Barbe Avrillot/Hilarion de Coste
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Barbe Avrillot dite Soeur Marie de l'Incarnation [Mme Acarie]
extrait de la notice de ANNE DE LOBERA DITE DE JESUS.
[II,827] Depuis quelques années sont decedées en nostre France diverses Religieuses de cet Ordre, dont la memoire est en benediction parmy ceux qui font preofession de la Pieté: entre autres
Soeur BARBE AVRILLOT (1) dite Soeur MARIE DE L'INCARNATION Parisienne estoit fille de Nicolas Avrillot Seigneur de Champlastreux prés de Luzarche, Conseiller du Roy et Maistre en sa Chambre des Comptes à Paris, et de Demoiselle Marie Luillier (2), qui aprés avoir esté élevée à la pieté par sa mere et au Monastere de Long-champ dans le Bois de Bolongne, fut mariée à Mr Acarie (3) aussi Conseiller du Roy et Maistre en sa Chambre des Comptes, dont elle eut six enfans, trois masles et trois filles. Aprés le decez de son mary elle prit au mois d'Avril de l'an 1614. le voile de Soeur Converse au Monastere des Carmelites d'Amiens, où elle a fait profession, et est morte en opinion de sainteté en celuy des Carmelites de Pontoise le 18. d'Avril de l'an 1618. dont nous avons écrit l'Eloge au Livre IV. de l'Histoire Catholique, et sa vie a esté écrite fort amplement par feu Mr du Val Docteur et Professeur du Roy en [828] Theologie au College de Sorbonne, laquelle est entre les mains de tous: c'est pourquoy je ne m'arresteray point à parler de ses vertus et de ses perfections, puis qu'elles sont assez connues; sa vie ayant esté rimprimée par plusieurs fois tant en France qu'en Flandre. Et depuis peu le Reverend Pere Dom Maurice Marin Religieux de la Congregation de saint Paul dite des Barnabites, a aussi publié la Vie de cette servante de Nostre Seigneur dont Mr du Saussay Official de Paris a fait aussi un Eloge Latin en ses additions de son Martyrologe des Saints de France. Le Pere Simon Martin Minime à la fin du II. Tome de la Vie des Saints, et le Pere Louis Jacob, Carme en sa Bibliotheque Latine des Femmes illustres par leurs écrits, et une infinité d'autres.
Je diray seulement icy en passant, que lors qu'elle faisoit une vie civile dans le monde du vivant de son mary, et avant que prendre l'habit de Soeur Laye dans les Carmelites, son ordinaire occupation estoit aux Eglises, où elle frequentoit souvent les Sacremens, et faisoit plusieurs oeuvres de charité, s'estant addonnée à ces saints exercices dés sa jeunesse par la lecture des livres de devotion, et les Predications ordinaires qu'elle entendoit; qui sont à la verité les semences de toutes les bonnes operations qu'exercent les Chrestiens: car enfin la Foy vive et ouvrante par charité vient de l'ouye, et l'ouye l'engendre par la parole de Dieu, laquelle rend bien-heureux, c'est à dire achemine à la beatitude ceux qui l'oyent, et qui la gardent soigneusement en leurs coeurs, pour la reduire en pratique quand les occasions s'en presentent. Depuis qu'elle eut pris l'habit de Religion elle fit une vie admirable dans le Carmel François, dont elle a esté la Fondatrice, aussi elle est decedée en opinion de sainteté estant âgée de cinquante deux ans, et est honorée comme une bien-heureuse par ceux qui visitent son tombeau dans l'Eglise des Meres Carmelites de Pontoise, où la Reyne Mere du feu Roy Louis XIII. a fait dresser à sa memoire un riche sepulchre où l'on voit sa figure à genoux de marbre blanc, avec cette inscription Latine gravée en lettres d'or sur un marbre noir.
Maria Medicea Francorum et Navarrae Regina S. Mariae ab [829] Incarnatione Carmelitae Conversae amoris et pietatis M. P. C. A. M. DC. XXVI. c'est à dire,
Marie de Medicis Reyne de France et de Navarre fit dresser ce monument à Soeur Marie de l'Incarnation Carmelite Converse, pour marque de l'affection qu'elle luy portoit, et du pieux respect qu'elle avoit à sa memoire.
Cette servante de Nostre Seigneur n'a pas seulement esté la Fondatrice de l'Ordre des Meres Carmelites en France, dans lequel elle a saintement passé les quatre dernieres années de sa vie: mais aussi de celuy des Religieuses de Sainte Ursule, si util pour l'instruction des jeunes filles, qui a esté approuvé par le Pape Paul V. le 23. jour de Septembre de l'an 1611. Elle ayda sa bonne cousine Mademoiselle de Sainte-Beuve de la Maison des Luilliers (dont nous avons écrit l'Eloge dans les vies des Magdelaines illustres) à entreprendre le dessein de la fondation de cette sainte Congregation. Ceux qui ont eu le bon-heur de connoistre Mesdemoiselles de Sainte-Beuve et Acarie, et aussi Mademoiselle de Fonteine Marans leur cousine, depuis nommée dans l'Ordre des Carmelites, la Mere Magdelaine de saint Joseph, sçavent comme elles s'aymoient toutes trois et le zele qu'elles avoient pour la gloire de Dieu et le salut des ames, conspirans ensemble à l'avancement de l'honneur de la Divine Majesté et au soulagement du prochain et de toutes les creatures. Les Carmelites de Paris, de Lyon, de Pontoise et d'Amiens, et les Ursulines du Faux-bourg de Saint Jacques et de Sainte Avoye ont souvent admiré non seulement les vertus, mais aussi le bon naturel de ces trois cousines, dont la douceur pareille à celle des Saints s'étendoit jusque sur les bestes à qui elles ne pouvoient pas souffrir qu'on fist du mal; elles avoient quelque sorte de respect pour toutes les creatures, parce qu'elles sont les ouvrages de Dieu, et leur bonté imitant celle qui les nourrit et les conserve, elles prenoient quelque plaisir à les soulager et à les defendre.
Soeur Marie de l'Incarnation appellée dans le monde Mademoiselle Acarie n'avoit point d'autre devise que ces paroles: CELUY EST BIEN AVARE A QUI DIEU NE SUFFIT, lisant un jour un Livre dans lequel estoit ce grand [830] mot, elle prit dés lors la resolution de faire une vie toute sainte. De verité on ne sçauroit assez peser ces belles paroles qui ont esté le sujet des plus solides et des plus relevées pensées de Barbe Avrillot, dite Soeur Marie de l'Incarnation, Celuy est bien avare à qui Dieu ne suffit, puis que celuy est trop avare qui n'est pas content de tout ce qui est possible et plus que possible: car Dieu surpasse autant toutes les choses possibles, comme ce qui est indépendant surpasse ce qui est dépendant, et que Dieu est exempt de toute possibilité dont toutes les creatures sont remplies. Ce qui fait paroistre combien l'élevation d'esprit estoit haute et sublime en cette Dame.
(1) Avrillot, d'or à la teste de More, bandée ou tortillée d'argent, accompagnée de 3. trefles de sinople, 2. en chef et I. en pointe.
(2) Luillier blazonné cy-devant.
(3) Acarie d'azur à trois testes de Boeuf d'or accornées, de méme, 2. I.