA (Université Clermont Auvergne).
Les propositions de communication de 3000 signes maximum doivent être envoyées avant le 15 septembre 2017 aux adresses suivantes : clare.siviter@uca.fr et jeremy.decot@hotmail.fr