Marguerite d'Angoulême

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Marguerite d'Angoulême
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Titre(s) Duchesse d'Alençon
Reine de Navarre
Conjoint(s) Charles IV, duc d'Alençon/Henri II d'Albret, roi de Navarre
Dénomination(s) Marguerite de Navarre
Marguerite de France
Biographie
Date de naissance 1492
Date de décès 1549
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779)
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804)
Dictionnaire Hilarion de Coste (1647)
Dictionnaire Charles de Mouhy (1780)
Dictionnaire Philibert Riballier et Catherine Cosson (1779)


Notice de Régine Reynolds-Cornell, 2003.

Marguerite, fille de Charles d'Orléans comte d'Angoulême et de Louise de Savoie, naît à Angoulême le 11 avril 1492. Veuve dès 1496, Louise réside à partir de 1499 à Amboise et choisit pour ses enfants des maîtres ouverts aux idées nouvelles, comme François de Moulins et Robert Hureau. À sa requête, Jean Thénaud écrit pour eux le didactique Triomphe des Vertus. Le 2 décembre 1509, Marguerite est mariée à Charles IV, duc d'Alençon, dont elle n'aura pas d'enfant. En revanche, après l'accession au trône de son frère François Ier (1515) elle assume souvent à la Cour les fonctions de la reine Claude de France. Comme sa mère, elle est membre du Grand Conseil.

Dès 1517 elle s'intéresse aux idées d'Érasme et à la Réforme; on traduit pour elle les textes de Luther et de théologiens réformistes. En 1521 son directeur de conscience Lefèvre d'Étaples lui fait connaître Guillaume Briçonnet; les lettres qu'ils échangent pendant trois ans guident Marguerite dans un itinéraire spirituel dont elle ne s'écartera pas. Sous sa tutelle, le cercle de Meaux, qui propose une réforme du clergé et l'étude des Saintes Écritures, publie en français les premiers textes évangélistes écrits en France et outre-Rhin. Elle s'entoure de conseillers spirituels et de prédicateurs que la Faculté de Théologie de Paris considère hérétiques et blasphémateurs. Elle n'adhérera toutefois jamais ouvertement à la Réforme.

En l'absence du roi et surtout après la mort de Claude en 1524, Marguerite fait office de reine et de mère des enfants royaux. Profondément touchée par la mort de sa nièce Charlotte, elle compose le Dialogue en forme de vision nocturne. Veuve après le désastre de Pavie de 1525, elle va en Espagne négocier la libération de son frère, prisonnier de Charles Quint. Le 24 janvier 1527 elle se remarie avec Henri II d'Albret, roi de Navarre, dont elle aura une fille, Jeanne d'Albret, et un fils, Jean, qui ne vivra que quelques mois (1530). En 1529, Marguerite participe aux discussions du Traité de Cambrai négocié entre sa mère et Marguerite d'Autriche. Après la mort de Louise en 1531, Marguerite joue un plus grand rôle à la Cour. Elle publie anonymement le Miroir de l'âme pécheresse dont la seconde édition, qui porte son nom, est brièvement mise à l'index en 1533.

L'Affaire des Placards (1534) oblige toutefois le roi à durcir son attitude; Marguerite et son époux regagnent le Béarn où ils donnent refuge à des exilés. Elle écrit ses premières comédies bibliques et profanes, et ne rejoint la Cour qu'en novembre 1535, à Lyon. En 1538, à Aigues-Mortes, elle tente de négocier avec Charles Quint la récupération de la partie du royaume de Navarre qu'il détient, mais François Ier craint qu'elle n'arrange le mariage de sa fille avec l'Infant d'Espagne et interdit à Jeanne de quitter la France; la princesse est unie au duc de Clèves, contre le désir de Marguerite et celui de sa fille, le 19 juin 1541. Durant ces années elle écrit La Coche, de nombreux poèmes et le Triomphe de l'Agneau. Elle fait également traduire le Décameron par Le Maçon et commence son unique oeuvre en prose, l'Heptaméron. En 1545 elle obtient l'annulation du mariage de sa fille et rompt avec Calvin, qui critiquait ses conseillers spirituels. En 1547, elle publie à Lyon les Marguerites de la Marguerite des Princesses, un prudent florilège de ses oeuvres. S'acheminant vers la Cour où son frère l'a invitée, elle apprend sa mort et s'arrête à Tusson où elle écrit La Navire, une partie des Prisons et complète les Chansons Spirituelles.

