Entreprise européenne, à la fois par l’équipe qui la produit (on y compte un Allemand, deux Français et un Suisse ? Grimm, Mme d’Épinay, Diderot et Meister) et par le réseau de ses abonnés princiers, la « Correspondance littéraire« a tout pour être un révélateur de ce que fut l’esprit européen au siècle des Lumières, de cette »Europe française » qui fait de la France sa capitale culturelle parce qu’elle lui doit la langue de ses élites et qu’elle y voit le lieu d’une civilisation originale, d’une pensée dynamique et d’une créativité artistique et artisanale hors pair.
Mais la « Correspondance littéraire » n’est pas isolée, d’autres correspondances manuscrites circulent à l’époque pour communiquer à leurs souscripteurs des informations sur la vie parisienne que la presse imprimée ne fournit pas. Ce colloque invite donc à parler au pluriel de correspondances littéraires et à envisager la « Correspondance littéraire« en rapport avec d’autres productions du même type qui ont su, elles aussi, faire exister à un niveau européen une »entente culturelle », au-delà des conflits politiques qui ont secoué le continent.
Comment mieux apprécier la place et l’originalité des vecteurs culturels qu’en les comparant ? On tiendra compte des correspondances inédites ou déjà publiées ou en cours de publication, parmi lesquelles celle de Raynal (adressée à Gotha, Darmstadt et Sarrebrück), celle de Pierre Rousseau (Mannheim), celle de Suard (Bayreuth) et la très longue série envoyée à Caroline de Bade-Dourlach par Morand, Maillet-Duclairon, Pougin de Saint-Aubin et Aubert. On abordera aussi la « Correspondance littéraire secrète« , dite de Mettra, imprimée et publiée clandestinement hors de France entre 1775 et 1793, qui était très en vogue à l’époque et proche de la »Correspondance littéraire » de Grimm par sa liberté d’expression et sa formule épistolaire.
Les axes proposés pour orienter la réflexion sont :
Les modalités pratiques. On prendra la mesure concrète de cette intense circulation culturelle et intellectuelle en rassemblant des renseignements sur le correspondant littéraire lui-même et son atelier, sa rétribution, et la diffusion des feuilles en Allemagne, Suède, Russie et ailleurs.
La dynamique des échanges culturels. À l’évidence, les correspondances littéraires se sont donné pour tâche essentielle de diffuser hors de France des informations sur la culture française. Le colloque s’interrogera sur les objets privilégiés de cette diffusion, la signification et les conséquences proches ou lointaines de ces passages. Les grandes figures des Lumières retiendront l’attention (Voltaire et l’impact de la publication de ses lettres, Diderot’) comme d’autres, moins connues. On remarquera aussi que les pages de ces périodiques ont servi à faire connaître hors de France des aspects de cultures non françaises : lesquelles « dans quelles proportions ? pour quels enjeux »
L’art et la peinture. Le goût des arts, et en particulier de la peinture, était très vif au XVIIIe siècle, spécialement à Paris. La « Correspondance littéraire » en témoigne d’une manière éclatante par la place qu’elle accorde à ces domaines. On y trouve, par exemple, les échos des Salons, mais aussi des descriptions de cabinets ou de collections. Les deux sphères de jugement dans la seconde moitié du siècle, le public des Salons et le monde des collectionneurs, sont donc présentes au fil des pages, et les appréhender peut mener à une vision plus nette des horizons d’attente de l’époque en matière d’art. Quelle image du goût et de la curiosité pour la peinture et pour l’art peut-on esquisser à la lecture ? Un état des lieux devrait s’attacher aux écrits théoriques et aux critiques des Salons, mais aussi aux artistes évoqués, à la place de la peinture contemporaine par rapport à la peinture ancienne, à la présence des différentes écoles (italienne, « flamande?, française, nordique ») et des genres représentés. Les recherches récentes sur les collections parisiennes et françaises ou l’étude de correspondances privées permettront peut-être de préciser la particularité des goûts révélés dans les correspondances.
La réception. La « Correspondance littéraire » a eu une longévité exceptionnelle, et certains de ses abonnés lui sont restés fidèles jusqu’en 1813, au-delà des guerres de la Révolution et de l’Empire. À partir de 1812, des éditions imprimées ont maintenu dans des versions remaniées l’influence de ce grand médiateur culturel. La réception de la « Correspondance littéraire » mérite d’être étudiée dans toute son extension : à une échelle européenne, au XVIIIe et au XIXe siècle.
Le colloque organisé par le Centre international d’étude du XVIIIe siècle et le Groupe d’étude du dix-huitième siècle et des Révolutions de l’Université de Liège se tiendra à l’Université de Liège les 6 et 7 octobre 2014.
Les actes du colloque seront publiés.
Les propositions de communication (une page maximum, avec une courte notice biographique) sont à envoyer par courriel à Ulla Kölving et à Françoise Tilkin avant le 15 novembre 2013. Le colloque ayant aussi pour but d’encourager la recherche au sein du module de formation doctorale ?Temps modernes’ des écoles doctorales thématiques Langues et Lettres et Histoire, art et archéologie du FRS-FNRS, nous accueillerons bien volontiers les projets de doctorants.
Pour tout renseignement, contacter Ulla Kölving (Centre international d’étude du XVIIIe siècle, Ferney-Voltaire : ulla.kolving@c18.net) ou Françoise Tilkin (Université de Liège : F.Tilkin@ulg.ac.be).