Marie Anne Lambillion
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Marie Anne Lambillion | ||
Dénomination(s) | dame Marie Anne Joseph, soeur Marie Anne Joseph | |
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Biographie | ||
Date de naissance | 1658 | |
Date de décès | 22 mars 1748 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) |
Sommaire
Notice de Julie Piront, 2019
Marie Anne Lambillon naît à Namur en 1658, dans une famille de la haute bourgeoisie. Fille de l’avocat Lambert Lambillion († 1676) et d’Anne Gordine († 1680), elle est la benjamine d’une fratrie de cinq enfants, deux garçons et trois filles. De bonne heure, elle est placée comme pensionnaire chez les bénédictines de la Paix Notre-Dame, présentes à Namur depuis 1613. Troisième monastère issu de la réforme entreprise en 1604 par Florence de Werquignoeul (1559-1638), l’établissement est bien connu des parents et des grands-parents maternels de la fillette, Gérard Gordine (1589-1649) et Anne de Robionois (avant 1595-1657). Deux de ses tantes maternelles y ont fait profession sous les noms de Marie Alexis (1614-1676) et Marie Anne Géraldine (1625-1656) et la troisième, Marie Constance († 1682), demeurée célibataire, est l’une des principales bienfaitrices de la communauté. Les religieuses décèlent rapidement chez cette enfant de grandes capacités intellectuelles et relationnelles ainsi que des prédispositions spirituelles, si bien qu’à seize ans, le 4 mars 1674, elle entre au monastère où elle retrouve ses deux soeurs aînées, Marie Constance Lambertine (1653-1726) et Marie Anne Alexis (1654-1676). Treize jours plus tard, elle prend le voile sous le nom de Marie Anne Joseph, malgré la déception de sa mère qui espérait en faire la compagne de ses vieux jours. A sa profession le 19 mars 1675, ses parents lui accordent une dot généreuse de 3200 florins, offrent une croix d’argent doré et financent la confection des sièges du réfectoire.
À l’intérieur de la clôture, les compétences de Marie Anne Joseph ne tardent pas à être mises au profit du groupe qui lui confie successivement les tâches de sacristaine, lingère, maîtresse des pensionnaires et portière. Au fil des années, elle gagne le respect de sa communauté qui la promeut au rang d’abbesse le 15 janvier 1709. Bonne gestionnaire, elle s’attèle à la remise en ordre des archives de la communauté et veille sur sa comptabilité. A partir des années 1720, elle entreprend les trois grands chantiers qui achèvent enfin l’édifice débuté en 1620 par la première abbesse : l’église abbatiale (1722-1726), une aile en bord de rue fermant le cloître et abritant les parloirs et le pensionnat (1734-1735), et quatre maisons de rapport et une basse-cour (1739-1740). Arrivée au terme d’une longue existence et affaiblie par la maladie, elle meurt quelques années après la consécration de l’église (1743), sa réalisation majeure.
L’abbatiale a mobilisé toutes les énergies de l’abbesse, forçant l’admiration de sa consoeur qui rédige sa riche notice nécrologique intégrée aux annales de la communauté. Le 25 juin 1722, la mère Lambillion a obtenu de son évêque la permission de sortir de la clôture en compagnie de deux sœurs « pour aller voir quelque églice de la ville à dessein d’en édiffier une nouvelle », à l’instar d’Anne-Victoire Pillon (1663-1751), visitandine architecte du Mans. Inspirée par ces modèles, l’abbesse s’est faite architecte : elle dressa « elle-même le plan de l’église et de l’autel, ne trouvant pas dans les desseins des architectes les idées qu’elle avoit projettées ». Elle opta pour le plan d’une « église-double », c’est-à-dire une église prolongée par un chœur des religieuses placé au revers du maître-autel, conformément aux célèbres Instructiones fabricae (1577) de Charles Borromée. Lorsqu’a débuté le chantier, elle en assuré le suivi quotidien et a contrôlé l’exécution de son projet dans ses moindres détails, y compris la décoration, l’aménagement du mobilier et l’installation d’un orgue qu’elle fait placer en tribune au revers de la façade (1729) pour conférer plus de faste à la liturgie, après avoir introduit le plain-chant dans sa communauté.
Contrairement à sa consoeur, Aldegonde Desmoulins, architecte de l’église de la Paix Notre-Dame à Liège (1680-1690), l’oeuvre de l’abbesse namuroise ne semble pas avoir été connue au-delà des murs du monastère. L’écrivain Pierre Lambert de Saumery, qui admire l’église en 1740, semble ignorer le nom de son architecte. La formation de l’abbesse demeure inconnue, comme celle de la plupart des religieuses-architectes à l’époque moderne, et ses dessins comme les bâtiments qu’elle a édifiés ont disparu. Néanmoins, le plan-relief de la ville (v. 1725), conservé au Palais des Beaux-arts de Lille et récemment restauré, offre un fidèle et rare témoignage de ses réalisations qui s’inscrivent dans les pratiques architecturales de son temps.