En 1548, elle assiste au mariage de sa fille avec Antoine de Bourbon-Vendôme, imposé par le nouveau roi Henri II. Écartés du pouvoir, les souverains de Navarre rentrent dans leurs terres. Marguerite se retire à Odos où elle meurt le 21 décembre en l'absence de son époux, appelé à Paris. Elle est inhumée dans la cathédrale de Morlas, sépulture des rois de Navarre.

L'Heptaméron, publié après sa mort et regardé comme une oeuvre gauloise, a longtemps assuré la célébrité de Marguerite. Reconsidéré, ce texte a finalement permis de découvrir la pensée politique, sociale et religieuse de la reine telle qu'on la trouve dans le reste de son oeuvre. Les anecdotes scabreuses publiées jusqu'à la fin du XIXe siècle quant à sa vie privée sont tombées dans l'oubli, tout comme devrait l'être toute scène qui la montre perdue dans une extase mystique. Ni bête, ni ange, elle a offert à sa société un miroir souvent peu flatteur dans une oeuvre didactique et prosélytique dont l'importance a été trop longtemps sous-estimée.

Oeuvres

- 1524? : Dialogue en forme de vision nocturne, Alençon, S. Du Bois, 1533 -- Éd. Renja Salminem, Helsinki, Annales Academiae Scientiarum Fennicae, 1985.
- Avant 1528 : Petit oeuvre dévot et contemplatif, Éd. Parturier, Revue du XVIe siècle, 1905 -- Éd. Sckommodau, Margarete von Navarra, Petit Oeuvre dévot et Contemplatif, Francfort, Analecta Romanica, 1960.
- 1530 : Miroir de l'âme pécheresse, Alençon, S. Du Bois, 1531; l'édition Augereau, Paris 1533, mise à l'Index la même année, incorpore le VIe Pseaulme de David, translaté en Françoys selon l'Hebrieu, par Clément Marot, Valet de chambre du Roy, et «ex authoris recognitione» une Epistre familière de prier Dieu, aultre epistre familière d'aimer chrestiennement, item briefve doctrine pour deuement escripre selon la propriété du langaige françoys, suivies deL'Instruction et Foy d'un Chrestien, mise en François par Clément Marot, Valet de chambre du Roy -- Éd. R. Salminen, Helsinki, 1979.
- Avant 1531 : Le discord estant en l'homme par la contrariété de l'Esprit et de la Chair, et paix par vie spirituelle, in Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, 1547 (voir infra).
- Avant 1531 : Oraison de l'âme fidèle à son Seigneur Dieu, in Les Marguerites... (voir infra)
- Avant 1531 : Oraison à Nostre Seigneur Jesus-Christ du pecheur contrit et penitent, Impetrative de grace et remission pour ses delictz, une adaptation duSalve Regina au nom du Christ, in Les Marguerites... (voir infra).
- Après 1531 : Le triomphe de l'agneau, in Les Marguerites... (infra) -- Éd. H.P. Clive, Oeuvres Choisies de Marguerite de Navarre, Vol. I, New York, Appleton Century Croft, 1968.
- 1535-1547 : La nativité de Jésus-Christ, l'Adoration des trois roys, Les Innocents, la Comédie du désert, in Les Marguerites... (voir infra).
- 1535-1547 : Le Malade, l'Inquisiteur, Trop Prou Peu Moins, Comédie des quatre femmes, in Suyte des Marguerites de la Marguerite des Princesses, 1547 (voir infra).
