Christophe REGINA
Thèse en Histoire, dir. Martine Lapied et Gilbert Buti, Groupe Femme, UMR TELEMME, Univ. d’Aix-en-Provence, 15 juin 2012
Les femmes sont-elles violentes ? Simple question qui appelle a priori une réponse évidente mais qui dans les faits semble avoir quelques difficultés à trouver une réponse. Vision biaisée, regards troublés, les lectures du rapport des femmes à la violence tendent à réduire, à minimiser ou à réfuter l’exercice quotidien d’une violence féminine renvoyée à l’exceptionnel et à l’anormalité?. Les femmes seraient par définition moins violentes que les hommes. Mais quels sont les fondements de pareil postulat ? Afin d’y réfléchir ont été investies dans le cadre de cette thèse les archives du tribunal de la sénéchaussée de Marseille afin de questionner les formes, les occasions et les expériences de la violence ordinaire auxquelles les femmes étaient confrontées. Se défaisant de l’idée d’un phénomène jugé mineur et ponctuel, les sources exploitées ont permis d’appréhender l’ordinaire des violences marseillaises, resituant aux sexes la part respective qui leur revient en la matière et permettant de nuancer l’idée d’une faible participation féminine aux actes violents ainsi qu’une réflexion sur les formes et manifestations des violences. Les femmes tour à tour actrices et victimes de ces usages tiennent une place fondamentale au sein de la société des voisins qu’elles envahissent, modèlent et contrôlent en partie. La litigiosité féminine a constitué l’angle d’approche retenu pour considérer au travers du regard judiciaire et de ses imperfections, le quotidien ordinaire d’une ville importante d’Ancien Régime : Marseille. La violence est processeur d’une dynamique sociale à laquelle les femmes prennent activement part, qu’elles la subissent ou qu’elles l’exercent. Croisant les grilles d’analyses et les approches des sources, un travail sur les catégories populaires tout autant que sur les membres de l’élite a été rendu possible. Les violences féminines révélées et exacerbées par la Révolution Française notamment, temps catalyseur des mécontentements mais aussi des nouveautés, se donnent, à ce moment de l’Histoire, à voir, à lire et à entendre, mais sous couvert de l’extraordinaire, voire de l’hapax. Cette violence révélée par la Révolution Française n’est pourtant pas exceptionnelle, mais relève bien plutôt d’une réalité sociale de premier ordre, et pourtant loin d’être flagrante sous la plume des historiens. Cette réflexion sur la conflictualité féminine nous a conduit à envisager plus en avant cette réalité sociale.
Mots clés : Histoire des femmes, histoire de la violence, histoire du droit d’Ancien Régime, sociabilité urbaine
Abstract
Are Women violent’ The answer to this simple question would seem a priori obvious, but in fact it is difficult to offer a convincing explanation. Statistics and data on female violence tend to reduce, minimize or disprove the idea that female violence might take place on a daily basis, suggesting rather that it is the exception, or at the very least an abnormal occurrence. Apparently, women are inherently less violent than men. But what is the basis for such a premise? In order to answer this question, we have studied the records of the Seneschal of Marseilles’ court. These judicial archives allow us to understand the forms, opportunities and experience of everyday violence that women faced. Setting aside the idea that this was a minor and irregular phenomenon, these sources provide evidence of violence in the everyday life of Marseilles’ inhabitants and attribute to each sex their proper place in this behavior, while enabling a nuanced analysis of the idea that women were less inclined to violence and providing insight into the forms and manifestations of such violence. Women, both actresses and victims of these practices, were key players within the society in their ability to enter, shape and partially control their neighbourhood. By studying cases presented to the courts by women, it is possible to adopt the judge’s perspective, with its insight and imperfections, of daily life of a major city under the Old Regime: Marseilles. Violence was a social dynamic process in which women were actively involved, whether as victims or aggressors. By comparing analytical tools and approaches of sources, it is possible to study both the working and the elite classes. The French Revolution as a period of great dissatisfaction and of great innovations, revealed, but also exacerbated, female violence, which was considered to be extraordinary, or even a hapax legomena. Yet this violence was far from exceptional and in fact served as an indicator of an important social reality that is not obvious to historians. Reflection on conflicts involving women has led us to extend our awareness of this social reality.
Key words : History of women, history of violence, History of Old Regime, urban sociability