Rétrospectives et perspectives : femmes et genre en littérature, le temps du bilan ?
Poitiers (5-6-7 novembre 2025), avant le 28 novembre 2024

Université de Poitiers

Organisé par Béatrice Bloch, Anne Debrosse, Natacha D’Orlando et Élina Galin. Avec le soutien de la SIEFAR

Les études de genre sont désormais bien installées dans les sciences sociales et en histoire, à tel point qu’on a pu dire dès 2008 qu’elles atteignaient un palier, après une période d’ascension, d’effervescence et de riches apports scientifiques[1]. Dans ces domaines disciplinaires, nombreux sont les travaux qui se consacrent à des questions de genre uniquement et les contributions scientifiques se passent désormais difficilement de ce prisme.

La recherche en littérature ne manque pas de s’y intéresser en France, non sans quelques retards et réticences qu’une comparaison avec les mondes académiques anglophones rend particulièrement sensible. De fait, et comme le rappelait notamment Christine Planté en 2018, le lien entre pensée du genre et des sexualités, d’une part, et pensée et pratiques de la littérature, de l’autre, s’établit précocement[2]. Une large part des travaux considérés désormais comme fondateurs pour les études de genre proviennent en effet d’autrices (Hélène Cixous et Monique Wittig, par exemple, pour le contexte francophone) ou de théoriciennes qui ont été formées en études littéraires (comme le sont Gayatri Chakravorty Spivak ou Eve Kosofksy Sedgwick ; Judith Butler a enseigné dans un département de Littérature comparée et est titulaire de doctorats de Lettres honoris causa). Ce lien organique et originel a pu sembler s’étioler à mesure que la recherche française en littérature a accumulé du retard sur ses questions, malgré son ancienneté sous nos latitudes, comme les travaux d’Hélène Cixous, Luce Irigaray en témoignent. En France, ces études semblent néanmoins recevoir désormais un coup d’accélérateur après ce temps de latence, en décalage avec leur explosion dans les sciences sociales et certaines sciences humaines, ainsi qu’avec le développement, sur la scène académique mondiale des études sur le genre et les sexualités (que celles-ci soient, selon les époques, désignées comme études sur les femmes, études féministes, études lesbiennes et gays, études sur les masculinités, ou encore études queer). 

