Ce colloque ambitionne de réfléchir aux effets du passage d’une histoire des femmes à une histoire du genre, voire à une histoire genrée, à travers des parcours de chercheur-e-s et des présentations de travaux récents, actuels, et à venir. Il se veut attentif à l’articulation entre les trois termes de son intitulé : l’affirmation du genre a-t-elle conduit à un enrichissement de l’histoire des femmes ou à son effacement ; l’institutionnalisation de l’histoire du genre a-t-elle contribué à stimuler des recherches novatrices ou, au contraire, a amoindri le potentiel subversif de ce concept ?
En effet, qu’il soit instrument d’analyse, axe ou champ de recherche, le genre, terme pour le moins polysémique, semble avoir atteint l’âge de la maturité : en quelques années, les études sur le genre sont sorties de la confidentialité, voire de la marginalité dont elles pâtirent durant deux décennies, pour acquérir visibilité et respectabilité.
D’emblée, on postulera à son actif : d’une part, la fin d’une certaine ghettoïsation des études sur la différence des sexes et, de ce fait, l’essor des recherches sur le masculin et la virilité, d’autre part un indéniable enrichissement de la réflexion et donc des recherches (le genre de la justice, le genre des territoires, genre et nationalismes, les politiques de genre, genre et conflits’), en raison notamment de l’intérêt nouveau porté par des collègues jusqu’alors réticents à prendre au sérieux un sujet « femme », d’autre part, l’arrivée d’une nouvelle génération de chercheur-e-s dont la mixité fait rupture avec les années de jeunesse et même de maturité de l’histoire des femmes.
On avancera à son passif : d’une part, une dilution de la définition du concept, dont le symptôme majeur est, sans doute, son usage au pluriel, inconciliable avec sa définition et son objectif premiers – désigner et étudier la construction de la différence des sexes, détachés du biologique. Rappelons que cette démarche fut initialement dérangeante : doit-on en conclure à une sorte de rentrée dans le rang des études de genre « D’autre part, et consécutivement à cette évolution, certains écrits emploient « genre ? en lieu et place de » sexe » ; ce détournement de sens rend inopérant cet outil pour penser ladite différence des sexes. La banalisation du terme semble donc vider le genre de sa charge, d’autant plus qu’il tend – dernier effet négatif qu’il conviendra de vérifier – à faire disparaître les individus de chair et de sang pour les remplacer par des catégories (masculin/féminin) ; cette évolution ne risque-t-elle pas de renvoyer les femmes à l’invisibilité ?
Cette montée en gloire du genre n’est donc pas exempte d’inquiétudes propres à faire débat, comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis ; elle peut être néanmoins prometteuse invitant à écrire une histoire genrée : ainsi il est n’est plus concevable d’envisager d’écrire une nouvelle histoire de l’Europe sans prendre en compte le rôle du genre dans la constitution des identités européennes.
Colloque co-organisé par l’Université Paris 8 et par le LabEx EHNE, les 5 et 6 décembre 2013
Conditions de soumission
Les propositions de contribution ne devront pas dépasser 1500 signes (langues possibles : anglais, français, espagnol) et devront être adressées impérativement à yannick.ripa@orange.fr et valerie.pouzol@univ-paris8.fr
avant le 30 septembre 2013.
Les communications devront porter prioritairement sur les questions suivantes (toutes aires culturelles sur la période contemporaine) :
? Bilan des derniers travaux de l’histoire des femmes à l’histoire du genre (figures féminines, héroïnes, femmes engagées, travail au féminin, féminismes, genre et nationalismes, genre et mouvements sociaux, genre et pouvoirs politiques, genre et citoyenneté, genre et justice, genre et conflits, histoire des masculinités et de la virilité, sexualités, identités’)
? Nouvelles perspectives : genre et colonialisme, genre et études post-coloniales, genre et écologie, l’engagement féministe des hommes, genre et révoltes, et plus particulièrement relire l’histoire de l’Europe au prisme du genre?
? Être chercheur-e en histoire des femmes puis en histoire du genre : un parcours spécifique (motivations, enjeux, obstacles, reconnaissance)?
Comité scientifique
? Anne-Laure Briatte-Peters, maîtresse de conférences en histoire et civilisation allemandes, Paris-Sorbonne
? Ariane Jossin, chercheuse en sociologie et sciences politiques à l’IRICE (Paris 1 et 4)
? Valérie Pouzol, maîtresse de conférences en histoire contemporaine, Paris 8.
? Ripa Yannick, Professeure d’histoire contemporaine, Paris 8.
? Françoise Thébaud, professeure émérite en histoire contemporaine de l’université d’Avignon
? Fabrice Virgili, directeur de recherches au CNRS-IRICE