Marie d'Ennetières
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Marie d'Ennetières | ||
Conjoint(s) | Simon Robert Antoine Froment | |
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Dénomination(s) | Marie Dentière | |
Biographie | ||
Date de naissance | 1495 | |
Date de décès | 1561 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) | ||
Dictionnaire Hilarion de Coste (1647) |
Notice de William Kemp, 2003
Fille aînée d'une famille dont le père fut anobli en 1523, Marie d'Ennetières, née en 1495, semble avoir été éduquée chez les soeurs augustiniennes de l'abbaye des Prés-Porchins à Tournai avant d'entrer dans les ordres. Attirée par les nouvelles idées religieuses, elle se compromet peut-être; vers 1524, elle s'enfuit du monastère. En 1527-1528, on la retrouve à Strasbourg chez le réformateur Wolfgang Capiton, épouse d'un ancien augustinien de la région de Tournai, Simon Robert. Après la victoire du parti réformé lors de la Dispute de Berne (janv. 1528), le couple rejoint Guillaume Farel dans la région d'Aigle à l'est du lac Léman. Robert est nommé pasteur à Bex, ce qui fait d'eux le premier couple à assurer un pastorat en territoire francophone. Son mari l'ayant laissée veuve en 1533 avec au moins deux enfants, elle épouse un des compagnons de Farel, le jeune Antoine Froment; elle et ses enfants s'installent avec lui à Genève en 1535. Elle aura de ce second mariage une fille, Judith. La ville étant passée à la Réforme depuis peu, Marie d'Ennetières prend part à la tentative de conversion des Clarisses de Genève, incursion décrite sous un jour fort négatif par leur secrétaire, Jeanne de Jussie. En 1536 paraît à Genève La Guerre et deslivrance de la ville de Genesve, dont il ne nous reste que des copies manuscrites. Ce texte lui a été attribué à la fin du XIXe siècle mais des analyses récentes indiquent qu'elle n'en est vraisemblablement pas l'auteure principale.
Froment ayant été nommé diacre à Thonon, le couple y déménage en 1537. Peu après, Marie d'Ennetières entreprend la rédaction d'une Epistre tresutile défendant les principes de la réforme farellienne. L'ouvrage, imprimé à Genève sous une fausse adresse en mars 1539, alors que Farel et Calvin viennent d'en être expulsés, est presque aussitôt saisi sur décision du Conseil de la ville, ce qui représente le début de la censure réformée sur son territoire. L' Epistre est dédiée à Marguerite de Navarre, marraine d'une de ses filles. Marie la remercie de l'avoir soutenue (financièrement?), sans doute avant son arrivée à Genève. La dédicace est suivie d'une importante «Defense pour les femmes», justifiant la participation active de celles-ci en matière de religion, du moins entre elles. Le livre est accompagné d'une petite grammaire hébraïque (manuscrite?) rédigée par sa fille Jeanne et envoyée à la fille de Marguerite, Jeanne d'Albret.
Marie et son époux font parler d'eux à diverses reprises dans la petite république genevoise. Ils sont critiqués pour des activités commerciales jugées indignes d'un pasteur (vente de vin et spéculation sur ce produit). Les écarts de conduite de Froment le conduisent également parfois devant la justice. Une lettre de Calvin à Farel du 1.09.1546 nous apprend aussi que Marie s'est plainte publiquement à Genève des robes longues des pasteurs, associant ainsi le premier ministre de Genève aux faux prophètes dont la venue est annoncée dans le Nouveau Testament; elle critique également la tyrannie de l'Église qui empêche les femmes de discuter entre elles de questions religieuses. Calvin rapporte qu'il a remis cette femme à sa place en la réprimandant sévèrement.
Malgré ces tensions, le couple finira par rester fidèle à la réforme genevoise et calviniste. À la fin des années 1540, leur fille hébraïsante épouse le professeur d'hébreu à l'Académie de Lausanne, Jean Raymond, dit Merlin, un proche collaborateur de Calvin. En outre, un court texte sur la modestie des femmes paraît à Genève et en France en 1561, signé M. D., en guise de préface à un sermon de Calvin sur l'habillement féminin; tout indique qu'il s'agit de sa contribution à la campagne de propagande en faveur de la réforme calviniste organisée à la veille du colloque de Poissy. Marie meurt dans la deuxième moitié de 1561.
Entre les années 1540 et 1560, quelques textes anonymes ont relayé sa défense de la prise de parole des femmes en matière de religion. L' Epistre tresutile est citée dans la Bibliographie françoise de Du Verdier (1585) et dans la Bibliotheca Belgica Valère André (éd. 1643) avec l'ajout des mots «mulier docta». En 1804, Fortunée Briquet affirme qu'elle était poète, mais sauf erreur aucune indication dans ce sens n'existe. L'oeuvre de Marie est ensuite tombée dans l'oubli jusqu'à la redécouverte d'un exemplaire de l'Epistre tresutile vers 1870. Celle-ci a fait l'objet d'analyse depuis les années 1970 par des historiens de la Réforme calviniste et des femmes.
Oeuvres
- 1539 : Epistre tresutile faite et composée par une femme Chrestienne de Tornay, Envoyée à la Royne de Navarre seur du Roy de France. Contre les Turcz, Juifz, Infideles, Faulx chrestiens, Anabaptistes, et Lutheriens. Anvers [=Genève], Martin Lempereur [=Jean Girard].
- 1561 : «Au Lecteur chrestien», signé «M. D.», in Sermon de M. J. Cal[vin] où il est montré quelle doit estre la modestie des femmes en leurs habillements, s.l.s.n. Le sermon est suivi par la traduction d'un passage de saint Cyprien sur l'habit des vierges, qui est peut-être d'elle.
- En préparation : Oeuvres de Marie d'Ennetières, éd. Diane Desrosiers-Bonin, William Kemp, Isabelle C. Denommé, et al., Genève, Droz.
Choix bibliographique
- Backus, Irena. «Marie Dentière: un cas de féminisme théologique à l'époque de la Réforme». Bull. de la Soc. d'Hist. du Protest. Franç., 137, 1991, p.177-195.
- Correspondance des Réformateurs dans les pays de langue française, vol. 5, éd. A.-J. Herminjard. Georg, Genève, 1878, no.785.
- Head, Thomas. «The Religion of the Femmelettes: Ideals and Experience among Women in 15th- and 16th-Century France», in Lynda L. Coonet al., That Gentle Strength. Historical Perspectives on Women in Christianity. Charlottesville, VA, University of Virginia Press, 1990, p.149-175.
- Kemp, William et Diane Desrosiers-Bonin. «Marie d'Ennetières et la petite grammaire hébraïque de sa fille d'après la dédicace de l' Epistre à Marguerite de Navarre». Bull. Hum. Réforme, 60, 1998, p.117-134.
- Wengler, Elizabeth M. Women, Religion, and Reform in Sixteenth-Century Geneva. Thèse de doctorat, Boston College, mai 1999.