Marie-Jeanne Lemaignan

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Marie-Jeanne Lemaignan
Conjoint(s) Joseph-Grégoire Bureau
Dénomination(s) Mademoiselle Brillant
Biographie
Date de naissance Vers 1723
Date de décès 1767
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne
Dictionnaire Cesar, Calendrier Électronique des Spectacles sous l'Ancien Régime
Clément et Laporte, Anecdotes dramatiques, Paris, Veuve Duchesne, 1775, t.III, p.72


Notice de Jean-Philippe Van Aelbrouck, 2005

Née vers 1723 ou 1724, Marie-Jeanne Brillant, fille d'un vitrier de Paris, débute à la foire Saint-Germain de 1740 dans la Servante justifiée de Favart et Fagan. Elle rencontre à cette époque son futur compagnon, Joseph-Grégoire Bureau, hautboïste dans la troupe de l'Opéra-Comique, dont elle aura deux enfants (Marie et Louis, baptisés respectivement le 2 avril 1746 et le 15 mai 1747). Après la fermeture de l'Opéra-Comique en 1745, elle suit la troupe des armées du maréchal de Saxe dans les Pays-Bas où elle devient la maîtresse du comte de Loewendal. Elle séjourne par deux fois à Lyon, en 1746 et en 1747, dans la troupe dirigée par Jean Monnet.

À la signature de la paix, en 1748, les comédiens français regagnent Paris où Mlle Brillant continue d'être entretenue par le comte de Loewendal. Lorsque celui-ci met fin à leur liaison, privant la comédienne de ressources, Mlle Brillant retourne à Lyon, où Monnet se prépare à passer en Angleterre pour y établir sa troupe. Tous arrivent à Londres en septembre 1749, et Mlle Brillant se fait immédiatement remarquer par ses nombreuses liaisons. L'entreprise de Monnet court cependant à sa perte, et Mlle Brillant obtient, probablement par l'entremise du maréchal de Saxe, un début à la Comédie-Française fixé au 16 juillet 1750. Elle y tient le rôle de Lucinde dans L'Homme à bonnes fortunes de Baron et celui d'Agathe dans Les Folies amoureusesde Regnard. Grâce aux leçons de Mlle Dumesnil, elle est reçue en décembre de la même année. En 1751, elle renoue une liaison avec Lenoir de Monteau; son mari, las de ses infidélités, quitte le domicile conjugal, lui laissant la garde des enfants. En 1752, Mlle Brillant donne naissance à une fille, baptisée sous le nom de Bureau, mais dont le père est l'abbé d'Hérissaire. Après avoir quitté le théâtre en 1759, elle y reparaît une dernière fois le 8 avril 1766, dans Sémiramis.

Lemazurier suppose que, n'étant plus portée sur la liste des sociétaires pour 1768, elle décède en 1767. Toutefois, les auteurs des Anecdotes dramatiques, parues en 1775, indiquent qu'«il y a déjà plusieurs années qu'elle a quitté le Théâtre», laissant entendre qu'elle est toujours en vie à cette date.

Mlle Brillant n'a fait parler d'elle qu'à l'occasion de ses débuts. Ses contemporains ont alors retenu l'intelligence de son jeu, la sonorité intéressante de sa voix et son habileté dans les rôles comiques de jeunes premières à fort caractère. Les biographes du XIXe siècle, pourtant prolixes sur les actrices aux amours tumultueuses, ne se sont guère intéressés à elle (à qui les rapports de police de l'époque prêtent pourtant jusqu'à quatre amants à la fois), à l'exception des historiens du théâtre Lemazurier et Campardon. Aujourd'hui, son nom apparaît seulement dans quelques Histoires du théâtre consacrées aux comédiens et comédiennes du XVIIIe siècle.

Choix bibliographique

- Campardon, Émile, Les Spectacles de la Foire, Paris, Berger-Levrault, 1877, t.I, p.178-179.
- Chevrier, F.-A. de, Le Colporteur, Londres, Nourse, 1762, p.161-175.
- Collé, Charles, Journal historique, Paris, Imprimerie Bibliographique, 1807, t.I, p.248-249.
- Lemazurier, P.-D., Galerie historique des acteurs du Théâtre Français, Paris, Chaumerot, 1810, t.II, p.49-53.
- Piton, C., Paris sous Louis XV. Rapports des inspecteurs de police au Roi, Paris, Mercure de France, 1908-1914, t.IV, p.169-188.

