Colloque pluridisciplinaire de jeunes chercheurs sur les rapports entre corps et sacré dans l’histoire et aujourd’hui
Entre Ciel et Terre, religions, prophéties et révélations traversent les corps ; le langage du sacré passant aussi bienpar le verbe que par la chair. Pour certains, dieux, esprits et divinités investissent les corps mortels pour délivrer leurmessage; tandis que les sociétés humaines expriment et impriment leurs croyances à la surface des corps, ceux-ci sefaisant ainsi interfaces entre le monde sensible et la sphère d’un « tout autre ».
Par-delà la diversité des cultures et des traditions, la référence au sacré est porteuse d’une sémantique spatialepersistante qui accentue tantôt l’idée d’unité et d’intégrité, tantôt celle de discontinuité et de rupture. Si le sacrédésigne ce qui est digne d’un respect absolu, parce que séparé et pur, toutes les langues envisagent la possibilitéd’une transgression de ces limites. Par exemple, l’hébreu désigne cet acte sous le terme lehalel, ? profaner ?, quisignifie littéralement ? rompre l’enclos ?, ouvrir un trou dans l’espace. En arabe, harâm peut signifier ? l’interdit ?,? l’illicite ? mais aussi l’objet ou le lieu de sacralité qui ne doit souffrir aucun viol. L’ambiguïté intrinsèque de cesnotions renvoie au corps, territoire à la fois pénétrable et opaque, qui appelle le respect tout en risquant de provoquerla souillure.
Alors que la croyance en Dieu et l’influence des religions dans la res publica sont globalement en recul dans lessociétés dites modernes, il pourrait sembler étrange de s’interroger aujourd’hui sur les rapports mutuels du corps et du
sacré. Dans le contexte de sécularisation avancée des sociétés occidentales, on assiste en effet à un rétrécissementcontinu du champ religieux, ainsi qu’à une perte progressive mais régulière du pouvoir normatif des institutionsreligieuses sur le corps individuel comme sur le corps social dans son ensemble. Si donc par ? sacré ?, on entend lapuissance transcendante de la divinité et par ? religion ? l’administration même du sacré, le corps de l’hommecontemporain peut-il encore faire l’objet d’un tel investissement ?
Si la religion tend effectivement à devenir une affaire de croyance à la fois personnelle et optionnelle, on constatecependant un attrait grandissant pour de nouvelles formes de spiritualités qui placent le corps et les sens au coeur deleurs expériences du sacré et qui, loin de faire disparaître le religieux, en déplacent simplement les frontières, et entransforment les manifestations.
Aussi, dans un contexte de globalisation qui conduit à des sociétés pluriculturelles où se côtoient mouvements delaïcisation et tentations intégristes, c’est en majeure partie sur le plan du corps que la question de l’identité religieusese pose, tant au niveau individuel que collectif, politique que social, à travers des marqueurs identitaires notamment,des interdits alimentaires ou encore des représentations du divin. Ces interrogations convoquent aussi l’histoire quinous rappelle combien dans les périodes de mutation, de concurrence ou bien de coexistence religieuse, le corps futvecteur de différentiation et d’identité.
Enfin, la relation diachronique qui lie le corps au regard clinique ou politique semble être le lieu d’un possiblesurgissement du sacré. En effet, comme l’a montré Michel Foucault, le contrôle sur les individus ne s’effectue passeulement par la conscience ou au moyen de l’idéologie, mais aussi dans le corps et avec le corps. Le pouvoir les traverse et les enclot dans des dispositifs discursifs et légaux qui produisent de la sacralité : tabous, cadavresd’animaux, restes des défunts, procréation médicalement assistée, etc.
Au-delà du débat sur l’actualité de ces questions spécifiques, ce colloque se propose d’explorer le lienessentiel et protéiforme du corps au sacré, dans une perspective immédiate et historique.
? Le corps humain est-il aujourd’hui encore un lieu d’expression du sacré ?
? Comment le corps habite le sacré ? Comment le sacré habite le corps ?
? Comment le religieux fait-il éventuellement ? parler ? l’organisme et ses membres ?
? Quelles représentations du corps véhiculent les traditions religieuses ?
? Le religieux brime-t-il les corps, les clôture-t-il ou permet-il, au contraire, de les libérer en les soustrayant à seslimitations objectives et imaginaires ?
? Comment se jouent appartenance et mise en conformité, norme et orthopraxie du religieux dans le rapport aucorps ?
? Quels espaces et quelles utopies habitent la matière animée et consacrée ?
Pour répondre aux questions soulevées, trois axes de réflexion sont proposés :
Le corps comme médiateur :
Incorporation ou incarnation du divin ; corps sanctifié; corps consacré ; véhicule de chair ; possession ; danse ; transe ;pratique médiumnique ; spiritisme ; contact avec l’au-delà ; télépathie ; chamanisme ; vaudou ; dhikr.
Les disciplines du corps :
Pratique structurante, différenciatrice ou symbolique ; liturgie ; pouvoir ; pratique ascétique ; mutilation rituelle;technique (psycho) corporelle; technique d’élévation ; méditation ; jeûne ; mesure de confinement ; chasteté ;prescription alimentaire ; rite d’initiation ; talisman ; tatouage ; vêtement ; parure ; voile
Les géographies du corps :
Réappropriation territoriale du sacré dans l’espace imaginaire du corps ; corps visible et corps invisible ; corpsphysique et corps vécu ; corps pur et impur ; attitude « droite « et attitude » gauche »; chakras ; monade ; enveloppe ;double ; flux ; énergie ; aura ; humeur ; stigmate.
Mots-clefs :
Corps, âme, sacré, religions, religieux, transcendant, sécularisation, pouvoir, (ultra)modernité, politique, médecine,science, catholicisme, protestantisme, islam, judaïsme, bouddhisme, hindouisme, taoïsme, totémisme, animisme,
chamanisme, nouveaux mouvements religieux, ésotérisme, occultisme, véhicule, mort, interactionnisme symbolique,vêtement, nourriture, mystique, chasteté, sexualité, pudeur, pureté, morale, sens, passions, numineux, voix, foi,respiration, orthopraxie, culte, sens, kinesthésie.
Modalités de sélection des interventions:
La participation au colloque est ouverte à tous les doctorants et post doctorants en sciences des religions, sociologie,philosophie, sciences politiques, histoire, ethnologie, anthropologie, histoire de l’art, sciences de la vie, théologie.
Aucune restriction n’est posée quant à la délimitation géographique ou temporelle de l’objet d’étude.
Les propositions de communication doivent être rédigées en français et ne pas excéder 2000 signes (espacescompris, sans notes de bas de page, ni bibliographie).
Elles sont à adresser, avant le 10 décembre 2012, accompagnées d’un CV, à l’attention des organisateurs : MaryamBorghée, Lola Druilhe et Marc Lebranchu, à l’adresse suivante : GSRL2013@live.fr
Les notifications d’acceptation seront envoyées avant le 20 janvier 2013.