Un corps hors de la place qui lui était assignée, reconfigurant les données d’un lieu, cela a été et reste une action politique forte : Rosa Parks donnant un lieu à son corps noir là où il n’avait aucun droit de cité ; le « peuple égyptien » reconfigurant la place Tahrir, espace de circulation quotidienne, par une multitude de pratiques de corps pour y installer une communauté polémique ; les sans-papiers occupant leurs nombreux lieux de travail à Paris, sortant des ombres administratives, donnant une visibilité polémique à leurs corps dans ces espaces publics et travailleurs où ils sont censés mener une existence invisible et silencieuse ; les féministes s’émancipant d’une corporalité dominante en agençant différemment les coordonnés, possibilités et pratiques du corps, brisant la logique du pouvoir en multipliant les corps possibles. Comment penser les lieux politiques du corps, leurs spatialités et temporalités, les pratiques et dynamiques qui y prennent place, les possibles qu’ils suscitent’ Nous entendons dépasser l’idée du corps comme simple lieu matériel de travail, de reproduction, de souffrance et d’exploitation ainsi que l’idée de l’émancipation comme le processus par lequel on s’élève de ses conditions corporelles dominées. Pour cela, il s’agira d’examiner comment les corps s’insèrent, s’agencent ou se subjectivent dans des situations politiques et des processus d’émancipation. Reconfigurations de corps normalisés et maîtrisés, constructions de communautés polémiques, peuvent questionner la manière dont se configurent les liens, disjonctions et dynamiques entre corps, politique, domination et émancipation.
Nous proposons aux intervenants, qui peuvent se situer dans divers champs disciplinaires des sciences humaines et sociales, d’élaborer leur communication autour d’un ou plusieurs des axes suivants :
1. Pratique des corps et processus d’émancipation
Les contributions s’inscrivant dans cet axe s’intéresseront à la possibilité de penser le corps comme lieu d’une pratique de l’émancipation. Peut-on voir par exemple dans les pratiques de lutte et dans l’engagement corporel militant une source d’émancipation « Doit-on envisager les résistances et le détournement du travail par les ouvriers uniquement comme les conséquences d’une domination des corps devenue insupportable, ou est-il possible d’y voir des forces créatrices de nouveaux possibles » Avec cet axe, nous invitons, sans renier la pertinence des travaux sur le gouvernement des corps, à penser la possibilité d’une émancipation des corps, par des pratiques de résistance reconfigurant les rapports et les espaces sociaux. Corps travailleurs, corps militants, corps sexués, corps racialisés, et d’autres, sont des angles pouvant permettre d’aborder ces questions.
2. Corps, violence, politique
La violence est une question corporelle : des corps s’affrontent et se détruisent, subjuguent et dominent. La violence n’est-elle qu’un moyen de domination, ou pire une mesure de corruption, ou sa force peut-elle briser les dispositifs sociaux écrasants et se lier aux mouvements émancipateurs « Comment penser et situer les violences qui peuvent avoir lieu dans une situation politique composée d’un réseau d’investissements subjectifs et de positions et dynamiques différentes » Nous invitons à dépasser deux hypothèses ayant déterminé ces questions : d’une part le dispositif libéral pour lequel la politique commence là où la violence cesse, là où l’Etat détient le monopole raisonné de la violence légitime ; d’autre part le dispositif marxiste orthodoxe où la violence devient un simple moyen de lutte pour déconstruire les systèmes de domination et parvenir à une liberté universelle. Est-ce possible de concevoir différemment les relations entre corps, politique et violence ? Peut-on conceptualiser des violences qui ne seraient ni la simple négation de la politique ni le simple moyen au service de la politique, mais problématiques ou problématisantes, situées dans une constellation de forces politiques tirées entre émancipation et domination ?
3. Corps utopiques
Un corps, marqué par la tradition comme prison de l’âme, peut-il être utopique, à la fois lieu de nulle part et lieu du bonheur ? N’est-il pas un espace à investir, à revisiter, à (ré)inventer ? En prenant le contre pied des dispositifs de normalisation et de naturalisation des individus, il s’agit de replacer le corps dans des imaginaires, des théories et des pratiques politiques (féminisme, transhumanisme, performances artistiques…) inédites, singulières, de penser un corps ouvert aux possibles. Ces corps utopiques, corps transfigurés, « corps sans corps « et ? corps sans organes », corps cyborgs, corps minoritaires ne seraient-ils pas le premier lieu de l’action politique »
Cette manifestation, organisée conjointement par le CSPRP (Centre de Sociologie des Pratiques et des Représentations Politiques, Université Paris Diderot-Paris 7), le GTM-CRESPPA (Genre Travail Mobilités ? Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris, Université Paris 8), le LLCP (Laboratoire d’études et de recherches sur les Logiques Contemporaines de la Philosophie, Université Paris 8) et la Maison des Sciences de l’Homme (sous réserve), a pour objectif de créer un espace d’échange entre doctorants et jeunes docteurs s’intéressant de façon critique au fait politique. Elle a vocation à se répéter annuellement.
Dans la mesure des financements disponibles, les organisateurs feront de leur mieux pour défrayer les intervenants, qui sont toutefois invités à démarcher leurs institutions de rattachement.
Les projets de communication (2000-3000 caractères) doivent nous être envoyés au format .doc avant le 3 décembre 2012, à l’adresse suivante : colloque.critiques.politique@gmail.com. Ils comporteront les nom et prénom du contributeur, son rattachement institutionnel et le titre et un résumé de la communication proposée. Nous annoncerons les propositions retenues le 16 décembre 2012.
Comité scientifique :
– Marc Bessin, sociologue chargé de recherches au CNRS, Iris, EHESS
– Jules Falquet, Maître de conférences en sociologie, CSPRP, Cedref, Université Paris Diderot-Paris 7
– Claudia Girola, Maître de conférences en sociologie, CSPRP, Université Paris Diderot-Paris 7
– Jean-François Laé, Professeur de sociologie, GTM-Cresppa, Université Paris 8
– Martine Leibovici, Maître de conférences en philosophie politique (HDR), CSPRP, Université Paris Diderot-Paris 7
– Denis Merklen, Professeur de Sociologie, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3
– Numa Murard, Professeur de sociologie, CSPRP, Université Paris Diderot-Paris 7
– Bertrand Ogilvie, Professeur de philosophie politique, LLCP, Université Paris 8
– Etienne Tassin, Professeur de philosophie politique, CSPRP, Université Paris Diderot-Paris 7