Oser penser au siècle des Lumières: une femme d’encre et de papier, Henriette de Marans (1719-1784)

Séminaire Sexe et Genre de l’IEC (Institut Emilie du Châtelet)

Jardin des Plantes, Grand amphithéâtre d’entomologie, 43 rue Buffon (Paris 5e), 14h-16h

Avec Mathilde Chollet, Histoire moderne (Université Clermont Auvergne) 
Avec Huguette Krief, Littérature française (Université Aix-Marseille) 

Découvrir les journaux intimes d’une femme des Lumières, c’est dévoiler son être intérieur, son éducation, son accès aux livres, son désir d’autonomie, ses lectures, ses réflexions philosophiques et morales, ses combats et ses paradoxes. C’est ce que nous offrent les manuscrits inédits (1752-1760) d’Henriette de Marans présentés en interdisciplinarité par une historienne, Mathilde Chollet, et une spécialiste de littérature des Lumières et de la Révolution française, Huguette Krief. 
Voilà donc une châtelaine de province qui rejoint les érudites du XVIIIe siècle dont on a tu l’ardente mémoire! Une femme passionnée et avide des savoirs de son temps, lectrice de Bayle, de Malebranche et des philosophes contemporains. Une intellectuelle qui fait face aux interdits d’un beau-père et à l’incompréhension de son entourage. Tentée par l’incrédulité, elle se permet de critiquer l’Église et ses dogmes; moraliste, elle examine les mœurs de son temps et l’inégal rapport des sexes; usant de sa droite raison, elle ose même critiquer certaines approches de Montesquieu et Voltaire. 
Découvrant ses réflexions sous le titre de Pensées errantes suivies de Lettres d’un Indien par Mme de *** (1758), la journaliste féministe Mme de Beaumer en fait un compte-rendu élogieux dans le Journal des Dames en avril 1761; elle exhorte même l’auteure à sortir de l’ombre pour mettre en échec les préjugés masculins contre les femmes savantes: 
«Rien de si usité […] que de se cacher sous un tas d’étoiles, qui sont du moins un symbole de prudence. Mais avoir le courage de taire son nom au moment où tout vous invite à s’en faire honneur, c’est le plus digne effort de la modestie; c’est ressembler aux Dieux, qui cachés à nos yeux par des étoiles, se contentent de se faire connaître par leurs merveilles. On peut bien qualifier ainsi, ce me semble, les traits d’érudition latine, répandus dans les ouvrages d’une Dame, qui vit, dit-on, dans ses terres. […] Il n’y a point de genre de sciences sur lequel Madame de *** ne s’exerce avec succès ; d’où je conclus que ce ne sera qu’en se nommant qu’elle pourra nous persuader que tout ceci est l’ouvrage d’une femme. Cette petite incrédulité est trop à son avantage pour craindre qu’elle m’en fasse un crime ; je ne la fonde que sur l’objet des langues savantes, dont la culture est presque sans exemple chez les femmes les plus lettrées.» 

Mathilde Chollet est agrégée et docteure en histoire moderne, ATER à l’Université Clermont Auvergne et membre associée du Cerhio (CNRS FRE 2004). Elle a participé au séminaire du GIS Genre à l’Université du Maine et à l’Université d’Angers. Elle poursuit actuellement ses recherches sur les femmes des élites provinciales écrivant en leur for privé au XVIIIe siècle, et sur les correspondances féminines familiales. Elle a publié Être et savoir, une ambition de femme au siècle des Lumières (Rennes, PUR, 2016) ; «L’œil et l’art de la maîtresse: une châtelaine et ses serviteurs, entre discours et pratiques au siècle des Lumières», Histoire, Économie et Société,  2016-4, p. 85-103; «Les remèdes thérapeutiques de Mme de Marans, un syncrétisme entre savoirs savants et traditionnels au XVIIIe siècle», Revue TraveSCE, n° 13, octobre 2013, p. 64-75; la notice «Mme de Marans» pour le dictionnaire en ligne de la SIEFAR
Huguette Krief est présidente du Centre Aixois d’Études et de Recherches sur le XVIIIe, maître de conférences de littérature française du XVIIIe siècle, docteur d’État, H.D.R, émérite à Aix-Marseille Université. Ses travaux, pour une large part, portent sur la littérature et la correspondance féminines des Lumières et de la Révolution. On lui doit l’édition critique de romans féminins, l’organisation de colloques internationaux suivis de publications parmi lesquels Constance de Salm, poétesse, moraliste et bas-bleu (2009 à Toulouse), avec J.-N. Pascal et Arborescences, recherches actuelles sur les Femmes des Lumières (2014, Assemblée Nationale), avec M.-E. Plagnol-Diéval. Elle a dirigé le secteur littérature XVIIIe du Dictionnaire universel des créatrices (Paris, Des Femmes, 2014) et co-dirigé le Dictionnaire des femmes des Lumières (Paris, Champion, 2015). 
 
Chollet Mathilde et Krief Huguette (éds), Une femme d’encre et de papier au siècle des Lumières. Henriette de Marans (1719-1784), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017. 

 

Sélection de publications sur le sujet :

– Chollet Mathilde et Krief Huguette (éds), Une femme d’encre et de papier au siècle des Lumières. Henriette de Marans (1719-1784), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017. 
– Gargam Adeline, Les Femmes savantes, lettrées et cultivées dans la littérature française des Lumières ou la conquête d’une légitimité (1690-1804), Paris, Champion, 2013. 
– Dans Huguette KRIEF (co-dir.), Dictionnaire des Femmes des Lumières, Paris, Champion, 2015 : articles «Éducation», par I. Brouard-Arends; «Érudition», par É. Flamarion; «Lectrices», par S. Aragon; «Moralistes, morale», par I. Brouard-Arends et H. Krief. 
– Seth Catriona (éd.), La Fabrique de l’intime, mémoires et journaux de femmes du XVIIIe siècle, Paris, Laffont, 2013. 
– Sonnet Martine, L’Éducation des filles au siècle des Lumières, Paris, Cerf, 1987.