Colloque international(projet ALFRES soutenu par le Conseil Régional d’Aquitaine)
Laboratoire CEMMC- EA 2958
13-14-15 novembre 2014
en partenariat avec
le Centre Roland Mousnier de l’Université Paris-Sorbonnele CSIPM de l’Universidad Autónoma de Madrid
la Société des Sciences, Lettres et Arts de Bayonne
En 1700, le duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, fut désigné comme le successeur du roi d’Espagne. Il prit ainsi la route vers Madrid en février 1701 afin de rejoindre ses nouveaux royaumes. Ce voyage qui le conduisit vers la frontière franco-espagnole des Pyrénées ne constituait pas une nouveauté. Les différentes unions entre les princes français et espagnols au cours des xvie et xviie siècles ont contribué à faire de l’ancienne Aquitaine une voie et un espace naturel d’échange entre les deux pays. Si ces voyages princiers méritent à eux seuls d’être analysés dans leur dimension locale, c’est-à-dire comment ils furent vécus et interprétés par les sociétés d’alors, ils invitent également à s’interroger plus largement sur les transferts culturels, politiques et sociaux, auxquels ils ont donné lieu.
Ces unions matrimoniales offraient, par exemple, l’occasion d’introduire des nouveautés, des usages culturels et des pratiques sociales d’un autre pays. Dans le cas du duc d’Anjou, devenu Philippe V en 1700, il a longtemps été admis que son règne jusqu’au milieu du xviiie siècle fut marqué par de nombreuses innovations politiques, administratives et culturelles. Si cette conception a pu être largement nuancée par l’apport des historiens espagnols et français, cette analyse mérite aujourd’hui d’être poursuivie. En effet, il apparaît opportun de diffuser les acquis d’une recherche dont les interrogations demeurent nombreuses. Il serait ainsi pertinent de s’interroger au cours de ce colloque sur les relations entre la France et l’Espagne de la première moitié du xviiie siècle et sur les conséquences à long terme de l’avènement de Philippe V à la couronne d’Espagne. On peut suggérer plusieurs axes de recherche.
1- Clientèles et lignages
Le premier consiste à enquêter sur les entourages encore méconnus de Philippe V, de ses épouses et de ses fils. Au delà du seul personnel politique, aujourd’hui bien connu, on peut s’interroger sur les pratiques et les usages courtisans qui ont pu être modifiés ou sur les changements qui ont affecté les clientèles des hommes et des femmes de pouvoir. Le changement dynastique a été également mis à profit par plusieurs familles situées dans les zones frontalières. Ainsi, une adaptation des stratégies familiales au nouveau contexte a déjà été souligné dans les Pays-Bas espagnols. Des lignages se sont adaptés au bouleversement des relations franco-espagnoles en profitant des nouveaux liens qui unissaient désormais les monarchies françaises et espagnoles. Plusieurs mariages unissant des familles des Pays-Bas espagnols et du royaume de France illustrent ainsi une volonté de rapprochement ou de saisir l’opportunité du changement dynastique(1). Ce questionnement mériterait d’être poursuivi et comparé aux cas des familles installées de part et d’autre des Pyrénées. En d’autres termes, il s’agit de rechercher les effets et les conséquences de l’installation du duc d’Anjou sur le trône espagnol pour les sociétés française et espagnole.
2- Femmes françaises, femmes espagnoles dans l’entourage de Philippe V
Le début du règne de Philippe V s’accompagne de la mise à l’écart suivi de l’exil en France, à Bayonne, de la veuve de Charles II de Habsbourg, Marie-Anne de Neubourg, où elle vécut plus de vingt ans et reconstitua, selon certains témoignages, une petite cour très active. La vie que mena la reine douairière en Aquitaine, les voyages qu’elle y effectua, notamment à Pau pour y rencontrer Elisabeth Farnèse en 1714, méritent d’être réexaminés en profondeur, à partir des archives locales, en collaboration avec la très active Société des sciences, lettres et arts de Bayonne.
