En 2007, dans le cadre de la mise en place d’un événement qu’il a intitulé « Institut sur le genre » consacré à l’élite féminine africaine, le CODESRIA dressait le constat de données et travaux lacunaires relatifs à la question de cette catégorie dans l’espace africain. Aujourd’hui, un examen plus attentif de la littérature permet de nuancer ce constat. On observe en effet, l’émergence depuis le milieu des années 2000 d’un corpus relativement important de travaux analysant la manière dont les femmes accèdent à un statut social élevé et s’y maintiennent en Afrique et ailleurs. Ces travaux portent tant sur les femmes insérées selon différentes modalités, au sein de l’élite dirigeante (dans les espaces politiques et/ou économiques), que sur leur accès à des positions sociales valorisées dans les milieux associatifs, du travail, du sport, etc. Si, la pluralité des champs disciplinaires et des domaines sociaux analysés témoigne de la vivacité de ces questionnements, elle confirme également le caractère hétérogène et polysémique de la notion d’ « élite(s) ».
En effet, employée au singulier ou au pluriel dans les recherches, elle rend compte de réalités historiques et socio-politiques diverses. Les travaux qui s’y réfèrent mettent alors à jour, un objet difficile à saisir, du fait de contours flous. Toutefois, ce concept comporte une capacité heuristique importante. Etroitement corrélée aux notions de pouvoir, privilège, prestige, influence, excellence, autorité, réussite, etc., il est opératoire pour rendre compte des mécanismes de stratifications sociales, politiques et économiques, qui traversent les sociétés. Il suppose toujours l’appartenance à une minorité valorisée, et donc l’accès à une position sociale convoitée ou critiquée.
Penser l’existence des élites féminines dans l’espace francophone revêt alors une résonnance particulière. Si le français est diffusé et valorisé en France au tournant des XVII-XVIIIe grâce aux « salons » principalement tenus par des femmes, il a été ensuite utilisé, par les institutions coloniales comme un outil d’assimilation, mais également de distinction parmi les populations colonisées. C’est ce que montrent les travaux sur l’élite intellectuelle et politique féminine africaine des années 1950-1960, à l’instar de ceux de Pascale Barthélémy. Mais des décennies après les indépendances, cette situation estelle encore une réalité probante ? Par ailleurs, si l’espace francophone auquel nous nous référons, correspond à l’espace géopolitique composé des pays membres et observateurs de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ayant le français en partage, il est surtout caractérisé par des réalités sociolinguistiques hétérogènes. Alors qu’en France hexagonale, le français est la langue officielle exclusive, dans d’autres pays (Canada, Cameroun, Sénégal, etc.), il cohabite avec une/d’autres langues officielles et nationales. Enfin, dans certains pays, à l’instar de l’Arménie, les autorités s’efforcent de renforcer le rôle du français, sa pratique relève plutôt d’un symbole. En somme, l’usage de la langue française n’est pas homogène dans l’espace francophone. De manière générale, le français interagit avec les autres langues dans le sens d’un enrichissement mutuel et/ou d’une concurrence entre elles.
Penser l’élite féminine dans ce contexte multilingue revient alors à interroger en même temps l’importance de la langue française dans la formation des élites féminines, ainsi que le rapport que les populations entretiennent avec elle, dans un espace où la promotion de la diversité culturelle et linguistique est valorisée.
Souhaitant prolonger la démarche engagée à Bucarest lors de la 2e Conférence des femmes de la Francophonie (1er et 2 novembre 2017), notre colloque, tout comme les actes qui suivront, ont pour ambition de rendre compte des mécanismes complexes qui régissent les processus de stratifications sociales, en articulant trois dimensions analytiques qui relèvent à la fois de la Francophonie, du genre et du fait élitaire. L’enjeu est de rendre visible de la manière la plus empirique possible, les différentes manifestations de ce fait social dans des espaces sociaux (associatif, religieux, politique, économique, littéraire, etc.) où les femmes évoluent. Il est alors question de mettre en exergue les points de convergences, les variations et reconfigurations socio-historiques et politiques, ainsi que les lignes de fracture éventuelles dans l’espace francophone.
