Colloque international organisé au Musée de la Révolution française
Propositions à rendre pour le 30 septembre 2022.
Contacts : helene.puig@isere.fr, Pierreserna@wanadoo.fr , Frederic.Regent@univ-paris1.fr
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L’histoire récente des espaces coloniaux et de leur intégration à la dynamique révolutionnaire a reçu une attention méritée et soutenue ces dernières années. Il n’est désormais plus possible d’écrire l’histoire des Révolutions de la fin du XVIIIe siècle sans intégrer l’héritage colonial de l’Ancien régime et sans comprendre les événements propres à ces espaces qui influencent plus que les métropoles, les grands équilibres géopolitiques de la planète encore prise dans le duel franco-britannique pour l’hégémonie mondiale dans un jeu d’alliances des plus complexes.
Ces travaux roboratifs et nécessaires, refondant une histoire de la mondialité, ont induit des formes d’appréhension du réel, où les êtres se trouvaient pris dans des logiques de groupes qui les dépassaient ou les entrainaient. Bien souvent leurs positions pouvaient être définies par leur appartenance à un groupe social précis, à une fonction professionnelle acquise ou bien aussi par la couleur de leur peau, autant d’éléments déterminants du statut des individus au sein de conflits mêlant émancipation, lutte de classes, conquête politique.
Le colloque proposé, tente une autre approche. Celle des individus, celles des personnes dans leur intégrité propre, dans leurs témoignages d’actrices et d’acteurs d’une période qui voient des bouleversements majeurs transformer leur vie. Il s’agit de retrouver les personnes dans leur complexité et dans leur individualité et tenter d’approcher au plus près leur expérience vécue des révolutions successives qui les surplombent mais dans lesquelles elles se trouvent pleinement intégrées. Comment les personnes accueillent, perçoivent, vivent les formes de catégorisation qui leur sont imposées ou qu’elles reçoivent, ou qu’elles conquièrent ? Que sont les statuts sociaux, les couleurs, les fonctions, les genres, les âges de la vie, les transferts. Comment marquent-ils les existences ?
Partir de la subjectivité des acteurs et des actrices, lorsque les sources le permettent ne revient nullement à refuser l’ensemble du travail effectué pour comprendre les catégories dans lesquelles ils et elles évoluent, mais permet de reposer les questions différemment, d’une histoire au ras du sol, au plus près des personnes.
Ce sont donc les notions de destins historiques, de parcours individuels, de trajectoires personnelles, dans ce monde largement métissé que l’on souhaite interroger, pour rendre toute leur importance au vécu historique et à sa complexité, que l’on peut nuancer au-delà des oppositions binaires et comprendre dans son inextricable difficulté de société violente aspirant à de nouvelles formes de gouvernance pour chacun.
Le cadre chronologique tend à déplacer quelque peu les approches jusque-là classiques, séparant un avant et un après 1789, en intégrant pleinement la France de l’Ancien Régime, à l’avènement de Louis XVI en 1774, qui précède de peu la guerre d’indépendance américaine devenant une Révolution du Nouveau monde, un événement tout simplement inimaginable, impensable au moment où monte sur le trône le petit fils de Louis XV. Le questionnement se poursuit sur une période de trente ans jusqu’en 1804, date de l’indépendance d’Haïti. Ce sont ainsi trois Révolutions qui sont interrogées, si différentes, avec leur chronologie et leur spécificité et en même temps reliées entre elle par le littoral du vaste espace atlantique. Elle ne sont nullement identique pourtant elles dialoguent, s’observent, par les formes politiques qu’elles peuvent prendre, leur volonté de se conclure par une constitution, leur destin adverse de devoir affronter des guerres extérieures et civiles, et l’influence qu’elles ont eu les unes sur les autres en un jeu de miroir complexe.
En ce temps, la France d’Ancien Régime étend ses possessions au-delà des mers aux Antilles (Saint-Domingue, Guadeloupe, Martinique), en Guyane, aux Mascareignes (Réunion, Île Maurice). Les Révolutions qui secouent les rivages de l’Océan atlantique, provoquent un impact important en déclenchant des phénomènes politiques qui aboutissent à la fondation d’une république esclavagiste aux Etats-Unis mais aussi à la première abolition de l’esclavage le 4 février 1794, lors de la Première République française.
La particularité des sociétés coloniales est d’être formée de blancs ou réputés tels, de libres de couleur et des esclaves. Ces sociétés sont soumises à la servitude, au préjugé de couleur et à une dépendance étroite à l’égard de la métropole qui se manifeste par le système de l’Exclusif. Le vent de la liberté va bouleverser ce monde. Qu’en est-il de chacun et de chacune en particulier ? Est-ce une ambition démesurée que d’essayer de retrouver ces vies pour les raconter dans leur transformation ? N’est-il pas temps, au contraire, d’aborder ces existences pour elles-mêmes et de les appréhender dans leurs forces, leur fragilité, leur humanité pleine et intègre ?