La place de la princesse des Ursins, camarera mayor de la reine d’Espagne, Marie Louise de Savoie, dans l’intimité du couple royal entre 1701 et 1714 mais également dans les relations entre les cours française et espagnole, en fait la figure la plus connue de l’entourage féminin d’origine française de Philippe V. Son rôle est éclairé par l’édition récente de la correspondance croisée entre la princesse et son amie Mme de Maintenon, établie par Marcel Loyau, mais limitée à l’année 1709(2). Au-delà de cette figure emblématique, il conviendrait de d’intéresser aux autres femmes qui gravitent dans l’entourage du souverain, qu’elles soient françaises, dans la première partie du règne, espagnoles, ou bien même italiennes -à des fins de comparaisons-, après le remariage du monarque avec Elisabeth Farnèse en 1714. L’objectif étant d’abord de réfléchir à la nature de l’influence de ces femmes, mais également aux réseaux dans lesquelles elles s’insèrent sans oublier de les replacer dans l’optique d’un rôle transfrontalier dans un processus de construction, dès le XVIIIe siècle, d’un espace européen à l’instar d’un colloque récent(3).
3- Échanges culturels entre France et Espagne
Si les changements dans l’exercice et l’organisation du pouvoir monarchique résultant de l’arrivée des Bourbons sur le trône espagnol ont été amplement étudiés par les historiens, les transferts culturels entre les deux royaumes, entre les deux cours en particulier, doivent être repris de manière plus systématique. Si le palais de La Granja est toujours cité comme l’une des copies du modèle versaillais, il convient de revenir sur les goûts « français » du roi que ce soit en matière d’architecture, de peinture, de sculpture, de musique (opéra français, musique de chambre), sur les institutions culturelles d’inspiration française que sont les Académies royales fondées par Philippe V mais aussi sur l’étiquette de la cour et la pratique de la langue. Il conviendra d’élargir le regard sur l’influence française au-delà des beaux-arts, en direction de la littérature et du théâtre, de la danse, de la mode, de l’alimentation et des arts de la table mais aussi de l’éducation. Sur ce dernier point, pourraient être examinées les influences de l’éducation reçue par le duc d’Anjou à la cour de France sur les choix faits pour ses propres enfants. On ne saurait cependant raisonner uniquement en termes d’influences, de modèles qui, dans ces différents domaines, ont pu être copiés, il faut aussi examiner les adaptations aux usages, aux habitudes, mais aussi aux goûts et aux réalités socio-politiques de l’Espagne afin de déceler les formes d’hybridations culturelles entre les deux espaces curiaux, voire les deux sociétés vivant de part et d’autre des Pyrénnées.
Comité d’organisation
Guillaume Hanotin, maître de conférences en histoire moderne, Université Bordeaux-Montaigne
Dominique Picco, maîtresse de conférences en histoire moderne, Université Bordeaux-Montaigne
Comité scientifique :
Marie-Bernadette Dufourcet-Hakim, professeur de musicologie, Université Bordeaux-Montaigne
Alain Hugon, Université de Caen
Philippe Loupès, professeur d’histoire moderne, Université Bordeaux-Montaigne
Mar?a de Los Angeles Pérez Samper, Universitat de Barcelona
Géraud Poumarède, professeur d’histoire moderne Université Bordeaux-Montaigne
Josette Pontet, professeur d’histoire moderne, Université Bordeaux-Montaigne
Les propostions de communication (3000 signes maximun, espace compris) sont à renvoyer avant le 1er mai 2014 aux organisateurs guillaume.hanotin@u-bordeaux3.frET dominique.picco@u-bordeaux3.fr. Elles doivent être accompagnées d’une bio-bibliographie de l’auteur(e). Les réponses seront données vers le 15 mai.
(1) Thomas Glesener, La garde du Roi : pouvoirs, élites et nations dans la monarchie hispanique (1700-1823), thèse de doctorat sous la direction de Michel Bertrand et Franz Bierlaire, Université de Toulouse-Le Mirail, 2007, 2 vols., t. I, p. 60-61.(2) Madame de Maintenon et la princesse des Ursins, Correspondance, 1709 une année tragique, éd. M. Loyau, Paris, Mercure de France, 2002. Voir également Lettres de Madame de Maintenon, vol. III, IV et V, Paris, Honoré Champion, 2011 et 2013
(3) Guyonne Leduc, sous la dir. de, préface de Suzan Van Dijk, Rôles transfrontaliers joués par les femmes dans la construction de L’Europe, Paris, L’Harmattan 2012.