Marie-Thérèse Biancolelli
Notice de Marijn S. Kaplan, 2025
Marie Thérèse naît dans la rue Tiquetonne à Paris le premier juillet 1723, fille illégitime de Pierre François Biancolelli (1680-1734), surnommé Dominique, et de Marie Thérèse Lalande (1699-1738). Sa soeur Catherine Françoise naît en 1726. Leurs parents travaillent comme acteurs à la Comédie italienne. Mlle Biancolelli y débute en 1738 dans le rôle d’amoureuse (dans La Surprise de la Haine), un rôle qui devient sa spécialité en plus de celui de soubrette. Mlle Biancolelli et sa soeur deviennent orphelines la même année. Marie Thérèse, ayant vécu en concubinage avec plusieurs nobles, apparaît dans des rapports rédigés par le fameux inspecteur de police Jean-Baptiste Meusnier couvrant la période de 1738 à 1753. De ses amours naissent apparemment quatre enfants dont il ne reste aucune trace. Après la mort de son père, elle pourvoit aux besoins de la femme légitime de celui-ci, Jeanne Jacquette Tortoriti (née en 1682), elle aussi actrice à la Comédie italienne, qui est « insensée » et vit en tant que pensionnaire chez une veuve jusqu’à sa mort en 1754.
Vers le milieu des années 1750, Mlle Biancolelli commence à cohabiter avec Marie Jeanne Riccoboni (1713-1792), comédienne et future autrice de bestsellers ; les deux femmes jouent parfois dans la même pièce de la Comédie italienne. Mme Riccoboni est pensionnaire dans un appartement de la rue Poissonnière loué par Mlle Biancolelli. Les deux femmes prennent leur retraite du théâtre en 1761 et reçoivent une pension royale chacune de mille livres par an. Elles continuent à vivre ensemble jusqu’à la mort de Mme Riccoboni, déménageant au moins une fois (dans la même rue) mais ne quittant Paris que rarement et la France jamais. En 1771 après la mort de sa soeur et de son beau-frère, Mlle Biancolelli devient mère de substitution de ses nièces dont deux sont citées comme ses uniques héritières à sa mort en 1802.
Toute l’oeuvre de Mlle Biancolelli est produite en collaboration avec Mme Riccoboni. C’est ainsi que Mlle Biancolelli assiste son amie dans une traduction libre d’Amelia d’Henry Fielding en 1762 et l’encourage à la publier. Ensuite les deux femmes publient anonymement deux volumes du Nouveau théâtre anglois contenant la traduction française de cinq comédies anglaises. Mlle Biancolelli contribue à celle du Foundling, ou l’Enfant Trouvé (1747) d’Edward Moore (1768) et traduit The Jealous Wife (1761) et The Deuce is in him (1763) de George Colman pour le volume de 1769. Par ailleurs, en 1768 et encore en collaboration avec Mme Riccoboni, Mlle Biancolelli écrit le livret de Sophie, ou le mariage caché, une comédie traduite de Colman et David Garrick, un ami proche des deux femmes. Après la mort de Mme Riccoboni en 1792, Mlle Biancolelli, son exécutrice et unique héritière, envoie à Jean-François de La Harpe une nécrologie de son amie destinée à la publication. À son tour, cette nécrologie offre une description faite par Mme Riccoboni de Mlle Biancolelli, la femme qu’elle appelle « Mistress Perfection » et de leur relation. Mlle Biancolelli survit dix ans à son amie. Pendant cette époque, elle déménage à la Maison des Dames de Saint-Chaumont dans un ancien couvent rue Saint-Denis, où elle meurt le 14 juillet 1802 après une longue maladie. Un tiers de la valeur de son inventaire est composé de presque cinq cents ouvrages, y compris ceux hérités de Mme Riccoboni.