En abordant la problématique de l’élite sous le double angle du genre et des enjeux géopolitiques et culturels francophones, notre démarche se situe au croisement de plusieurs champs disciplinaires des sciences humaines et sociales (sociologie, psychologie sociale, histoire, gestion-économie, science politique, droit, art et lettres, etc.). Quatre axes sont ainsi proposés :
1. L’état des lieux, définition et enjeux socio-politiques des élites féminines dans l’espace francophone ;
2. L’impact des élites féminines dans le maintien ou la transformation des valeurs sociales et des rapports de pouvoir ;
3. Le rôle de la langue comme outil/contrainte dans l’accès des femmes aux positions de leadership et de pouvoir ;
4. L’élite féminine transnationale dans l’espace francophone (ou l’impact des circulations transnationales sur le fait élitaire féminin).
Les propositions de communication complètes qui doivent comprendre entre 8 000 et 9 000 mots avec un résumé de 500 mots devront être envoyées, le 30 avril 2018 au plus tard, à l’adresse de courriel suivante : rif@univ-lyon3.fr (en mettant dans l’objet : proposition colloque EFF2018). Exceptionnellement, nous accepterons aussi des communications sous forme de résumé long comprenant au moins 3 000 mots. Les règles de rédaction sont celles de la Revue internationale des francophonies (RIF): http://rifrancophonies.com/index.php?id=464
Les résultats seront communiqués aux auteur.e.s au fur et à mesure jusqu’au 15 juin 2018.
Les communications finales des propositions retenues par le Comité scientifique devront nous être envoyées avant le 15 juillet 2018.
Le colloque « Les élites féminines dans l’espace francophone » se tiendra à l’Université française en Arménie (UFAR) au mois de septembre 2018 à une date qui sera communiquée ultérieurement. Il s’inscrit dans les activités en l’honneur du XVIIe Sommet de la Francophonie qui se tiendra à Erevan (Arménie) les 11 et 12 octobre en 2018.
L’acceptation au colloque ne vaut pas l’acceptation à une publication dans la Revue internationale des Francophonies. Chaque auteur souhaitant soumettre son texte au processus d’évaluation de la Revue, devra l’envoyer à son Comité de rédaction à l’adresse suivante : rif@univ-lyon3.fr en date du 1er mars 2019. Les évaluations seront ensuite envoyées aux auteurs à partir du 1er juillet 2019. Les textes finaux prévus pour être publiés dans le numéro de fin d’année 2019 devront être réceptionnés en octobre 2019.
Comité d’organisation : Trang Phan-Labays (2IF- Université Jean Moulin Lyon 3), Rose Ndengue (CESSMA- Université Paris Diderot)
Comité scientifique :
1. Cardinal Linda, Professeure et titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques, Université d’Ottawa. 2. Cormier Monique, Professeure au Département de linguistique et de traduction, Université de Montréal. 3. Diffo Justine, Professeure de droit, Université Yaoundé II, Coordonnatrice pour l’Afrique centrale du Réseau de la Francophonie pour l’égalité Femme – Homme 4. Garro Olivier, Professeur des Universités, Directeur de l’Institut international pour la Francophonie (2IF), Université Jean Moulin Lyon 3. 5. Muñoz-Cabrera Patricia, Post-doctorante en sociologie et chercheuse associée au Département de sociologie, Faculté de philosophie, lettres et sciences humaines- FFLCH, Université de Sao Paulo, São Paulo, Brésil 6. Ndengue Rose, Chercheure au CESSMA, Université Paris Diderot. 7. Payaud Marielle, Professeure des Universités en sciences de gestion, Institut international pour la Francophonie (2IF), Université Jean Moulin Lyon 3. 8. Phan-Labays T. H. Trang, Maître de conférences d’histoire contemporaine, Directrice adjointe chargée des formations, Institut international pour la Francophonie (2IF), Université Jean Moulin Lyon 3. 9. Seguin Eve, Professeure au Département de science politique, Faculté de science politique et de droit, Université du Québec à Montréal (UQAM) 10. Sow Fatou, Sociologue, CNRS 11. Teebaa Ouidad, Professeure des Universités à la Faculté des lettres et des sciences sociales et humaines, Université Cadi Ayyad de Marrakech 12. Yilancioglu Seza, Professeure au Département de linguistique comparée et langues étrangères appliquées, l’Université Galatasaray d’Istanbul
Bibliographie indicative :
Pascale Barthélémy, Africaines et diplômées à l’époque coloniale (1918-1957), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010, 345 p.