Pour ce qui concerne la littérature féminine dans le milieu universitaire français, certes, des recherches existent depuis longtemps (La Petite Sœur de Balzac, 1989, etc.). Ces travaux, d’abord peu nombreux, se sont massivement diffusés et rencontrent de francs succès éditoriaux, y compris en dehors des murs de l’Université, comme en témoigne le récent Femmes et littérature. Une histoire culturelle (2 vol., 2020). Cependant, cet ouvrage complet arrive 30 ans après L’Histoire des femmes en Occident (1991) et se place sous le signe de « l’histoire culturelle », oscillant ainsi entre histoire et littérature, représentations et réception, comme si les études littéraires hésitaient à s’emparer du genre, en tout cas en France, et devaient se placer sous le patronage de l’histoire pour ce faire. Les études de genre ayant découlé en partie des études sur les femmes et des études féministes, la latence entre ces dernières et l’apparition de travaux et de sommes relatives aux études lesbiennes et gays, queer ou aux études sur les masculinités s’explique facilement. Cependant, là encore, les études littéraires françaises ne sont pas à la pointe. Plus précisément de nombreux travaux réflexifs et novateurs existent[3] ; cependant, ils n’ont pas toujours eu la reconnaissance qu’ils méritaient. Il y a un réel retard institutionnel, contrastant avec les initiatives de volontés individuelles tenaces, qui tentent d’institutionnaliser le champ en France mais que l’invisibilisation menace toujours. Si toutes les universités américaines comportent des spécialistes du genre, ce n’est pas le cas en France. On attend sans doute l’équivalent de l’Histoire de la virilité (2011)[4] et des ouvrages de Marie-Jo Bonnet (1981) et de Jennifer Tamagne (2001)[5] : le premier colloque français sur lesbiennes et littérature s’est tenu récemment à Mulhouse (2019) et une première synthèse sur la « littérature lesbienne » vient de paraître (Écrire à l’encre violette, 2022)[6] – synthèse qui fait le constat que jusqu’à maintenant, la recherche a été menée essentiellement par des « militant.es et étudiant.es, journalistes et lecteurices, archivistes, maisons d’édition et chercheureuses indépendant.es » (p. 20) plutôt que par des chercheur.ses en poste dans des institutions scientifiques. Paula Dumont en est un exemple frappant, elle qui dut attendre sa retraite de l’Éducation nationale pour publier sur la question – dont son Entre femmes, 250 œuvres lesbiennes résumées et commentées en 4 vol. (2015-2022), seul travail encyclopédique français sur ce sujet. Par comparaison, The Gay and Lesbian Literary Heritage: A Reader’s Companion to the Writers and Their Works, from Antiquity to the Present date de 1995 et a reçu tous les soutiens institutionnels nécessaires à une telle entreprise[7]. Les productions militantes érudites foisonnent, avides justement de combler le vide universitaire, aussi bien sur le plan de la recherche que de la transmission. Si les masters en études de genre se développent, ils sont souvent l’émanation des sciences humaines et sociales, et, si l’on excepte le DEA d’Études féminines fondé à l’Université Paris 8 dès les années 1970, ils ne se sont ouverts aux disciplines littéraires que dans un second temps. Les entreprises de cet ordre en littérature sont souvent sporadiques, et le fruit de bonnes volontés locales, qui répondent à la demande croissante des étudiant.es, sans qu’elles fassent particulièrement partie d’un groupe de travail étiqueté « genre[8] », si ce n’est à se fondre dans un projet pluridisciplinaire. Pourtant, l’intérêt d’une perspective littéraire ne fait aucun doute, même si la question de la disciplinarité se pose, la discipline étant entendue au sens large : stylistique, narratologie, sémiotique, socio-littérature, études de réception, approches thématiques… Peut-être n’est-ce pas pour rien que les études de genre sont plus intégrées à des questionnements littéraires dans d’autres pays, où les frontières disciplinaires ne sont pas les mêmes, où la littérature est sans doute un objet moins sacralisé (intégration des études littéraires dans les cultural studies), et où l’étude de groupes définis en fonction de leur catégorie de sexe ou de leur sexualité se confronte moins à l’universalisme. Il ne s’agit pas de réduire des approches, nécessairement transdisciplinaires et internationales, ni de pointer les particularités françaises comme un défaut, mais d’inviter à s’interroger à leur sujet, à travers une perspective chronologique large. 

I. Les études sur les femmes et féministes

En France, les évolutions restent en réalité assez lentes dans les disciplines littéraires, notamment pour ce qui concerne l’éducation et les programmes, secteurs assez conservateurs comme on le sait, mais aussi pour tout ce qui touche à l’édition – les instances qui institutionnalisent la littérature. 

 En 2013[9], le Centre Hubertine Auclert puis en 2016 le Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes[10] ont montré dans leurs études qu’en littérature, « 95 % des textes littéraires soumis à l’étude des élèves sont écrits par des hommes ». Les travaux d’Audrey Lasserre, qui s’intéressent aux histoires littéraires, permettent d’avoir une perspective systématique sur la question, bien qu’un peu ancienne maintenant[11]. Les autrices sont cantonnées dans les chapitres ou sections où elles sont attendues (roman, épistolaire…) et on retrouve toujours les mêmes (alors que certaines, très célèbres et influentes en leur temps, n’ont pas leur place), tandis qu’on s’intéresse à leurs biographies plutôt qu’à leurs productions (idée bien connue depuis la fin des années 1980 et les travaux de Christine Planté notamment). Par ailleurs, les personnages féminins sélectionnés dans les canons sont trop souvent dans des rôles stéréotypés. L’Éducation nationale et des instances étatiques comme le Haut Conseil à l’égalité impulsent les efforts destinés à diminuer cet état de fait, qui persiste néanmoins. Alors que l’Association Mnémosyne a produit un manuel sur les femmes dans l’histoire en 2013, on attend toujours la même chose en littérature[12]. 

