Organisée par Nathalie Coutelet et Raphaëlle Doyon
Journée de jeunes chercheur·e·s,
Université Paris 8
PRÉSENTATION
Partant de l’intérêt croissant des étudiant·e·s de master et de doctorat à l’égard des œuvres des femmes, des questions de genre et de discriminations dans les arts du spectacle, cette journée d’étude vise à leur donner la parole et à créer un réseau informel d’échanges et de réflexions. Elle sera consacrée aux œuvres des femmes au sens large : les créations artistiques des femmes et leur place dans le monde des arts vivants, dans l’histoire et aujourd’hui. Nous cherchons ainsi à rompre avec « le fait que les représentations de la sexualité et du genre sont et ont été des constructions masculines (représentations de, mais non par les femmes) »[1].
Les intervenant·e·s sont invité·e·s à porter leur attention sur les représentations proposées dans les œuvres pour aborder les questions de production, de processus de création, de reconnaissance, de réseaux, possiblement féministes et féminins, et de réception. Les arts vivants pouvant être considérés à certains égards comme un observatoire des rapports de genre à une époque donnée, l’attention portera aussi bien sur le contenu et le parcours des œuvres, que sur les mécanismes d’empêchement et les pratiques d’émancipation individuelle et collective que proposeraient ou auraient proposé les créations envisagées.
Axes proposés
Le genre des métiers de la création
Directrices artistiques et de lieux de création et de diffusion, comédiennes, autrices, danseuses, artistes de cirque, techniciennes, etc., comment se divise le travail artistique entre les sexes, dans les métiers artistiques et techniques ? Pendant les formations et au cours de l’exercice du métier, par exemple dans un répertoire technique genré dans la danse ou le cirque[2] ? Dans certains rôles et dans certaines dispositions d’interprétation chez les comédiens et comédiennes[3] ? Quel rôle joue le corps genré dans l’interprétation ? De quelle façon les rôles interprétés participent-ils pour les actrices, circassiennes, danseuses à la construction de leur employabilité et de leur trajectoire professionnelle ? Quels liens peut-on établir entre le travail des femmes dans la création et leur existence en dehors de la scène ? De quelles différences peut-on faire état entre amateures et professionnelles ? Quelles pratiques micropolitiques proposent les metteuses en scène, les performeuses féministes[4], les textes des autrices, de l’ancien régime[5], suffragettes[6], ou contemporaines ? Quelle attention est donnée aux figures féminines et quels espaces scéniques et sonores occupent-elles ? Quelles sont les contournements des stéréotypes de genre dans la création ? Sont-ils liés à des stratégies d’actions collectives et individuelles ?
Les œuvres des femmes : création, visibilité, reconnaissance professionnelle, postérité.
Quelles œuvres de femmes sont visibles ou ont été visibles de leur temps ? Dans quels cercles ou milieux ? Quels liens entretiennent ces œuvres avec le contexte socio-historique de leur création ? Que racontent-elles ? A qui s’adressent-elles ? De quels parcours des artistes femmes leurs œuvres rendent-elles compte, qu’il s’agisse de périodes historiques où l’autorisation du père ou du mari était nécessaire pour exercer ou de l’époque contemporaine et des débats sur la parité dans les théâtres subventionnés ? Quelles œuvres rendent comptent des mécanismes d’exclusion et d’auto-censure des femmes des instances de légitimité[7] ? Quelles œuvres les subvertissent et proposent des modèles libérés des modèles masculinistes et/ou hétéro-normatifs ? Quels ont été ou sont encore les usages de pseudonymes masculins et du travestissement en homme[8] ? Quels liens sont établis avec les collaborateurs hommes et collaboratrices femmes, et avec les instances de production, de diffusion, et la critique ? Quelles sont les traces des œuvres du passé dans les répertoires d’aujourd’hui et dans les histoires du théâtre ? Quelles sont les liens entre les créations des femmes et les genres spectaculaires considérés comme mineurs ou moins professionnels ? De quelle façon le genre de la création croise-t-il les discriminations de classe, d’orientation sexuelle[9] et de racialisation[10] dans différents contextes nationaux à travers le monde ?
Plusieurs de ces questions pourront être abordées à travers une analyse croisée, esthétique et sociohistorique.
Modalités de soumission
Les propositions de communication sont à envoyer conjointement aux coordinatrices, Nathalie Coutelet, nathalie.coutelet@libertysurf.fr, et Raphaëlle Doyon, doyonraphaelle@gmail.com
Elles comporteront : le titre de la communication, un résumé de 200 mots, une bibliographie indicative, et cinq mots clefs. La date limite de soumission des propositions est fixée au 1er mars 2019.
Nous demanderons aux intervenant·e·s d’accompagner leur communications d’extraits ou d’archives des œuvres en question (lectures, captation, iconographies, ou autres).
[1] Tracy Davis, « Questions pour une méthodologie féministe dans l’histoire du théâtre » [1989], trad. R. Doyon dans Horizons/Théâtre, n°10-11, 2018, Genre et arts vivants, p. 176.
[2] Voir Nathalie Coutelet, « Femmes herculéennes au music-hall : déconstruction d’un cliché », dans Horizons/Théâtre, n°10-11, 2018, Genre et arts vivants, p. 261-276, et Hélène Marquié, Non, la danse n’est pas un truc de filles ! : essai sur le genre en danse, Toulouse, L’Attribut, 2016.
[3] Anne-Françoise Benhamou (dir.), Outrescène, n°12, mai 2011, Contemporaines ? Rôles féminins dans le théâtre d’aujourd’hui.
[4] Peggy Phelan, Art et féminisme, conçu par Helena Reckitt, traduit de l’anglais par Marie Hermet, Paris, Phaidon, 2005. [Art and feminism, London, Phaidon, 2001].
[5] Aurore Évain, Perry Gethner, Henriette Goldwyn (dir.), Théâtre de femmes de l’Ancien régime, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2006.
[6] Cecilie Beach, Staging politics and gender : French women’s drama1880-1923, Basingstoke (GB), Palgrave Macmillan, 2005.
[7] Voir Linda Nochlin, « Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? », [Why Have There Been No Great Women Artists ?, 1971], Femmes, art et pouvoir et autres essais [1989], Nîmes, Jacqueline Chambon, 1993, p. 201-244, et Delphine Naudier et Brigitte Rollet (dir.), Genre et légitimité culturelle : quelle reconnaissance pour les femmes ?, Paris, l’Harmattan, 2007.
[8] Voir Muriel Plana, Théâtre et féminin : identité, sexualité, politique, Dijon, Éd. universitaires de Dijon, 2012 et Tracy Davis, « Questions pour une méthodologie féministe dans l’histoire du théâtre », op. cit.
[9] Kate McDermott (dir.), Places, Please ! The First Anthology of Lesbian Plays, Iowa City, Aunt Lute, 1985.
[10] Leïla Cukierman, Gerty Dambury et Françoise Vergès (dir.), Décolonisons les arts !, Paris, L’Arche, 2018.