Colloque pluridisciplinaire et international Université Charles de Gaulle – Lille 3 (16-18 juin 2011) organisé par la composante « Voix et voies de femmes » de l’Equipe d’Accueil CECILLE (EA 4074)
Ayant défini ce qu’il faut entendre par « construction de l’Europe » avant les années 1950, le but sera de tenter d’identifier les domaines où, par une influence transfrontalière (sur des femmes comme sur des hommes, sur des institutions, etc…), des femmes ont joué un rôle (plan intellectuel, culturel et artistique ainsi que politique et socio-économique) et de définir quels rôles elles ont joués.
Il importera de distinguer le rôle de celles qui, individuellement, ont produit et diffusé des idées démocratiques allant dans le sens de ce que Victor Hugo, dans sa lettre aux membres du Congrès de la paix à Lugano, appelle « la circulation sans la barrière, l’éducation sans l’abrutissement… la vie sans le meurtre…, la parole sans le baillon… » et celui de celles qui, appartenant aux très nombreux mouvements sociaux, mouvements féministes compris, ont partagé leurs idées et leurs forces lors de congrès, de colloques ou par le biais de correspondances innombrables.
Quelques pistes
I. Rôle individuel
1. Les traductrices d’une langue dans une autre ont joué un rôle important pour la diffusion des idées quoique bien souvent invisible (très actives en Russie et en Allemagne au XIXe siècles, par exemple). La traduction sera prise dans la double acception (celle qui existe en allemand) du terme, c’est-à-dire
a) le transfert d’un texte dans une autre langue
b) la transmission (fidélité? transgression’) d’un héritage culturel, d’une tradition, etc. Dans ce second cas, ce serait la possibilité par exemple, pour les historien(ne)s des idées, de travailler sur un corpus peu connu et peu exploité qui est celui de la réception et de la transmission d’un héritage philosophique par les femmes (au-delà de Hannah Arendt déjà bien étudiée comme penseur / philosophe)
2. Le rôle (direct ou indirect) des femmes dans la création : mécènes (dédicaces à des femmes mécènes, rôle de Marie de France dans la littérature anglo-normande), muses : cerner au plus près la définition qu’il faut donner à ce terme. La muse renvoie-t-elle obligatoirement à la voix ou la voie des femmes « Ou se peut-il que, certaines fois, nous n’ayons affaire qu’à la création masculine ? La femme « parle-t-elle » à travers le discours ou l’œuvre qu’elle inspire à l’homme, ou se peut-il qu’il n’y ait que construction ou fantasme masculin » Dans le domaines russe, les égéries sont nombreuses: les plus connues sont Lou-Andreas Salomé (journée sur son rôle, Lille 3, 9 octobre 2010), Olga Picasso, Dina Vierny, Gala Dali, Elsa Triolet et il y a peu ou pas de travaux universitaires sur elles.
3. Dialogues des cultures par œuvres interposées contemporaines (Nelly Sachs, Elsa Morante et Simone Weil) ou non (Belle van Zuylen, Mme de Staël’), avec des hommes comme avec des femmes (par exemple: « comment des œuvres se font écho dans un dialogue avec, par exemple, l’histoire du totalitarisme européen »), épistolarité (Mary Delany-Rousseau?).
4. Transmission de la culture:
a) rôle des femmes dans la promotion de l’enseignement des langues vivantes européennes, par opposition au latin, langue des clercs masculins.
b) les femmes au théâtre: les représentations des femmes au théâtre et le degré d’adéquation de ces représentations à la réalité; les femmes auteurs (ou traductrices) de pièces de théâtre, les femmes actrices, conséquence directe en Angleterre de l’exil de Charles II sur le Continent
c) leurs relations avec d’autres femmes et avec des hommes (par leur appartenance à des sociétés savantes et à des institutions/académies’)
d) travail de femmes biculturelles (Marina Warner [anglo-italienne], Michèle Roberts [anglo-française]?) sur des mythes féminins
5. Les voyageuses
Nombre de femmes notamment de lettres et de romancières ont voyagé dans toute l’Europe, le plus souvent accompagnées de leurs époux, et ont laissé des traces de leurs échanges avec les sociétés étrangères dans lesquelles elles séjournaient.
a) De ce point de vue, après l’originalité du voyage de Lady Mary Wortley Montagu et de ses Turkish Letters, le parcours de Mary Wollstonecraft qui, pour être exceptionnel, n’est sûrement pas unique et qui l’a conduite en Irlande, au Portugal, en France, en Suède, etc., pays sur lesquels et dans lesquels elle a écrit abondamment. La vie de Mary Shelley offre aussi un exemple très frappant. Beaucoup d’autres, dont les vies n’ont pas été analysées sous cet angle, ,pourraient faire l’objet d’une étude suffisamment précise pour que l’on puisse dégager des lignes d’influence entre visiteuses et populations autochtones.