S’il existe un ouvrage qui se présente véritablement comme un manuel[13], il est assez révélateur qu’il ne s’adresse qu’aux élèves de collège. Le lycée est un niveau d’enseignement tourné vers le baccalauréat, or l’épreuve anticipée de français laisse peu de place aux autrices. Il faut aussi attendre 2017 pour qu’une œuvre d’autrice (La Princesse de Montpensier de Marie-Madeleine de Lafayette) soit mise au programme de la classe de Terminale. Depuis 2019, les programmes d’œuvres en première n’osent plus ne pas intégrer au moins une ou deux autrices dans leur liste – et ce d’autant plus que les tribunes continuent de se multiplier sur internet pour dénoncer la part toujours congrue faite aux autrices dans les programmes scolaires. En ce qui concerne l’école primaire, les travaux anciens de Brugeilles, Cromer et Panissal (2002, 2009) analysent les listes officielles de littérature jeunesse et soulignent le sexisme des représentations qu’ils véhiculent.

Des projets de rassemblement de textes et de publications aboutissent cependant, souvent (mais pas seulement[14]) à l’initiative d’historiennes de la littérature et de femmes critiques littéraires, depuis la fin du XVIIIe siècle[15]. Il existe en fait un écart assez net entre les productions universitaires (établissement de textes, réhabilitation d’autrices oubliées…) et l’enseignement, qui commence à peine à répondre à une véritable demande du corps social (pétitions pour qu’il y ait davantage d’autrices aux programmes et aux concours de l’Éducation nationale, création sporadiques et individuelles de plates-formes consacrées aux autrices[16] ; etc.). Et si, jusqu’aux années récentes, les femmes ont longtemps eu du mal à se faire une place dans certains domaines de l’édition, par exemple en « poésie Gallimard », elles trouvent d’autres éditeur.ices, ailleurs, sous forme papier. L’auto-édition par le net ou les revues numériques représentent aussi un moyen pour les femmes de toucher un lectorat dans les circuits officiels et même en dehors : on pense à l’impact internet de l’écrivaine canadienne Rupi Kaur[17], par exemple, qui relève d’un véritable phénomène. Les contacts avec le public lors des rencontres d’écrivain.es aujourd’hui ne sont-elles pas aussi l’occasion d’infléchir le monde littéraire en y marquant la présence des femmes ? Le lectorat est souvent devenu plus féminin[18] ; les festivals du livre et rencontres d’autrices font aussi le plein. Les salons d’autrices ou de femmes savantes du XVIIe siècle étaient déjà un laboratoire littéraire, conçu et pratiqué comme tel, permettant d’ailleurs l’avènement de nouveaux courants de pensée et genres littéraires comme le roman, au grand dam de certains censeurs qui estimaient que la grande littérature s’efféminait et donc se dégradait[19]. Aujourd’hui cependant, l’importance croissante d’un lectorat sensible aux questions de genre produit des infléchissements sur la littérature et ses institutions, même si les échos sont troublants avec l’époque de la Querelle des femmes.