Adeline de Boisbrunet Ludovic, Les femmes dans la magistrature depuis 1946, Thèse de droit, Université Panthéon-Assas Paris 2, 2002.
Batlle Annie et Batlle-Nelson Sandra. Le bal des dirigeantes : comment elles transforment le pouvoir, Eyrolles, 2006.
Ben Mohamed Nadia, Femmes d’origine étrangère dans l’espace public : dirigeantes d’associations et élues politiques à Bruxelles, Academia-Bruylant, 2006.
Berriane Yasmine, « La féminisation des associations locales au Maroc: vers une reconfiguration des rapports de pouvoir? » Thèse de science politique, Institut d’études politiques de Paris, 2011.
Clair Isabelle, Sociologie du genre, Armand Colin, 2015.
Collectif Les amis de Sèvres, Le sexe des élites, Imprimerie du CRDP d’Amiens, 1987.
Deffrennes Marine, Elles ont réussi dans le Digital. Succes stories à l’usage des hommes aussi !, Kawa, 2014.
Diffo Tchunkam, Justine (Dir.), Genre, Leadership et participation politique au Cameroun (1931-2013), Editions Colorix, 2014 ; disponible sur : www.morewomeninpolitics.org
Eyoman Aline Grâce, Pouvoir et pratiques associatives en milieu urbain : étude socioethnographique des regroupements de femmes comme espace d’accumulation et de construction du pouvoir, Thèse de sociologie, 2014.
Feisthammel Daniel, Le management par les femmes : une autre culture de la réussite et de l’autorité, Lignes de Repères, 2017.
« Femmes dirigeantes », Travail, genre et sociétés, vol.1, n° 35, 2016.
Genieys William, Sociologie politique des élites. Paris, Armand Colin, 2011.
Guionnet Christine, et Neveu Erik, Féminins / Masculins: Sociologie du genre, Paris, Armand Colin, 2009.
Goheneix Alice, « Les élites africaines et la langue française : une appropriation controversée », Documents pour l’histoire du français langue étrangère et seconde, juindécembre 2008, no 40/41, 2008, p. 133‑50.
Heinich Nathalie, « Retour sur la notion d’élite », Cahiers internationaux de sociologie, vol.2, n°117, 2004, 313-26.
Kindulu Joseph-Roger Mazanza. Les femmes dans l’espace décisionnel congolais, L’Harmattan, 2015.
Leferme-Falguières Frédérique et Vanessa Van Renterghem, « Le concept d’élites ». Hypothèses, vol.1, n°4, 2001.
L’élite africaine féminine : origines, idéologies. Bibliographie, CODESRIA, Centre de documentation et d’information du CODESRIA (CODICE), Juin 2007.
« Les patronnes », Travail, genre et sociétés, vol. 1, n°13, 2005.
Lesourd Céline, « Au bonheur des dames » : femmes d’affaires mauritaniennes de nos jours, Thèse d’Ethnologie et d’Anthropologie sociale, EHESS, Paris, 2006.
Malli Nisrin, La parole politique des femmes dans la seconde moitié du XXe siècle (France – Moyen- Orient) : une étude comparative de deux corpus arabe et français, Thèse de littérature générale et comparée, Université Paris 8, 2011.
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Wagner Anne-Catherine, Les nouvelles élites de la mondialisation, P.U.F, 2014.