b) Considérer des parcours plus aventureux, notamment celui des domestiques qui accompagnent leurs maîtresses dans ces séjours à l’étranger et qui se lient nécessairement avec la population locale.
c) Représentations de la femme victorienne à la conquête du Continent: Le Continent est plus accessible (progrès techniques [Londres-Paris en 12 heures par le train et le « steam-packet »]; développement des facilités bancaires et diplomatiques (Consular Act de 1825), l’amélioration de l’accueil hôtelier sur le Continent, développement du tourisme de masse, avènement des « Little Englands » sur sol étranger (dont la Côte d’Opale, lieu de refuge des amours illicites et, plus tard, l’internationale naturaliste), donc l’Europe devient une réalité plus tangible. L’esprit impérialiste puise dans les voyages transfrontaliers une deuxième vigueur. On s’interrogera sur la spécificité du voyage au féminin et sur la représentation artistique de la découverte de l’Autre, vu spécifiquement au féminin. Un aspect particulier serait du voyage au féminin serait le rôle du voyage de noces dans l’éveil d’une conscience transnationale. Les ,tensions et contradictions de l’époque seront examinées: clichés sur le
Grand Tour revisités, nouvelle vision de la mondanité: découverte de terres d’inspiration nouvelles sur le Continent (question de l’orientalisme dans le contexte post-darwinien).
Grand Tour revisités, nouvelle vision de la mondanité: découverte de terres d’inspiration nouvelles sur le Continent (question de l’orientalisme dans le contexte post-darwinien).
À la croisée de l’individuel et du collectif: le rôle des femmes dans le domaine politique de la construction européenne. On pourra partir de Marguerite de Valois (promise d’abord au roi Carlos du Portugal, puis au roi d’Espagne, elle connut les affres de la politique matrimoniale de sa mère Catherine de Médicis, qui voyait en sa fille le meilleur moyen d’une alliance transfrontalière). Elle alla dans le sud des Pays-Bas (Nord de la France et Belgique actuels) pour le compte de son frère cadet. L’analyse de cette position privilégiée dans la construction d’une Europe en devenir serait fructueuse. Au XXe siècle, parcours de telle ou telle ou rôle des femmes dans les instances communautaires: commissions, Conseil de l’Europe…
II. Rôle collectif
1. Politique:
a) L’un des lieux de transfert potentiel, peu exploré, c’est l’existence d’une composante internationaliste dans le féminisme de la fin XIXe-début XXe siècles (coopération entre les mouvements suffragistes européens avant 1914). Voir l’influence du premier congrès féminin pan-russe de 1908.
b) Échanges entre les milieux impérialistes féminins en Grande-Bretagne, en Belgique et en France
c) Coopération entre les sections féminines des grands partis britanniques et leurs homologues françaises, belges et allemandes, et ce pas uniquement dans le cadre des partis de gauche, mais entre les partis de droite européens.
d) Éléments de collaboration transfrontalière dans l’entre-deux-guerres entre les Women’s Institutes, la League of Nations Union et les mouvements féminins internationalistes et pacifistes du Continent.
2. Culturel:
a) Explorer l’effort de coopération, et donc d’échanges/transferts potentiels à l’occasion de la mobilisation des femmes dans desstructures associatives à caractère philanthropique et/ou eugéniste, en particulier dans le cadre d’une réflexion/comparaison à l’échelle européenne des politiques sociales destinées à améliorer les condition de vie des populations féminines et enfantines.
b) la coopération des organisations féminines à caractère religieux (l’Église anglicane est dotée de telles structures, mais les autres obédiences protestantes le sont également) et leurs homologues protestantes et/ou catholiques françaises (là aussi dans l’entre-deux guerres).
Ce colloque sera précédé ou suivi de journées d’études sur des thèmes spécifiques liés à sa thématique.
Les propositions de communication (400 mots maximum, accompagnées d’un bref CV) sont à envoyer par courrier électronique à Guyonne Leduc (guyonne.leduc@univ-lille3.fr) pour le 10 mars 2010.
Cette date précoce est due aux délais fixés pour l’examen des dossiers par l’EA CECILLE, par la MESHS et par le Conseil Régional du Nord Pas-de-Calais qui participent au financement des manifestations qui se déroulent à l’université de Lille 3.
Les propositions seront examinées de façon anonyme par un comité scientifique pluridisciplinaire qui rendra son avis en mai 2010. Une publication est envisagée dans la collection « Des idées et des femmes »(L’Harmattan); les tapuscrits seront soumis à un comité de lecture en vue de la publication.
Renseignements auprès de Guyonne Leduc, professeur à l’UFR Angellier, et de Jean-François Delcroix (jean-francois.delcroix@univ-lille3.fr ), responsable administratif de l’EA CECILLE