L’une des approches de ce colloque prendra en compte les influences exercées par l’étranger sur la littérature et la pensée littéraire françaises. On s’interrogera aussi sur l’influence que la littérature française exerce sur les écrivaines et sur les critiques féministes et émanant des études de genre, hors de la sphère culturelle française. Un tour d’horizon plus large sur la réception des écrivaines françaises à l’étranger, comme ce fut le cas de la lecture des théoriciennes et écrivaines de la génération féministe des années 1970 (on pense au voyage de Christine Delphy en Serbie, qui donna un tournant nouveau aux féminismes serbes), permet de voir en quoi cette littérature peut avoir un impact hors des frontières de l’hexagone. En retour, on note que la littérature en France et son étude s’imprègnent des influences de l’étranger, ou jouent de la reconnaissance externe, comme ce fut le cas pour Monique Wittig, dont La Pensée straight a reçu un véritable coup de projecteur grâce aux États-Unis. Cela vaut pour les siècles plus anciens : on a pu évaluer plus justement l’originalité de Louise Labé à l’aune des écrivaines italiennes qui l’ont précédée de peu ou qui lui ont été contemporaines[20]. Il sera ainsi important de considérer le genre comme un site de comparaison pour prendre en compte combien une forme d’internationale du genre a permis ces nombreux transferts d’un espace culturel à l’autre. Une comparaison avec les études féministes et de genre dans d’autres pays serait également riche d’enseignements. Car nombreux sont ceux où se développent une pensée littéraire féministe et une étude des genres, ainsi qu’une reconnaissance de la littérature féminine (ainsi, par exemple, le prix littéraire Alessio a-t-il été donné en Italie ces dernières années surtout à des écrivaines). Cette reconnaissance peut être transnationale, comme celle de Gabriela Mistral lauréate du prix Nobel en 1945 (premier lauréat d’Amérique latine), et infléchir voire forcer les valeurs nationales – elle reçut enfin le Prix National de Littérature chilien en 1951.  

II. Littérature et études de genre

Des débats virulents ont vu le jour au moment même où le féminisme classique a dû aussi prendre en compte ses points longtemps restés aveugles : les études lesbiennes et gays, les études queer et les approches intersectionnelles (Judith Butler, Donna Haraway, Teresa de Lauretis, bell hooks, Awa Thiam, Paul B. Preciado…). Ces difficultés se cristallisent dans l’institutionnalisation progressive et encore inachevée des littératures féminines et féministes, mais aussi queer et lesbiennes et gays. Elle invite à s’interroger sur le canon ou les classiques : l’exclusion trop fréquente des espaces dits périphériques ou minoritaires de la « République mondiale des Lettres » (Pascale Casanova) pose problème.

Interroger le canon, c’est réfléchir aussi en termes de thématiques ou de styles. Faut-il ou non revendiquer une « écriture féminine », comme le faisait par exemple Hélène Cixous, ou refuser une singularité collective fondée sur le genre, voire une « différance » ?  L’écriture est-elle un lieu privilégié du dépassement du binarisme, comme le voulait Monique Wittig ?  Enfin, l’écriture d’auteur.rices marginalisé.es par leurs sexualité est-elle, ou non, un marqueur propre à un vécu expérientiel, voire le signe d’un « rapport spécifique » à la littérature[21] ? Si la théorie des années 1970 a donné une grande importance à la psychanalyse ou à la textanalyse, les féminismes, comme les études lesbiennes et gays puis les études queer, peuvent semblablement proposer des écritures alternatives à la vision traditionnelle de l’Œdipe, ainsi que le montre avec force par exemple l’écrivain Paul B. Preciado (Je suis un monstre qui vous parle, 2020) après Luce Irigaray notamment. 

Dans ce type de perspective, certain.es chercheur.ses en littérature tentent depuis longtemps d’échapper à la binarité de genre. C’est tout l’enjeu des études queer, qui s’intéressent à des corpus récents mais aussi anciens. Le collectif Shakesqueer: A Queer Companion to the Complete Works of Shakespeare (2011), suivi de peu d’un Queer Shakespeare (2017), est l’un des premiers dans ce domaine. Dans la foulée des théories de Thomas Laqueur, les études sur les siècles anciens ont été très sensibles à un continuum entre les sexes et parmi les premières à s’intéresser au brouillage des genres, que les textes anciens ne manquent jamais de mettre en scène. Il s’agit de proposer des Queer (Re) Readings[22] des littératures anciennes, mais aussi d’être conscient.es de la queerité qu’elles contiennent en elles-mêmes, grâce à des relectures, au plus proche des contestations anciennes des codes littéraires de la culture « straight », laquelle est remise en cause de façon de plus en plus frontale dans le domaine contemporain, avec ses propres problématiques[23].