Œuvres théâtrales et livrets
- 1768 : (livret) Sophie, ou le mariage caché (comédie en trois actes), représentée pour la première fois par les Comédiens italiens ordinaires du roi, le 4 juin 1768, Paris, Bureau du Journal de musique rue Montmartre vis-à-vis celle des Vieux Augustins. (en collaboration avec Mme Riccoboni)
Œuvres
- 1768 (traduction) : Nouveau Théâtre Anglois, vol. 1 : The Foundling, ou l’Enfant Trouvé (comédie en 5 actes), Paris, Humblot. (paru anonymement, puis sous le nom de Mme Riccoboni)
- 1769 (traduction) : Nouveau Théâtre Anglois, vol. 2 : The Deuce is in him, ou il est possédé (comédie en 2 actes), Paris, Humblot. (paru anonymement, puis sous le seul nom de Mme Riccoboni)
- 1769 (traduction) : Nouveau Théâtre Anglois, vol. 2 : The Jealous Wife, ou La Femme Jalouse (comédie en 5 actes), Paris, Humblot. (paru anonymement, puis sous le seul nom de Mme Riccoboni)
- Archives nationales (Paris, France), MC/ET/XV/695, “Constitution, 22 juin 1751”.
- Archives nationales (Paris, France), Y4598B, “Interdiction Tortoriti Veuve Biancolelly dit Dominique, 26 avril 1742”.
- Archives nationales (Paris, France), MC/RE/LV/6, “Inventaire après décès de la Dlle Biancolelli, 10 Thermidor An X (29 juillet 1802)”.
- Archives nationales (Paris, France), MC/ET/XV/577 “Testament de Marie Thérèse Lalande, 22 avril 1734”.
- Archives nationales (Paris, France), “Testament de Marie Jeanne Riccoboni, 25 juillet 1782,” Étude XIII, liasse 474.
- La Harpe, Jean François de, “Madame Riccoboni. Sa mort. Notice sur sa vie,” Oeuvres de La Harpe, 16 vols, Paris, Verdière, 1821, vol. XV, p. 522-28.
- Mercure de France, “Surprise de la haine,” février 1738, p. 339-40.
- Meusnier, Jean, “La Demoiselle Biancolelli, dite Thérèse,” Manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal, Archives de la Bastille, Premiere section, Administration du lieutenant général de police, Bureaux de la lieutenance de police, 2e Bureau, Discipline des moeurs, Bulletins de police sur la vie privée des actrices, danseuses et cantatrices de Paris, Années 1749-1758, Ms. 10235.
- Campardon, Émile, Les Comédiens du roi de la troupe italienne pendant les deux derniers siècles, Documents inédits recueillis aux Archives Nationales, 2 vols, Genève, Slatkine Reprints, 1970, vol.1, p.70.
- Crosby, Emily, Une Romancière oubliée : Madame Riccoboni, Genève, Slatkine Reprints, 1970, p.39-43.
- Gueullette, Thomas-Simon, Notes et souvenirs sur le Théâtre Italien au XVIIIe siècle, Paris, Droz, 1938, p.39.
- Kaplan, Marijn S., « Marie Thérèse Biancolelli (1723-1802) : Partnering with Marie Jeanne Riccoboni », Women in French Studies, special issue 2025, p.245-255. https://ir-api.ua.edu/api/core/bitstreams/fabdaa33-b78e-4101-af64-72632d91580d/content
- Nicholls, James C., ed, Mme Riccoboni’s Letters to David Hume, David Garrick and Sir Robert Liston, 1764-1783, Studies on Voltaire and the Eighteenth Century CXLIX, Oxford, Voltaire Foundation, 1976.
- Riccoboni, Marie Jeanne, Oeuvres complettes, 8 vols, Paris, Volland, 1786.
- Sur son rôle d’amoureuse dans La Surprise de la Haine : « … le principal rôle de la pièce, qu’elle joua avec beaucoup d’intelligence ; on lui trouve beaucoup de disposition à devenir un très bon sujet », Compte rendu paru dans le Mercure de France en février 1738 ; elle est appelée Mlle Biancolelli “Dlle Lalande… fille de la Dlle Lalande” (339), selon une confusion avec sa mère, une erreur commune.
- Mlle Biancolleli vue par Mme Riccoboni : : « vivant depuis vingt-cinq ans avec une amie, dont l’esprit, l’égalité d’humeur, et le caractère aimable répandent un continuel agrément sur notre société je goûte un tranquille repos. Nous ne connaissons ni les querelles, ni l’ennui ; le mot non, est banni d’entre nous. Les mêmes principes nous guident et rendent naturellement nos volontés semblables. Ainsi une éternelle concorde règne dans notre petit ménage », La Harpe, Jean François de. “Madame Riccoboni. Sa mort. Notice sur sa vie.” Œuvres de La Harpe. 16 vols. Paris : Verdière, 1821. Vol XV, p. 528.
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Date de naissance1 juillet 1723
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Date de décès14 juillet 1802

