Journée d’étude organisée par Laurence Plazenet (Université de Paris-Sorbonne et Institut universitaire de France), dans le cadre du CELLF XVII-XVIIIe siècles, équipe Port-Royal et la vie littéraire.
Lieu : Sorbonne, salle des Actes
L’exceptionnelle fortune de Port-Royalface à l’histoire tient autant à l’oeuvre deréforme du monastère, à sa spiritualitérayonnante, aux vigoureuses communautés desSolitaires et des Petites Écoles réunies autourde lui, qu’à l’intense activité scripturaire desreligieuses, des Messieurs et de leurs amis.Actes, protestations, témoignages, relations,vies, mémoires, correspondances : d’innombrablespièces manuscrites et imprimées, auXVIIe ou au XVIIIe siècles, ont constitué dès laréforme de la mère Angélique un fabuleuxgisement de textes adressés à la postérité. Ellesont perpétué le souvenir de l’abbaye, fourni lesmatériaux de ses premières histoires généraleset nourri un maître-livre comme le Port-Royalde Sainte-Beuve, qui leur emprunte largement.
Plusieurs pionnières éditions scientifiquesde Mémoires, de correspondances, deRelations de captivité, ont été publiées depuisquelques années. L’évidence d’une ? passion dela mémoire ? (E. Lesne et C. Cagnat-Deboeuf) àPort-Royal s’est imposée. La Société des Amisde Port-Royal a consacré en 1998 un colloqueau sujet, paru dans les Chroniques de Port-Royal sous le titre Port-Royal et les mémoires.Il montre combien les ouvrages conçus dans lamouvance de Port-Royal se distinguent du genredes Mémoires profanes qui se développe àpartir de la fin des années 1650 avec LaRochefoucauld, Retz, Mlle de Montpensier ouBussy-Rabutin. Ces travaux ne prennentcependant pas en compte les oeuvres desreligieuses elles-mêmes.
La lacune est regrettable du point devue de Port-Royal : en accordant aux Messieursun privilège quasi exclusif, la représentation quiest donnée du fonctionnement de la communautéau XVIIe siècle se voit faussée. En outre, lesoeuvres des religieuses s’avèrent précéderchronologiquement les Mémoires des Messieurs? Nicolas Fontaine, Claude Lancelot, Louis dePontis ou Pierre Thomas du Fossé ? et ceux desmondains. Leur geste remet en cause l’histoiretraditionnelle du genre, telle que MarcFumaroli en a tracé les grandes lignes dans unarticle fondateur de 1971, telle que historiens etsociologues ont pu la contester (ainsi ChristianJouhaud, Dinah Ribbard et Nicolas Schapiradans le volume Histoire, Littérature, Témoignageparu en 2009). Or les Mémoires de l’âgeclassique seraient, d’après Pierre Nora, unvéritable « lieu de mémoire » en eux-mêmes,jouant une fonction capitale dans laconstruction de l’image de la nation et de sonpassé. Il paraît donc essentiel de prendre enfinen compte une initiative fondatrice, déterminéepar Antoine Lemaître et tôt soutenue parAngélique de Saint-Jean, dont la nature et lesambitions doivent avoir un poids déterminantdans la réflexion sur l’écriture mémorielle auGrand Siècle, ses origines et ses leviers. Maisl’entreprise des religieuses invite aussi àméditer sur le rôle dévolu à la mémoire en soidans une communauté n’ayant a priori pasvocation à retenir les traces du passage de lacréature dans le monde et dans le temps, deuxréalités aussi éphémères et dépourvues l’uneque l’autre de valeur intrinsèque dans uneperspective religieuse. Ainsi pose-t-elle,entamée bien avant les persécutions, la questiondu témoignage et de l’oubli. Ces préoccupations,parmi des personnalités pénétréesd’augustinisme, ne sauraient être traitées par laseule convocation du modèle de la littératurehagiographique des Vies de saints. Du reste,l’oeuvre des religieuses, par sa diversité et lavariété de ses dénominations, excède cettesimple référence.
La présente journée d’études voudraitdonc poser un premier jalon dans laconnaissance d’un continent de textesméconnus : scruter leur composition, leurtransmission, leur divulgation, leur mise enforme, leur destin éditorial, pour analyser leursintentions, leurs ambitions, leurs usages, usagesimmédiats et utilisations ultérieures, leursmodélisations, voire leurs contradictions, dansune tentative de compréhension qui ne peutmanquer d’être aussi essai de ressaisir,d’abord, des voix et une expérience du temps etde l’écriture.
Programme
9h – ouverture, Simon Icard
9h45 – Sophie Aurore Roussel, L’œuvre mémorielle des religieuses : panorama et mise en perspective
10h45 – Anne-Claire Volongo, La correspondance de la mère Angélique
11h30 – Agnès Cousson, La Relation de la mère Angélique
14h30 – Jean Lesaulnier, Les Journaux de l’abbaye
15h15 – Laurence Plazenet, Le continent des vies intéressantes et édifiantes des religieuses de Port-Royal
16h15 – Pascale Thouvenin, Les religieuses et l’idée de « devoir de mémoire »
17h – conclusion , Laurence Plazenet
Pour toute information :CELLF 17e-18e
Université Paris-Sorbonne
1 rue Victor Cousin, 75230 Paris cedex 05
Tel. : 01 40 46 25 35 ? 01 40 46 47 90
Entrée libre dans la limite des places disponibles