Pourtant, la binarité, justement contestée sur le plan ontologique, peut rester pertinente comme outil d’analyse en raison de l’histoire de la bipartition sexuée et sexuelle qui, sans cesse contestée, s’est imposée au fil des siècles. C’est pourquoi les études sur les masculinités et les hommes permettent des éclairages intéressants. Elles commencent tout juste à s’assurer une certaine visibilité dans les études littéraires françaises[24].

Le colloque permettra ainsi de sortir du seul paradigme de l’invisibilisation ou de l’invisibilité des écrivaines pour envisager, plutôt, ce que les études de genre ont permis et permettent aux études littéraires, depuis les premiers frémissements de ces approches jusqu’aux bouleversements plus contemporains.  

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Quant à l’Université, même si elle s’est emparée de ces questions, qu’en est-il vraiment des études de genre et des études féministes dans les disciplines littéraires ? C’est l’heure d’un premier bilan et nous voudrions proposer un regard rétrospectif et prospectif sur les études de genre et des sexualités en proposant trois fils d’orientation. 

⮚      Premier fil : invisibilisation ; cantonnements ; moyens de lutte pour la reconnaissance. Quelles études sur les femmes ont cherché à rendre visibles les femmes et, par conséquent, implicitement ou non, invitent à un questionnement sur les processus d’exclusion qui les ont invisibilisées ?  Quelles études féministes ont cherché l’origine et les processus des phénomènes d’exclusion et d’oppression ? En quoi les pensées et les écritures féministes et du genre accompagnent-elles ou précèdent-elles les évolutions et les problèmes sociaux ? Nous proposons de rechercher d’où vient l’inégalité de traitement entre les auteur.es et d’interroger les recherches de nouvelles méthodologies qui permettent de rebattre les cartes de l’objectivité scientifique. Comment combattre aujourd’hui l’invisibilisation ? Quelle est la position des autrices à propos des féminismes (Beauvoir, Ernaux, Duras peuvent en donner des exemples, mais il y en a d’autres) ? Dans quelle mesure les littératures et les imaginaires queer, lesbiens, gays ou émanant de masculinités ou de féminités non normatives, de littératures dites périphériques ont-ils été invisibilisés ou au contraire valorisés ? 

⮚      Deuxième fil : s’interroger sur les productions littéraires du genre. 

Le genre remet en question la prétendue naturalité des différences femmes/hommes et met en lumière la fluidité de genre, vécue ou choisie[25]. Comment cela s’exprime-t-il en littérature ? Comment les recherches peuvent-elles s’en emparer ? La fiction est-elle un espace particulier d’expérimentation sur les questions de genre ? Le théâtre, en ce qu’il est performance, propose-t-il un regard spécifique sur ces questions ? Qu’en est-il de la poésie ? La littérature en général est-elle un laboratoire de prédilection sur ces questions, en littérature française, francophone ou dans d’autres langues ? Comment les genres littéraires ont-ils été investis par les écrivain.es féministes ? 

⮚      Troisième fil : interrogation réflexive et métacritique sur les études queer, lesbiennes et gays, sur les masculinités, sur les femmes dans la discipline littéraire. 

Quel regard peut-on porter sur le passé, sur l’état actuel des études féminines et féministes littéraires ? Quels conflits définitionnels ou théoriques existent, ou ont existé ? Que nous apprend la comparaison entre les études littéraires de genre en français, en pays francophones et dans d’autres langues et cultures pour nos propres pratiques réflexives ? Quelle est la part de reconnaissance institutionnelle pour ces études en France aujourd’hui et par quels canaux passe-t-elle (Université, sociétés savantes, associations…) ? Comment la création littéraire et la pensée du genre se nourrissent-elles, ou non, l’une et l’autre ?

