Colloque international organisé dans le cadre des célébrations des 500 ans de la Renaissance par les châteaux de Blois et de Chaumont, avec le soutien de la région Centre-Val de Loire et la ville de Blois.
Les premières études historiques cherchant à se dégager de cette image biaisée voient le jour grâce à un retour aux sources et à leur analyse rigoureuse, une démarche soutenue à la fin du XIXe siècle par la monumentale édition des lettres de la reinei. Les ouvrages d’Eugenio Albèri (1838), d’Alfred de Reumont et de Jean-Baptiste Capefigue (1856), de Jean Hippolyte Mariéjol (1920), de Lucien Romier (1922) et de Pierre Champion (1937) témoignent de ce renouveau méthodologique qui trouve des continuateurs à la fin du XXe siècle en Ivan Cloulas (1979) et Robert J. Knecht (1998)ii. Le lien entre Catherine de Médicis et les arts est souligné par un livre abondamment illustré d’Henri Bouchot (1899)iii. Au XXIe siècle, les biographies de Jean-François Solnon (2003) et de Thierry Wanegffelen (2005) intègrent des interrogations inédites, émanant de la nouvelle histoire politique et de l’histoire des femmes et du genreiv.
Privée de ses parents quelques jours après sa naissance, otage des républicains de Florence opposés à sa famille et mariée pour des raisons diplomatiques et financières à un cadet de la famille royale française, Catherine de Médicis est confrontée à la cour de France à l’anti-italianisme qui émerge dans le sillage des guerres d’Italie et des transformations de la vie politique à la Renaissance (Dubost, Heller)v. L’importance de l’administration, l’ampleur des échanges diplomatiques et la présence de grands réseaux de clientèle marquent l’exercice du pouvoir par Catherine de Médicis et par ses enfants, dont elle avait assuré l’éducation politique après la mort de son époux, et avec qui elle a entretenu des liens étroits sa vie durant (Gellard, Le Roux, Édouard, Labourdette)vi. La relation de Catherine de Médicis avec Diane de Poitiers, source de phantasmes romantiques pour certains historiens et romanciers, a été réévaluée (ffolliott, Cloulas) ; sa mise en perspective par l’étude de l’émergence de la maîtresse comme fonction curiale sous le règne de François Ier est en cours (Adams)vii.
Après une longue période de stérilité, Catherine de Médicis donne naissance à dix enfants dont sept parviendront à l’âge adulte. Dans les années 1544-1559, elle se révèle être une mère attentive, une épouse et une reine exemplaire, respectant les limites institutionnelles de cette fonction (Cosandey) tout en profitant des marges de manœuvre offertes par ce statut particulierviii. Des études récentes ont éclairé la place des reines et de leur suite à la cour et le rôle joué au quotidien par Catherine de Médicis dans cette société (Chatenet, McIlvenna, Broomhall, zum Kolk et Wilson-Chevalier)ix.
Catherine de Médicis a exercé cinq régences : trois sous le règne de son époux, une après la mort de François II, une dernière après celle de Charles IX. Loin d’être des « accidents » ou des « exceptions » historiques, les régences en France et en Europe ont fait l’objet d’études soulignant leur importance systémique (Corvisier, Giesey)x. La légitimation de cette fonction par le développement d’une représentation insistant sur les vertus d’épouse et de mère, entreprise dès 1560, a été mise en évidence (Crawford)xi, comme le rôle que la reine attribue aux grandes festivités pour la politique intérieure et extérieure (McGowan, Strong)xii. En 2005, un colloque consacré au mécénat de Catherine de Médicis a éclairé différentes facettes de son investissement dans le domaine culturel et architectural (Frommel et Wolf), enquête poursuivie dans le cadre d’un ouvrage collectif dédié au mécénat des femmes à la Renaissance (Wilson-Chevalier)xiii. Les caractéristiques de la création artistique visant à exalter le pouvoir royal continuent à susciter l’intérêt de la recherche (Capodieci)xiv. La restauration en cours de la Tenture des Valois permet de redécouvrir un cycle de tapisseries illustrant les fêtes qui n’était plus exposé, et repose la question du projet d’un tissage autour d’Artémise, connu par des dessins d’Antoine Caron (Cordellier et al., Cleland et al., , Hueber)xv.
