Le colloque international Castrations. Entre histoire et études de genre qui se tiendra les 17 et 18 novembre 2022 à l’université d’Angers invite à penser, dans un temps long allant de l’Antiquité à la période contemporaine, une histoire des castrations renouvelée par les perspectives des études de genre. S’il valorise une appréhension diachronique de ce phénomène, le colloque est ouvert à une pluralité de regards disciplinaires permettant d’analyser la castration comme un phénomène à la fois vécu et représenté. Il s’agit, sans se limiter non plus à une aire socioculturelle spécifique, d’interroger la manière dont la castration questionne les normes de genre des sociétés où elle est pratiquée, participant ainsi à leurs (re)définitions.
Argumentaire
Depuis la seconde moitié du XXe siècle, la castration humaine – qui dans sa définition large concerne une ablation totale ou partielle des organes sexuels et reproducteurs – a fait l’objet de travaux historiques allant des castrations antiques assyriennes ou de la dynastie Chang aux castrations chimiques contemporaines. Des figures singulières ont émergé, comme celle des eunuques ottomans, des castrats italiens ou encore des Skoptzy, témoignant de la grande diversité des pratiques et des motivations, mais aussi de la nature même de la castration opérée.
À la suite de ces premiers travaux – qui ont documenté les dimensions religieuses, politiques, culturelles, socioéconomiques, artistiques, scientifiques ou pénales de la castration –, ce colloque invite à penser, dans un temps long allant de l’Antiquité à la période contemporaine, une histoire des castrations renouvelée par les perspectives des études de genre. S’il valorise une appréhension diachronique de ce phénomène, le colloque est ouvert à une pluralité de regards disciplinaires permettant d’analyser la castration comme un phénomène à la fois vécu et représenté. Il s’agit, sans se limiter non plus à une aire socioculturelle spécifique, d’interroger la manière dont la castration questionne les normes de genre des sociétés où elle est pratiquée, participant ainsi à leurs (re)définitions.
Une des approches peut être celle de revisiter les historiographies de la castration concernant la psychanalyse par exemple ou des figures très commentées – telles que l’eunuque oriental –, à partir d’une lecture genrée et volontiers intersectionnelle invitant à saisir les rapports de pouvoir en jeu, les dimensions symboliques tout comme les capacités d’action ou de contrainte que la castration présuppose. La castration féminine, finalement marginale dans les productions historiques, mérite également d’être pensée, au même titre que les effets de la castration masculine sur les rapports sociaux de sexe.
Au fil des siècles, la castration a été investie, mobilisée et travaillée par divers champs de connaissances et de pratiques (scientifiques, religieuses, juridiques, artistiques…) dont il s’agira de restituer à la fois la diversité et les points de rencontre. La façon dont la castration change de nom et acquiert ou perd en légitimité en fonction de celles et ceux qui la réalisent ou sur qui elle est réalisée, constitue un angle d’approche particulièrement heuristique.
On s’intéressera donc autant aux castrations humaines qu’à celles qui touchent les autres animaux, mais aussi les végétaux. La manière dont la castration participe à la (re)définition des frontières entre espèces constitue effectivement un questionnement important. Qu’y a-t-il de commun entre la castration du maïs, la stérilisation du chat et l’orchidectomie ou l’ovariectomie pratiquées dans le champ médical ? En quoi ces usages et les représentations associées mobilisent-elles le genre, mais témoignent aussi d’autres rapports sociaux imbriqués ?
On prêtera également une attention particulière aux motivations de la castration et à la place des individus concernés : la castration est-elle subie, attendue, désirée ? Quels effets produit-elle ? Est-elle appréhendée comme une violence, une libération, une transformation du corps et de ses potentialités ? On s’intéressera donc autant aux pouvoirs de contrainte – notamment présents pour la stérilisation forcée des personnes en situation de handicap ou dans les usages génocidaires – qu’aux dynamiques émancipatoires que peuvent receler des pratiques liées à la spiritualité ou à des parcours de transition (chirurgie génitale).
Outre les questionnements larges déployés ci-dessus, les propositions de communication pourront se référer à un ou plusieurs de ces angles d’analyse :
Usages et justifications : modes de justification ou discours d’opposition à la castration; controverses et mobilisations ; usages thérapeutiques, juridiques, criminels, religieux et spirituels, politiques, littéraires, psychanalytiques, métaphoriques ; impositions ou émancipations…
Castration, reproduction et sexualité : normes de genre, masculinités et féminités post-castration ; représentations érotiques ; politiques eugénistes ; pratiques génocidaires ; stérilité ; biopolitiques ; usages et gestion du vivant ; domestication/domination et castration…
Matérialités: devenir des organes ; rituels et ritualisation ; mises à distance ; traces et mémoire de la castration ; incidences physiques et morales…
Acteurs et actrices : professionnel·les ou non de la castration(chirurgiens, bourreaux, vétérinaires, barbiers, soignantes, tortionnaires, auto-castrations…) ; méthodes de castration (symbolique, chirurgicale, chimique…) ; représentations métaphoriques des castratrices et castrateurs et des castré·es…
Expériences : expériences subjectives de la castration ; trajectoires sociales post-castration ; manières de (se) nommer ; perception de soi et rapports aux normes de genre ; modes de présentation au monde ; stratégies de contournement ou de subversion ; prérogatives sociales ou discriminations…
Modalités de soumission
Les propositions de communication sont attendues pour le 31 mars 2022 à l’adresse suivante : nahema.hanafi@univ-angers.fr
Elles devront comporter une brève notice bio-bibliographie ainsi qu’une présentation de la communication envisagée précisant l’ancrage (pluri)disciplinaire, les enjeux historiographiques, l’approche méthodologique ainsi que les matériaux mobilisés (800 à 1000 mots).
À l’issue du colloque, des publications sont envisagées, moins sous la forme d’actes de colloque que de numéros de revue thématiques et/ou d’un ouvrage pensé collectivement.
Les retours du comité scientifique auront lieu à la fin du mois d’avril 2022.
Le colloque aura lieu les 17 et 18 novembre 2022 à l’Université d’Angers.
Comité d’organisation
Nahema Hanafi, Nathalie Branchu
Comité scientifique
Jean-Christophe Abramovici,
Francesca Arena,
Anne Carol,
Hervé Guillemain,
Nahema Hanafi,
Cynthia Kraus,
Rafael Mandressi,
David Niget,
Elodie Serna.