Dans chacun de ces domaines, existe la possibilité d’études de cas. Nous privilégierons les propositions qui montrent le souci d’une approche critique et/ou théorique, et d’une attention à l’historicité des questionnements dans les études de genre. Des angles d’attaque proprement littéraires (narratologie, perspective stylistique, plus philosophique…) sont souhaités. 

Des propositions sur des corpus de toutes les époques et langues sont bienvenues. Si la focalisation sera sur la littérature française, les études sur d’autres champs littéraires seront les bienvenus, avec ou sans prisme comparatif. 

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Comité scientifique :

Sophie Albert (Sorbonne Université)

Isabelle Boisclair (Université de Sherbrooke)

Flavia Bujor (Université Paris 8)

Mélinda Caron (Université TÉLUQ)

Nathalie Grande (Université de Nantes)

Camille Islert (École normale supérieure de Lyon)

Daniele Maira (Université de Göttingen)

Sofia Raquel Oliveira Dias (Université de Salamanque)

Christine Planté (Université Lumière Lyon 2)

Marie-Jeanne Zenetti (Université Lumière Lyon 2)

Les propositions de communications (en français, anglais, italien ou espagnol), qui feront une demi-page environ, sont à envoyer pour le 28 novembre 2024 sous format pdf aux adresses suivantes :

beatrice.bloch@univ-poitiers.fr

anne.debrosse@univ-poitiers.fr

natacha.d.orlando@univ-poitiers.fr

elina.galin01@univ-poitiers.fr

Colloque dans le cadre du FoReLLIS, avec le soutien de l’École doctorale Humanités (Université de Poitiers), la SIÉFAR (Société internationale pour l’étude des femmes de l’Ancien Régime) et de l’IEC (Institut Émilie du Châtelet).


