Centre de musique baroque de Versailles, les 16-17 juin 2023
La connaissance de l’opéra français s’est considérablement enrichie au cours des dernières décennies, grâce à de nombreux projets de recherche qui ont donné lieu à des travaux de référence. Cependant, l’attention des chercheurs s’est focalisée davantage sur l’Académie royale de musique, institution étroitement liée à la naissance et au façonnement du genre. Ce colloque se propose d’élargir l’exploration du répertoire lyrique français par l’étude de l’opéra de cour aux XVII e et XVIII e siècles, au sens large du terme : non seulement les œuvres jouées dans les résidences royales (Versailles, Saint-Germain, Fontainebleau, etc.), mais aussi celles nées à l’initiative de grands mécènes aristocrates, comme par exemple la duchesse du Maine ou le Régent Philippe II d’Orléans (à l’occasion du tricentenaire de sa mort, des communications sur l’activité musicale du Régent seront particulièrement appréciées). Le colloque s’intéressera aussi à différents types de production curiale comprenant les opéras créés lors de festivités à dimensions politiques mais aussi dans des cadres privés. L’adaptation d’ouvrages créés à la ville sera également envisagée. Il s’agira ainsi d’explorer trois aspects majeurs et transversaux liés à ce répertoire : la question du goût, la relation aux espaces et les pratiques.
Pistes de réflexion.
Comment le goût des mécènes intervient-il dans le façonnement des œuvres, dans tous les aspects de la création (choix des sujets et des personnes – auteurs, interprètes et gens de théâtre) ? Peut-on déceler des spécificités esthétiques propres à l’opéra de cour dont la destination et le public diffèrent de l’opéra urbain, à dimension commerciale ? Peut-on observer par exemple un choix de sujets non conventionnels, controversés ou audacieux ? Si la tragédie en musique lulliste, à travers son prologue notamment, fut le lieu d’une glorification de la personne du roi, le goût de cour se caractérise-t-il nécessairement par sa propension à représenter les valeurs et les idéaux de l’aristocratie (héroïsme et galanterie) ? D’autres logiques esthétiques sont-elles à l’œuvre dans la construction du goût de cour (référence à l’Histoire, imitation de festivités
passées…) ? Dans le cadre de reprise d’œuvres créées à la ville, les opéras sont-ils remaniés pour satisfaire un goût particulier ? Que nous apprend l’exécution des opéras en version de concert et fragmentés (Concerts de la Reine) sur le goût de l’aristocratie ? Quelles sont les genres (tragédie, ballet, opéra-comique, fragments, petit opéra) favorisés – ou délaissés – par la noblesse de cour ?
Le merveilleux, élément incontournable de l’opéra français depuis sa création, participe au rayonnement du répertoire lyrique grâce à un appareil scénique complexe, nécessitant un théâtre aménagé (trappes, cintres, coulisses, etc.). En l’absence de salles de spectacles spécifiquement destinées à la production d’opéra, comment le genre de cour s’adapte-t-il à d’autres espaces de représentation (salons, jardins, etc.) ? Inversement, comment les lieux ont un impact sur les caractéristiques spectaculaires des œuvres (par exemple, en renonçant à certains effets scéniques, ou en les remplaçant par d’autres éléments) ?
Alors qu’à la ville l’opéra est l’apanage de l’Académie royale de musique, institution commerciale vouée à une production sérielle, l’opéra de cour s’inscrit dans un contexte artistique éphémère, intégrant le cadre de fêtes et de célébrations aristocratiques. Quelle est la place de l’opéra dans ces divertissements (qui peuvent inclure des œuvres de théâtre parlé, des concerts de musique vocale et instrumentale), et comment s’inscrit-il dans une programmation plus ample occupant les courtisans plusieurs jours durant (chasse, promenades, bals, soupers, etc.) ? Il sera aussi question d’explorer les modalités de production des œuvres. En quoi les pratiques sont différentes de celles de la ville, qu’il s’agisse des effectifs, du choix des interprètes, et de la gestion des ressources matérielles ? Comment s’organise la production des œuvres (préparation des partitions, impression des livrets, réalisation des costumes et des décors, calendrier des répétitions, partage de rôles entre chanteurs de cour et chanteurs de ville) ? Comment des cours éloignées de l’Académie royale de musique, comme par exemple, celle de Lunéville en Lorraine ou celle du duc d’Aiguillon en Guyenne, accueillent et adaptent le genre, sans pouvoir compter sur les apports techniques, matériels et artistiques de la cour ou de Paris ?
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Les propositions de communication, composées d’un texte de 2500 signes et d’une courte bio-bibliographie, sont à envoyer avant le 30 novembre 2022 à l’adresse operadecourenfrance@gmail.com
Comité d’organisation
Barbara Nestola (CESR-CMBV)
Thomas Soury (Université Lumière Lyon 2)
Comité scientifique
Sylvie Bouissou (IReMus)
Manuel Couvreur (Université Libre de Bruxelles)
Mathieu da Vinha (Centre de recherche du château de Versailles)
Pauline Lemaigre-Gafier (UVSQ-Université Paris-Saclay)
Graham Sadler (Royal Birmingham Conservatoire).