Donner voix à la communauté : pour une relecture des concepts de genre et de race dans la littérature française et francophone
Warwick, RU (4 f?vrier 2012)

Journée d’étude financée par le HRC (Humanities Research Centre) de l’Université de Warwick
Ce colloque, qui aura lieu le samedi 4 février 2012 à l’Université de Warwick, souhaite offrir une relecture du concept de communauté dans les littératures française et francophone allant du médiéval à l’extrême contemporain, en articulant les concepts problématiques de race et / ou de genre à la notion de voix textuelle.
Nous sommes par ailleurs heureuses d’annoncer la participation de l’écrivaine et essayiste française Joy Sorman et de Dr Sophie Marnette (Balliol College, Oxford).
Lors de cette journée d’étude, c’est aux textes eux-mêmes que l’on aimerait poser cette fameuse question, idéologiquement associée à mai 1968 et aux années 1970 mais dont l’actualité et la pertinence ne s’est jamais démentie : « D’où tu parles’ » Si le ton semble accusateur, l’expression souligne néanmoins que le lieu (au sens propre comme au sens figuré) de l’énonciation joue bien souvent un rôle décisif dans la portée du discours, puisque représenter le collectif à travers le langage c’est justement, dans une large mesure, le constituer. Benedict Anderson a notamment montré à travers l’exemple du nationalisme dans Imagined Communities (titre de la traduction française : L’Imaginaire national) que la communauté était avant tout affaire de représentations. Parce que ses membres ne se rencontrent pas nécessairement, parce qu’ils appartiennent à des horizons variés, ils s’imaginent des repères communs, inventent leur communion. De ce fait, ? (l)es communautés se distinguent, non par leur fausseté ou leur authenticité, mais par le style dans lequel elles sont imaginées ? (p. 20). Judith Butler le montrait alors pour les communautés de genre et de sexe : si ces catégories sont forcément artificielles parce que socialement construites, ses supposés membres peuvent certes user de leur pouvoir performatif pour les renforcer, mais également pour s’en défaire, individuellement ou collectivement.
Cette approche de la constitution de l’imaginaire communautaire par le discours permet alors de repenser les divergences théoriques récentes et actuelles autour des concepts de genre et de race, entre un contexte anglo-américain favorisant des approches telles que celles des women’s writing ou des black writing, et un contexte français qui semble souvent réticent à ces démarcations, comme il l’est d’ailleurs au terme même de « communauté », si ce n’est pour en dénoncer les aspects négatifs (comme à travers les connotations péjoratives véhiculées par le « communautarisme « ou le » repli communautaire »). La voix littéraire joue en effet un rôle majeur vis-à-vis de ces enjeux représentationnels. D’un côté l’œuvre singulière met en scène des discours particuliers, et donne pour ainsi dire libre cours à son auteur ; mais de l’autre, parce que sa portée phénoménologique se fonde sur un imaginaire partagé, la voix d’un texte peut également être perçue comme l’écho d’une voix sinon communautaire, du moins collective. Ainsi, son étude attentive permet de repenser les traditionnels conflits (entre différentialisme et universalisme, entre identité et collectif) en soulignant la pertinence et les implications rhétoriques de la communauté en tant qu’objet textuel. D’où le choix d’une approche résolument stylistique : D’où parle le texte « C’est-à-dire comment et pourquoi le texte donne-t-il voix à la communauté ? A qui donne-t-il la parole quand il représente le genre, l’ethnie, la race » Quelles stratégies met-il en place pour justifier sa légitimité à donner voix à de telles catégories « Comment permet-il, enfin, de sonder à travers l’entrelacs de ses voix le processus complexe de constitution de l’imaginaire communautaire »
Bien que cette liste ne soit en aucun cas exhaustive, les thèmes abordés pourraient dès lors inclure :
– La notion d’écriture communautaire (ainsi que ses possibles traductions : black writing / women’s writing / gay and lesbian writing / spiritual writing) et la constitution littéraire d’un imaginaire de la communauté
– La spécificité ou la portée transhistorique des notions de genre et de race
– Les formes et les enjeux de la représentation raciale, ethnique et genrée
– L’étude des diverses voix du texte : voix narrative, polyphonie, stéréotypes, usage du discours direct / indirect, performativité, etc.
– La répartition, la place et l’importance des locuteurs dans le texte
– La voix de l’auteur(e) au sein et au-delà du texte
– La tension entre individuel et collectif au sein du discours
– La question de la représentativité
– La cohérence et la conscience communautaire
– La représentation de l’altérité
– La constitution littéraire du discours militant et / ou idéologique (par exemple à travers le substrat racial ou raciste des textes de croisades ou la portée féministe d’une fiction)
Les communications auront une durée de vingt minutes. Les propositions (300 mots), en français ou en anglais, ainsi qu’une brève bio-bibliographie, sont à envoyer avant le 15 octobre 2011 aux organisatrices : Victoria Turner (V.C.Turner@warwick.ac.uk) et Virginie Sauzon (V.Sauzon@warwick.ac.uk).