[1] Jacques Dalarun, « Dieu changea de sexe, pour ainsi dire » : la religion faite femme : XIe-XVe siècle, Paris, Fayard, 2008.
[2] Christine Planté, « Le genre en littérature : difficultés, fondements et usages d’un concept ». Épistémologies du genre, édité par GenERe, ENS Éditions, 2018, https://doi.org/10.4000/books.enseditions.9197 SMASH.
[3] Par exemple, les collectifs « Le genre et les études littéraires d’expression française (XXe-XXIe siècle). À la lumière des études de genre » (dir. Nathalie Froloff et Yvanne Rialland, Revue ElFe XX-XXI, n.6, 2016) ; Le genre en littérature. Les reconfigurations masculin/féminin du Moyen Âge à l’extrême contemporain (dir. Marie-Françoise Berthu-Courtivron et Fabienne Pomel, PUR, 2021) ; Comment faire des études-genres avec de la littérature. Masquereading (dir. Guyonne Leduc, L’Harmattan, 2014, ouvrage issu d’un séminaire lillois) ; les travaux d’Anne-Emmanuelle Berger (notamment ceux qui portent sur les différences entre études de genre américaines et françaises dans Le grand théâtre du genre : Identités, sexualités et féminisme en “Amérique”, Paris, Belin, 2013) ; des articles qui ressaisissent la question comme « Genre. Penser le “genre” en langue(s) ou comment faire des études de genre en littéraire ? », dans Fragments d’un discours théorique. Nouveaux éléments de lexique littéraire, dir. Emmanuel Bouju, Nantes, éditions Cécile Defaut, 2015 ; « Le genre en littérature :  difficultés, fondements et usages d’un concept », de Christine Planté (Épistémologies du genre Croisements des disciplines, intersections des rapports de domination, Lyon, ENS éditions, 2018), qui note en 2018 qu’il est « difficile de parler de genre dans les études littéraires » ; et l’existence de postes comme la chaire « Études littéraires de genre » (ENS de Lyon, occupée par Camille Islert) ; etc.
[4] Histoire de la virilité, dir. Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello, 3 tomes, Seuil, 2011.
[5] Les travaux pionniers de Marie-Jo Bonnet (Un choix sans équivoque. Recherches historiques sur les relations amoureuses entre les femmes (XVIe-XXe siècle), 1981, republié récemment sous le titre Les Relations amoureuses entre les femmes du XVIe au XXe siècle. Essai historique, Paris, Odile Jacob, 1995), s’appuyaient beaucoup sur la littérature, mais dans un travail d’historienne. Jennifer Tamagne (Mauvais genre ? Une histoire des représentations de l’homosexualité, Paris, La Martinière, 2001).
[6] Écrire à l’encre violette. Littératures lesbiennes en France de 1900 à nos jours, Aurore Turbiau, Alex Lachkar, Camille Islert, Manon Berthier et Alexandre Antolin, Le Cavalier bleu, 2022. L’introduction s’interroge d’ailleurs sur l’emploi du syntagme « écriture lesbienne » et sur ses limites. Le colloque de Mulhouse : « “Sapphic Vibes” : les lesbiennes dans la littérature de la Renaissance à nos jours » (org. Carine Martin, Claire McKeown, Maxime Leroy et Robert Payne, 2019). 
[7] Claude J. Summers (dir.), New-York, Henry Holt, 1995. L’entreprise dirigée par Didier Éribon et Arnaud Lerch, Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (Paris, Larousse, 2003), adopte toujours un angle généraliste, historique et culturel.
[8] Cluster Genre, Institut du Genre (Paris), Legs (Paris 8)… Les associations et sociétés savantes sont très dynamiques : la SIÉFAR (https://siefar.org/), pluridisciplinaire, contient une forte tendance littéraire. EFiGiES (https://efigies-ateliers.hypotheses.org/), PHILOMEL, LIMA.GE (sur le Moyen Âge)…
[9] https://www.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/fichiers/synthese-etude2013-francais-cha-web_1.pdf
[10] https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_rapport_formation_a_l_egalite_2017_02_22_vf.pdf. Voir p. 16 sq.
[11] « Les femmes ont-elles une Histoire littéraire ? », LHT-Fabula, n°7, janvier 2010, URL : http://www.fabula.org/lht/7/. Il faut aussi regarder, beaucoup plus récent, Regards de femmes sur l’histoire littéraire : réflexions liminaires, dir. Nathalie Grande et Mathilde Labbé, RHLF, 2023.
[12] https://mnemosyne-asso.com/la-place-des-femmes-la-revue-de-presse/ : La place des femmes dans l’histoire. Une histoire mixte (dir. Geneviève Dermenjian, Irène Jami, Annie Rouquier et Françoise Thébaud, Belin, 2013).  Nous pourrions ajouter Histoire féminine de la France (Yannick Ripa, Belin, 2020) et L’Histoire des femmes en France de la Renaissance à nos jours (Catherine Chadefaud, Ellipses, 2023).
[13] Des femmes en littérature, 100 textes d’écrivaines à étudier en classe, 2019, Belin éducation.
