Le legs des pères et le lait des mères : Comment se raconte le genre dans la parenté du Moyen Âge au XXIe siècle
N?mes

Organisateurs
Isabelle Ortega, MCF Histoire, Université de Nîmes (isabelle.ortega@unimes.fr)
Marc-Jean Filaire, PRAG Lettres, Université de Nîmes (marc-jean.filaire@unimes.fr)

Argumentaire scientifique

Même si elle n’est pas le lieu unique de transmission des valeurs et des modèles culturels, la parenté constitue un espace privilégié pour la diffusion des représentations. Il y a plusieurs décennies, le structuralisme a placé la parenté au c’ur de la logique interne des sociétés, cependant si les liens de parenté sont universellement employés pour définir des relations sociales, chaque société les conçoit de différentes façons. Pierre Bourdieu dans Le Sens pratique qualifiait de « parenté pratique » le champ des relations sans cesse utilisées et réactivées pour de nouvelles utilisations, car il est vrai que la parenté ne consiste pas tant dans les rapports biologiques que dans la représentation qui en est donnée socialement. L’opposition entre le concept de parenté, longtemps utilisé par les seuls anthropologues et celui de famille appartenant au domaine des sociologues, ne doit plus constituer une division gênante. Ainsi la parenté assure-t-elle la transmission des représentations, notamment des rôles sociaux associés distinctement aux hommes et aux femmes. Être homme et être femme constituent deux manières d’être au monde, deux statuts complexes et distincts dans le cadre des activités sociales et des représentations collectives. Même si l’habitude et l’éducation semblent reconduire l’évidence des places de chaque sexe dans son groupe social et dans une conception binaire associée à l’ordre du monde, une telle vision de la dualité est une création culturelle transmise, reproduite et nuancée au fil des générations.

À travers ce titre, « le legs des pères et le lait des mères », il s’agit de revenir sur la part dévolue aux capitaux socio-économiques et aux liens biologiques dans le domaine de la parenté. En effet, si dans une conception archaïsante et clichéique, il semble que les pères transmettent des biens et les mères s’inscrivent dans un registre plus affectif, il est toutefois intéressant de rappeler que les situations réelles sont largement plus complexes : les femmes, par exemple, n’allaitent pas toutes et peuvent assurer la transmission de biens. Les lieux communs sont faits pour être bousculés et ce colloque doit être l’occasion d’étudier les contre-exemples.

Le propos est aussi d’aborder le fonctionnement et les implications de la transmission du genre au sein de la parenté, c’est-à-dire la reconduction des patrimoines, des valeurs et des représentations associés au sexe social par le biais de la succession généalogique. Tous les descendants, quels qu’ils soient, sont concernés, les enfants en premier lieu, mais pas seulement, car la parenté n’est pas toujours biologique et, si la filiation unit l’enfant à son père ou à sa mère, l’individu, en vertu du contexte de naissance et d’éducation, acquiert une identité sociale plus ou moins marquée du sceau de la masculinité et/ou de la féminité sous l’influence d’autres membres de la famille (lien avunculaire, régime patriarcal, entre autres). Il est donc nécessaire de dissocier le social du biologique et d’en étudier les interactions et les évolutions.

Toutefois, ce colloque n’apporterait que fort peu aux travaux actuels d’histoire, d’anthropologie, d’esthétique sur le genre s’il ne ciblait pas un champ d’investigation précis. Retenant l’intérêt intellectuel de la pluridisciplinarité, le projet présent « façonné au sein d’un département universitaire nîmois lui-même pluridisciplinaire » appelle une rencontre des espaces de recherche historique, littéraire et culturelle.

La dimension historique pose les bases d’une observation diachronique qui s’étend de l’ère médiévale à l’époque contemporaine et prend pour champ d’investigation le monde issu de la Chrétienté occidentale : la mouvance des frontières et les liens entre royaumes limitrophes ne permettent guère d’établir une zone géographique plus précise sans risquer d’occulter de précieux points de comparaison. La longue période retenue permet d’aborder les mutations structurelles de la parenté : de la primauté du lignage au Moyen Âge à l’individualité affirmée dans la famille nucléaire moderne ou encore la parenté recomposée contemporaine dans laquelle l’établissement du genre a connu des métamorphoses continues.

Formellement, c’est l’acte narratif qu’il importe d’interroger afin de ne pas se perdre dans le champ immense des réflexions contemporaines sur la famille et la filiation. Les communications devront questionner la transmission des images genrées dans le processus de narration et de fictionnalisation des modèles ancestraux à des fins d’exemplarité sociale. À travers l’étude des chroniques, des romans (historiques, biographiques…), des récits de voyage (réels ou fictifs), des journaux et des carnets de routes, des récits filmiques ou des documentaires, mais aussi des discours médiatiques (presse féminine, magazines pour la jeunesse) ou scientifiques (manuels scolaires, protocoles de la psychologie), il s’agira d’analyser les spécificités et les singularités de la gendérisation transmises de génération en génération. Seront aussi acceptées les interventions qui poseraient la problématique dans le cadre de l’image fixe, comme la bande dessinée ou l’iconographie des vitraux : de l’arbre de Jessé enluminé aux bandes du Fils d’Astérix, de la Chronique de Morée à la saga des Rougon-Macquart, de la mythification de la famille royale en voyage au film Dracula père et fils, la déclinaison des modes de récit offre de riches variations, qui témoignent de modalités changeantes dans la façon de fournir aux descendants les modèles genrés qui doivent leur servir à se construire une image personnelle d’homme ou de femme intégré(e) dans un univers social mais aussi à la communauté des supports de représentation référentielle.

Propositions de communications

Les propositions de communications doivent être adressées aux organisateurs par courrier électroniqueavant le 30 décembre 2012
Elles doivent être accompagnées d’un résumé d’une page, à défaut duquel il ne sera pas possible de les prendre en compte.
Le comité scientifique fera connaître le 30 janvier 2013 les contributions retenues.

Comité scientifique
Martin Aurell, professeur en histoire, université de Poitiers ;
Claudie Martin-Ulrich, maître de conférences en littérature française, université de Pau et des pays de l’Adour ;
Jean-Louis Meunier, docteur en littérature française, Nîmes ;
Marc-Jean Filaire, PRAG en Lettres modernes, université de Nîmes ;
Isabelle Ortega, maître de conférences en histoire, université de Nîmes.