I – Sources et méthodologie
Dans un premier temps il s’agit de s’interroger sur les façons d’approcher ces destins si différents. Des communications pourront être proposées sur les sources utilisées pour écrire l’histoire des personnes dans les colonies en Révolution.
Correspondance administrative, actes notariés, journaux personnels, correspondances privées, ouvrages imprimés sont les sources habituellement utilisées. Est-il possible d’en dresser une typologie ? De les repérer dans les fonds publics ou privés ? Avec quelles précautions méthodologiques peut-on les employer ? D’en inventer d’autres ?
À partir du repérage de ces sources et de leur dépouillement pour retrouver les destins individuels comment faire pour repenser la nature des phénomènes révolutionnaires dans les colonies ? Peut-on parler de révolutions coloniales, de révolutions dans les colonies, de colonies à l’ère des révolutions ? Comment l’étude des personnes et de leurs traces peut-elle aider à mieux concevoir une histoire globale ?
II – Trajectoires
Il s’agira de voir comment la Révolution a été reçue par des femmes et des hommes dans les colonies, mais aussi par les originaires des colonies qui vivaient sur le sol français. Certaines figures comme Julien Raimond et Vincent Ogé sont connues, mais le groupe des libres de couleur est particulièrement actif à Paris de 1789 à 1794 et nécessite encore de nouvelles études. Comment ces femmes et ces hommes mobilisent-ils le langage de la Révolution et notamment le langage des droits ?
Les communications pourront porter sur des trajectoires d’individus ou de groupes en Révolution ou en Contre-révolution. La question des récits de vie, sous la forme de biographie ou de portrait à des moments particuliers d’une existence ou de fragments de vie proposés permettraient de donner corps à l’enquête en croisant des trajectoires croisées, affrontées, adversaires mais aussi alliées, amies également. Un puzzle d’existences juxtaposées peut rendre compte d’une réalité complexe connectée, inter-sectionnelle.
Il s’agirait clairement de remettre en valeur la notion de récit de vie dans une logique interprétative large des interactions entre colonies, dans les colonies et dans les métropoles.
III – Représentations
Du législateur célèbre à la plus inconnue des esclaves, l’ambition serait de dresser un ensemble de portraits qui donnerait à voir la chair et le sang de ces histoires incarnées par tant de personnes différentes.
Quelle représentation la France a-t-elle de ses colonies ? Des tableaux célèbres comme le portrait de Belley (Girodet), député de Saint-Domingue à la Convention ou de Madeleine (Benoist) représentent des personnes issues des colonies. La Révolution engendre-t-elle une nouvelle représentation des individus ?
Cette section peut se diviser en deux sous-parties. Le colloque entend s’ouvrir à des spécialistes de littérature et d’histoire de la littérature ainsi qu’à des historiens de l’art.
A / Littérature
Théâtre, romans… comment la fiction s’empare-t-elle des destinées entre les océans, sur les océans et quelle image façonne-t-elle des personnes dans des métropoles qui perçoivent largement ces espaces soit comme sauvages, soit comme exotiques, soit comme des espaces lucratifs, soit comme des espaces dangereux, autant d’images qu’un Victor Hugo écrivant Bug-Jargal peut véhiculer ou que madame de Duras peut décrire avec tant de finesse dans Ourika.
B/ Histoire de l’art
Comment la peinture, le dessin, la sculpture se sont-ils emparés de la représentation des corps et des espaces antillais et tout particulièrement de ceux des métisses ou des noirs, par-delà le portait de Belley devenu plus que célèbre deux cents ans plus tard ! Quelles sont les possibilités de représenter les visages, l’histoire sur les corps ? Ou tout simplement les portraits des protagonistes connus ou moins connus qui ont retenu l’attention des artistes.
En somme, ce colloque se propose de replacer l’individu au cours de cette histoire des révolutions des métropoles et des colonies entre 1774 et 1804 et tenter une nouvelle perception et écriture de cette histoire encore en chantier.
Comité d’organisation
Hélène Puig, Alain Chevalier, Frédéric Régent et Pierre Serna
Comité Scientifique
Esther Bell, Hélène Cussac, Gusti Gaillard-Pourchet, Bernard Gainot, David Geggus, Olivier Meslay, Marie-Jeanne Rossignol, Jean-Pierre Sainton, Bertrand Van Ruymbeke .