L’activité bâtisseuse de Catherine de Médicis se démarque par l’ampleur et le nombre des chantiers engagés concernant non seulement des résidences secondaires (Montceaux, Saint-Maur, Chenonceaux, son hôtel parisien) et des monuments à la gloire de la dynastie (la rotonde des Valois, la statue équestre d’Henri II…), mais aussi la conception d’un palais aux Tuileries, dont le programme iconographique symbolique des façades et les usages ont été récemment réétudiés (Fonkenell, Guillaume)xvi. Si les études sur ces constructions sont nombreuses, elles sont également relativement anciennes et méritent sans doute une nouvelle actualisation (Baudouin-Matuszek sur Paris, Chevalier et Babelon sur Chenonceau, Kittaef sur Saint-Maur, Fonkenell pour la dernière synthèse sur la rotonde des Valois)xvii. Cette entreprise va de pair avec l’implantation de la cour à Paris dès le milieu des années 1560, et les mesures prises pour mieux ordonner l’entourage royal, un processus qui se poursuit sous le règne d’Henri III (Boucher, Le Roux, zum Kolk)xviii.
Catherine de Médicis gouverne la France de décembre 1560 à la fin de cette décennie, moment à partir duquel Charles IX commence à exercer personnellement le pouvoirxix. Ces années sont marquées par une réorientation radicale de la politique royale en matière religieuse : la répression fait place à une tolérance mesurée, visant l’établissement d’une coexistence paisible des confessions au sein du royaume. Introduite par la reine mère, mise en œuvre par le chancelier Michel de L’Hospital et un personnel politique partiellement renouvelé, cette politique a suscité des jugements contradictoires quant à ses motivations et ses effets (Wanegffelen, Crouzet, Petris, Tallon)xx. Dans les écrits de pamphlétaires et de certains historiens, Catherine de Médicis endosse une large part de responsabilité pour les « troubles » qui marquent le siècle et leur point culminant, le massacre de la Saint-Barthélemy. Des chercheurs étrangers, moins sensibles aux problématiques mémorielles posées en France par les guerres civiles, comptent parmi les premiers à réévaluer le rôle joué par Catherine de Médicis dans le déroulement du massacre (Albèri, Roederer, Sutherland) xxi.
Ce bilan historiographique – qui ne prétend à aucune exhaustivité – présente quelques jalons majeurs de la recherche sur Catherine de Médicis. En tenant compte de ces avancées, le colloque a pour objectif d’approfondir l’étude de la place de Catherine de Médicis dans la vie politique et culturelle de son temps ainsi que dans l’historiographie de la Renaissance, en France et à l’étranger. Il est aussi l’occasion d’aborder des sujets délaissés et de dégager de nouvelles perspectives de recherche.
Les propositions portant sur les thématiques suivantes seront privilégiées :
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Catherine de Médicis au sein du lignage : le poids symbolique et réel de la famille maternelle et paternelle de la reine ; son rôle dans les stratégies familiales et la politique dynastique ; l’exercice de la parenté.
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Les statuts et les fonctions de Catherine de Médicis d’un point de vue institutionnel et juridique : dauphine, reine, régente, reine mère.
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Catherine de Médicis et l’administration du royaume : conception politique, méthodes et outils de gouvernement.
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Catherine de Médicis face à la crise religieuse : conception religieuse, choix stratégiques, étude d’événements clés.
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Catherine de Médicis et la cour de France : gestion de la cour dans son ensemble et des maisons royales en particulier, l’entourage de la reine, étiquette et vie de cour.
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Les finances de Catherine de Médicis : héritage, dot, douaire, dettes, chambre des comptes, la gestion des finances de la reine.
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Les seigneuries de Catherine de Médicis : propriétés, transferts, ventes, gestion.
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Catherine de Médicis dans l’historiographie : la représentation de la reine en France et en Europe, XVIe-XXIe siècle (histoire, littérature, cinéma).
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Catherine de Médicis et l’évolution des arts en France : apports particuliers de la commande de la reine, collections, émulation entre artistes et entre commanditaires, place de l’art italien dans le panorama français.
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Catherine de Médicis, la politique et les arts : goût personnel de la reine, utilisation politique de l’architecture et de l’image, rôle d’un programme funéraire.
Modalités de soumission
Les propositions de communication sont à envoyer à Guillaume Fonkenell (guillaume.fonkenell@culture.gouv.fr) et Caroline zum Kolk (zumkolk@cour-de-france.fr) le 22 mars 2019 au plus tard.
Les participants recevront début avril une notification au sujet de leur participation au colloque.
Les propositions doivent inclure :
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les nom, prénom, adresse électronique, statut, discipline et affiliation du chercheur ou de la chercheuse ;
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le titre de la communication ;
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un résumé d’une page de la proposition, spécifiant le contenu de la communication, la méthode employée et les sources mobilisées ;
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éventuellement la thématique dans laquelle s’inscrit la proposition.
Les langues de travail du colloque seront le français et l’anglais. La majorité des échanges auront lieu en français et il est donc attendu des participants une compréhension du français leur permettant de suivre les discussions.