Jugements

- «Mademoiselle Brillant, qui a joué la Comédie avec succès dans les Provinces, débuta Jeudi 16 Juillet sur le Théatre de la Comédie Françoise. Ses rôles de début ont été Lucinde dans l'Homme à bonnes fortunes; Agathe dans les Folies amoureuses; Celimene dans le Misantrope; Isabelle dans l'Ecole des Maris; Isabelle dans la Mere Coquette, &c. Le Public a jugé que cette Actrice avoit l'air noble, un son de voix intéressant, beaucoup d'usage du théatre & d'intelligence» (Mercure de France, septembre 1750).
- «Mlle Brillant, qui a longtemps joué l'opéra-comique en Flandre et à Lyon, débuta jeudi [16 juillet 1750] à la Comédie-Française. C'est une fille d'environ vingt-six ou vingt-sept ans, assez jolie quoiqu'elle louche, d'une taille dont il n'y a rien à dire. Elle a d'assez beaux bras, un son de voix intéressant, et beaucoup d'intelligence. C'est dommage qu'elle soit extrêmement maniérée et un peu froide. Le premier de ces défauts est d'autant plus insupportable qu'il ne lui donne aucune dignité, et le second d'autant plus sensible qu'elle le porte jusque dans les rôles où il faudrait le plus de chaleur. Cette actrice a choisi pour ses rôles de début celui de Lucinde dans l'Homme à bonnes fortunes, qui est peu de choses et qui est joué supérieurement par Mlle Gaussin. Elle y a été peu applaudie; en revanche, elle l'a été beaucoup dans les Folies amoureuses» (Grimm, Correspondance littéraire, philosophique et critique[juillet 1750], Paris, Garnier, 1877, t.I, p.452-453).
- «Cette fille a joué long-temps à l'Opéra comique, sur les théâtres de province, et notamment à l'armée du Maréchal de Saxe. Elle a contracté dans ces différentes troupes un air de garnison, indécent et même mal-honnête, dont elle se défera difficilement. Le rôle noble dont elle étoit chargée dans la première pièce [Lucinde], ne lui convenoit donc nullement; elle se tira un peu mieux de celui d'Agathe, dans les Folies amoureuses; cependant, en total, cela fait et fera toujours, à mon avis, une mauvaise comédienne. Un visage inanimé, des yeux un peu louches, point de feu, ou du moins une vivacité d'emprunt; par-ci par-là, des tons ignobles dans la voix et des manières indécentes; petite, sans taille, un peu d'habitude du théâtre pourtant, mais une médiocre intelligence, voilà le sujet qui néanmoins sera reçu, suivant toutes les apparences. On l'a applaudie des pieds et des mains; c'étoit une fureur, ou plutôt une manie. Elle a d'ailleurs la protection du Maréchal de Saxe, qui étoit à son début» (C. Collé, Journal historique[juillet 1750], Paris, Imprimerie Bibliographique, 1807, t.I, p.248-249).
- «La demoiselle Brillant, actrice de la Comédie-Française, demeure rue des Fossés-de-Monsieur-le-Prince, maison dite du riche Laboureur, où elle occupe tout le premier étage au-dessus des entresols, composé de dix croisées à balcons de face, et elle a, dit-on, pour 1.000 à 1.200 livres de loyer. On n'est point d'accord sur son extraction; les uns la disent fille d'un vitrier de la rue Saint-Martin, nommé Brillant; d'autres veulent que son père fût couvreur. Quoi qu'il en soit, elle est née à Paris, âgée d'environ vingt-huit ans, d'une taille médiocre. Elle n'a jamais été bien faite, étant trop carrée des épaules et trop épaisse des hanches. Ses cheveux sont du blond châtain; ses yeux à la Montmorency, le teint et les traits assez beaux» (C. Piton, Paris sous Louis XV. Rapports des inspecteurs de police au Roi[rapport du 23 octobre 1753], Paris, Mercure de France, 1908-1914, t.IV, p.179).
- «Je me souviens qu'étant très-malade, ayant Ariane à jouer, et craignant de ne pas suffire à la fatigue de ce rôle, j'avais fait mettre un fauteuil sur le théâtre pour m'en aider en cas de besoin. Les forces en effet me manquèrent au cinquième acte, en exprimant mon désespoir sur la fuite de Phèdre et de Thésée; je tombai dans le fauteuil, presque sans connaissance. L'intelligence de mademoiselle Brilland, qui jouait ma confidente, lui suggéra d'occuper la scène par le jeu de théâtre le plus intéressant: elle vint tomber à mes pieds, prit une de mes mains, qu'elle arrosa de larmes; ses paroles, lentement articulées, interrompues par des sanglots, me donnèrent le temps de me ranimer; ses regards, ses mouvemens me pénétrèrent, je me précipitai dans ses bras; et le public, en larmes, reconnut cette intelligence par les plus grands applaudissemens. Une actrice ordinaire eût répondu tout de suite, et la pièce n'eût point été achevée» (Mlle Clairon, Mémoires d'Hyppolite Clairon, et réflexions sur la déclamation théâtrale, Paris, Buisson, an VII [1798-99], 2e éd., p.270).

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