[14] Voir Jean Larnac, Histoire de la littérature féminine en France, Paris, Kra, 1929. La première anthologie connue d’œuvres de femmes remonte à 1559 (Rime diverse d’alcune nobilissime et virtuosissime donne, par Lodovico Domenichi, voir l’éd. contemporaine par Clara Stella, Paris, Classiques Garnier, 2022).
[15] Des bases de données commencent à se constituer https://visiautrices.hypotheses.org/https://ledeuxiemetexte.fr/jelalis/ et http://george2etexte.free.fr/https://untexteunjour.fr/nos-applications et des anthologies continuent d’exister : l’anthologie d’autrices publiée récemment par Daphné Ticrizenis n’est pas très différente de celles qui existent depuis le XIXe siècle (par exemple, Louise D’Alq, Anthologie féminine : anthologie des femmes écrivains, poètes et prosateurs depuis l’origine de la langue française jusqu’à nos jours, Paris, Bureaux des Causeries familières, 1893). Voir aussi : https://www.fabula.org/colloques/sommaire10947.php, et même encore avant, Louise de Keralio (Collection des meilleurs ouvrages françois, composés par des femmes, dédiée aux femmes françoises, 14 volumes, 1786-1789), Fortunée Briquet (le Dictionnaire historique, littéraire et bibliographique des Françaises et des étrangères naturalisées en France (1804) et Félicité de Genlis (De l’influence des femmes sur la littérature française, comme protectrices des lettres et comme auteurs, 1811). Voir ausi https://www.fabula.org/colloques/sommaire10947.php pour la Belle Époque.
[16] https://www.fabula.org/actualites/79424/petition-pas-d-39-agregation-de-lettres-sans-autrice.html. et selon https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/06/16/bac-de-francais-2022-les-femmes-sont-mieux-prises-en-compte-dans-les-uvres-au-programme_6130546_4401467.html, en témoigne ainsi la pétition lancée en mai 2016, par Françoise Cahen « Pour donner leur place aux femmes dans les programmes de littérature au bac L » en France et qui eut un énorme succès immédiat jusqu’à infléchir les programmes du lycée français avec succès, mais qui ne parvient cependant pas encore totalement à donner aux femmes une place suffisamment flagrante (tandis que la situation est catastrophique au Royaume-Uni, où seulement 2% de femmes figurent dans les programmes scolaires : https://usbeketrica.com/fr/article/les-autrices-grandes-absentes-des-programmes-scolaires).
[17] Voir par exemple en France la revue Poézibao. Sur Rupi Kaur, voir : https://www.youtube.com/watch?v=3QEgOmgQVG4
[18] Christian Baudelot, Marie Cartier, Christine Détrez, Et pourtant ils lisent, Paris, Seuil, « L’Épreuve des faits », 1999.
[19] On peut voir à ce sujet, de Nathalie Grande, Stratégies de romancières de Clélie à La Princesse de Clèves (1654-1678), Paris, Honoré Champion, collection « Lumière classique » n° 20, 1999 et, de 1999 également, Les Précieuses, naissance des femmes de lettres en France au XVIIe siècle, Paris, Honoré Champion, collection « Lumière classique », de Myriam Dufour-Maître.
[20] Voir l’édition récente des Œuvres par Michèle Clément et Michel Jourde.
[21] Voir Un savoir gai de William Marx, Paris, Les Éditions de Minuit, 2018.
[22] Queer (Re)Readings in the French Renaissance: Homosexuality, Gender, Culture, de Gary Ferguson, Aldershot, Ashgate, 2008. 
[23] Par exemple François Cusset, Queer critics. La littérature française déshabillée par ses homo‑lecteurs, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », 2002 ; Muriel Plana, Fictions queer. Esthétique et politique de l’imagination dans la littérature et les arts du spectacle, Dijon, EUD, 2018.
[24] Impuissances. Défaillances masculines et pouvoir politique de. Montaigne à Stendhal, Yves Citton, Paris, Aubier, 1994 ; Fictions du masculin dans les littératures occidentales, dir. Bernard Banoun, Anne Tomiche et Monica Zapata, Paris, Classiques Garnier, 2014 ; Horizons du masculin Pour un imaginaire du genre, dir. Anne Debrosse et Marie Saint Martin, Paris, Classiques Garnier, 2020 ; Mollesses renaissantes. Défaillances et assouplissement du masculin, dir. Daniele Maira en coll. avec Freya Baur et Teodoro Patera, Genève, Droz, 2021. D’autres ouvrages croisent les disciplines tout en accordant une grande place à la littérature, comme Marges du masculin : exotisation, déplacements, recentrements (dir. Maxime Cervulle, Patrick Farges et Anne-Isabelle François, L’Harmattan, 2015), qui se met sous le signe des études cinématographiques également.
[25] Les débats sont vifs comme en témoigne par exemple l’ouvrage en ligne Situer la théorie : pensées de la littérature et savoirs situés (féminismes, postcolonialismes) (Dir. Marie-Jeanne Zenetti, Flavia Bujor, Marion Coste, Claire Paulian, Heta Rundgren et Aurore Turbiau).