Conseil scientifique
Susan Broomhall, The University of Western Australia
Luisa Capodieci Bayard, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Thierry Crépin-Leblond, Musée national de la Renaissance, Écouen
Jérémie Foa, Aix-Marseille Université
Nicolas Le Roux, Université Paris XIII
Penny Roberts, Université de Warwick
Organisateurs
Guillaume Fonkenell, Musée national de la Renaissance, Écouen
Caroline zum Kolk, Institut d’études avancées de Paris, Cour de France.fr
i Lettres de Catherine de Médicis, éd. par H. de la Ferrière-Percy, G. Baguenault de Puchesse, A. Lesort (éd.), Paris, Imprimerie Nationale, 1880-1943, 11 tomes.
ii Eugenio Albèri, Vita de Caterina de’ Medici, Florence, Batelli e figli, 1838 ; Alfred de Reumont, La jeunesse de Catherine de Médicis, trad. par A. Baschet, Paris, Plon, 1856 ; Jean Hippolyte Mariéjol, Catherine de Médicis (1519-1589), Paris, Hachette, 1920 ; Lucien Romier, Le Royaume de Catherine de Médicis : la France à la veille des guerres de religion, 2 t., Paris, Perrin, 1922 ; Pierre Champion, Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1564-1566, Paris, Bernard Grasset, 1937 ; Ivan Cloulas, Catherine de Médicis, Paris, Fayard, 1979 ; Robert J. Knecht, Catherine de’ Medici, London/New York, Longman, 1998.
iii Henri Bouchot, Catherine de Médicis, Paris, Goupil et Cie 1899, Louis Dimier, Histoire de la peinture de portrait en France au XVIe siècle, Bruxelles et Paris, G. Van Oest, 1924-1926, 3 vol.
iv Jean-François Solnon, Catherine de Médicis, 2003 ; Thierre Wanegffelen, Catherine de Médicis, Le pouvoir au féminin, Paris, Payot, 2005.
v Jean-François Dubost, La France italienne, XVIe -XVIIe siècle, Paris, Aubier, 1997 ; Henry Heller, Anti-Italianism in Sixteenth-Century France, Toronto, Toronto University Press, 2003.
vi Matthieu Gellard, Une reine épistolaire. Lettres et pouvoir au temps de Catherine de Médicis, Paris, Classiques Garnier, 2014 ; Nicolas Le Roux, La faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois, Paris, Champ Vallon, 2000 ; Sylvaine Édouard, Le corps d’une reine. Histoire singulière d’Élisabeth de Valois (1546-1568), Rennes, PUR, 2009 ; Jean-François Labourdette, Charles IX, un roi dans la tourmente des guerres civiles (1560-1574), Paris, Champion, 2018.
vii Sheila ffolliott, « Casting a rival into shade: Catherine de’ Medici and Diane de Poitiers », dans Art Journal, New York, 1989, vol. 48, n° 2, Summer, pp. 138-143 ; Ivan Cloulas, Diane de Poitiers, Paris, Fayard, 1997 ; Tracy Adams, « The Invention of the French Royal Mistress », dans Clare Monagle (éd.), Intellectual Dynamism in the Middle Ages, Amsterdam, Amsterdam University Press (à paraître) ; avec Christine Adams, The Creation of the French Royal Mistress, Penn State University Press, 2019 (à paraître).
viii Caroline zum Kolk, « ‘Tout paix et amitié.’ La maison des enfants de Henri II et Catherine de Médicis », dans P. Mormiche, S. Perez (dir.), Naissance et petite enfance à la cour de France (Moyen Âge – XIXe siècle), Villeneuve-d’Ascq, Septentrion, 2016, p. 79-95 ; Fanny Cosandey, La reine de France. Symbole et pouvoir, Paris, Gallimard, 2000.
ix Monique Chatenet, La Cour de France au XVIe siècle. Vie sociale et architecture, Paris, Picard, 2002 ; Una McIlvenna, Scandal and Reputation at the Court of Catherine de Medici, Routledge, 2016 ; Susan Broomhall (éd.), Women and Power at the French Court, 1483-1563, Amsterdam University Press, 2018 ; Caroline zum Kolk, Kathleen Wilson-Chevalier (dir.), Femmes à la cour de France. Charges et fonctions (XVe – XIXe siècle), Villeneuve-d’Ascq, Septentrion, 2018.
x André Corvisier, Les régences en Europe, Paris, PUF, 2002 ; Ralph Giesey, Le rôle méconnu de la loi salique. La succession royale, XIVe – XVIe siècles, Paris, Les belles lettres, 2007.
xi Katherine Crawford, Perilous Performances. Gender and Regency in Early Modern France, Cambridge/Londres, Harvard University Press, 2004.
xii Margaret M. McGowan, L’art du Ballet de Cour en France, 1581–1643, Paris, CNRS, 1963 ; Roy Strong, Art and power : Renaissance festivals, 1450-1650, Woodbridge, Boydell Press, 1984 (trad. fr. 1991).
xiii Sabine Frommel, Gerhard Wolf (dir.), Il mecenatismo di Caterina de’ Medici. Poesia, feste, musica, pittura, scultura, architettura, actes de colloque, Venise, Marsilio, 2008 ; Kathleen Wilson-Chevalier (éd.), Patronnes et mécènes en France à la Renaissance, Saint-Étienne, PUST, 2007.
xiv Luisa Capodieci, Art, Astres et pouvoir à la cour de Catherine de Médicis, Genève, Droz, 2011.
xv Londres, Courtauld Gallery, 18 janv.-15 avr. 2018, catalogue : Dominique Cordellier, Frédéric Hueber, Ketty Gottardo, Pauline Chougnet (dir.), Antoine Caron : Drawing for Catherine de’ Medici, Londres, Paul Holberton Publishing, 2018 ; Cleveland, The Cleveland museum of art, 18 nov. 2018-21 janv. 2019, catalogue : Elizabeth Cleland, Marjorie E. Wieseman et al. (dir.), Renaissance Splendor: Catherine de’ Medici’s Valois Tapestries, New Haven, Yale University Press, 2019 ; Frédéric Hueber, Antoine Caron : peintre de ville, peintre de cour, 1521-1599, Tours/Rennes, Presses universitaires François-Rabelais/Presses universitaires de Rennes, 2018.
xvi Guillaume Fonkenell, Le palais des Tuileries, Arles, Honoré Clair, 2010, Jean Guillaume, « Les Tuileries de Catherine de Médicis » dans G. Bresc-Bautier, G. Fonkenell (dir.), Histoire du Louvre, Paris, Fayard, 2016, p. 189-216.
xvii Marie-Noëlle Baudouin- Matuszek, Paris et Catherine de Médicis, Paris, Délégation à l’action artistique, 1989 ; Casimir Chevalier, Archives royales de Chenonceau, Paris, Techener, 1864-1866, 5 vol., , Jean-Pierre Babelon, Chenonceau, Paris, Adam Biro, 2002, 215 p. (réédition augmentée 2018), Monique Kitaeff, « Le château de Saint Maur des Fossés », Monuments Piot, 1996-75, p. 65-126, Guillaume Fonkenell, « La rotonde disparue des Valois » dans Pascal Delannoy (dir.), Saint-Denis, dans l’éternité des rois et des reines de France, Paris, La Nuée Bleue, 2015, p. 112-115. Une étude sur Monceaux est actuellement en cours par Marguerite-Marie Luquet (Ecole nationale des Chartes).
xviii Jacqueline Boucher, Société et mentalités autour de Henri III, thèse d’histoire, 1981 ; rééditée en 2007 (Paris, Champion) ; Nicolas Le Roux, « La cour dans l’espace du palais : l’exemple d’Henri III », dans M. F. Auzepy, J. Cornette (dir.), Palais et pouvoir. De Constantinople à Versailles, Saint-Denis, PUV, 2003 ; Caroline zum Kolk, « La sédentarisation de la cour à Paris d’après les itinéraires des derniers Valois (1515-1589) », dans B. Bove, M. Gaude-Ferragu, C. Michon (dir.), Paris, ville de cour (XIIIe-XVIIIe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 51-68.
xix J. F. Labourdette, Charles IX…, p. 9.
xx Thierry Wanegffelen (dir.), De Michel de L’Hospital à l’Édit de Nantes : politique et religion face aux Églises, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, coll. « Histoires croisées », 2002 ; Loris Petris, La Plume et la tribune. Michel de l’Hospital et ses discours (1559-1562), Genève, Droz, 2002 ; Denis Crouzet, Le haut cœur de Catherine de Médicis : une raison politique aux temps de la Saint-Barthélemy, Paris, Albin Michel, 2005 ; Alain Tallon, Conscience nationale et sentiment religieux en France au XVIe siècle. Essai sur la vision gallicane du monde, Paris, PUF, 2002.
xxi E. Alberi, Vita de Caterina de’ Medici… ; Pierre-Louis de Roederer, La proscription de la Saint Barthélemy, suivie de remarques sur plusieurs accusations portées par divers historiens de nos jours contre Catherine de Médicis, Paris, H. Bossange, 1830 ; Nicola Mary Sutherland, The massacre of Saint. Bartholomew and the European Conflict, Londres, Basingstoke, 1973.