- 1540?-1549 : L'Heptaméron. Publié sous le titre Histoire des Amants fortunez, éd. Pierre Boiastuau dit Launay, Paris, G. Gilles (et d'autres), 1558; puisL'Heptaméron des Nouvelles de tresillustre et tresexcellente Princesse Marguerite de Valois, Royne de Navarre, remis en son vray ordre, confus auparavant en sa première impression et dédié à très illustre et très vertueuse Princesse Jeanne de Foix, Royne de Navarre, éd. Claude Gruget, Paris, G. Gilles (et d'autres), 1559 -- Éd. Mathieu-Castellani, Paris, Classiques de Poche, 1999.
- 1541 : La Coche, in Suyte des Marguerites... (voir infra) -- Éd. R. Marichal, Genève, Droz, 1971.
- 1543 : Epistre envoyée au Roy par sa soeur unique la Royne de Navarre, Rouen, J. Lhomme.
- 1543 : La fable du faulx cuyder contenant l'histoire des nymphes de Dyane, transmuées en saules, par une notable dame de la court, envoyée à madame Marguerite fille unicque du Roy de France. A. Saulnier.
- Avant 1544 : Complainte pour un détenu prisonnier, 1547, in Les Marguerites... (voir infra).
- 1544 : Elegia de amore divino et humano ex Gallico Reginae Navarrorum, trad. par Simon Vallambert de La mort et résurrection de l'amour, Paris, C. Wechel.
- Avant 1547 : Chansons spirituelles, in Les Marguerites... (voir infra) -- Éd. G. Dottin, Genève, Droz, 1971.
- 1547 : La Navire ou Consolation du roi François Ier à sa soeur. Éd. R. Marichal, Champion, Paris, 1956.
- 1547 : Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, tresillustre royne de Navarre, [relié avec la] Suyte des Marguerites de la Marguerite des Princesses, tresillustre royne de Navarre, De Tournes, Lyon, 1547 -- Éd. F. Frank, Paris, Cabinet du Bibliophile, XVI, 1876 (reprint 1970).
Ces deux volumes comprennent: TOME1: [epitre en vers de] Marguerite de France, p.13-14, Miroir de l'ame pecheresse, p.15-70, Discord estant en l'homme p.71-77, Oraison de l'ame fidele p.77-135, Oraison a notre seigneur Jesus Christ p.135-147, Comedie de la nativité p.148-206, Comedie de l'adoration p.207-270, Comedie des innocents p.271-315, Comedie du desert p.316-380, Triomphe de l'agneau p.381-443, Complainte pour un detenu p.444-466, Chansons spirituelles p.467-541, [Sonnet] L'esprit de vie p.542. TOME2: Histoire des satyres p.3-37, Epitre de la reine de N au roi p.38-45, Epitre II de la reine au roi p.46-53, Reponse envoyee par le roi p.54-57, Epitre III de la reine au roi p.58-64, Epitre de la reine au roi p.65-71, Epitre de la reine au roi de Navarre p.72-75, Les quatre dames et les quatre gentils p.76-177, Deux filles, deux dames, la vieille etc. p.178-211, Trop Prou Peu Moins p.211-264, La Coche p.265-323, L'umbre p.323-328, La mort et resurrection d'amour p.328-331, Chanson faite a une dame [et reponse] p.332-336, Les Adieux p.337-341, deux enigmes, p.342.
- 1547-1549 : Les Prisons. Éd. Abel Lefranc, Dernières Poésies de Marguerite de Navarre, Paris, Armand Colin, 1896 -- Éd. S. Glasson, Genève, Droz, 1978.
- Après 1547 : Miroir de Jhesus Christ crucifié. Éd. Fontanella, Alexandrie, Edizioni dell'Orso, 1984.
- Après 1547 : Le Parfait amant, Comédie sur le Trépas du Roy, Comédie du Mont-de-Marsan -- in Marguerite de Navarre: Théâtre Profane, éd. V.L.Saulnier, Genève, Droz, 1946.
- Marguerite de Navarre: Les Comédies bibliques, Éd. Marzuk, Genève, Droz, 2000.
- Marguerite de Navarre: Théâtre Profane, Éd. V.L.Saulnier..., voir supra.
- Dernières Poésies de Marguerite de Navarre, Éd. Abel Lefranc, Paris, Armand Colin, 1896.
- Poésies inédites de Marguerite de Navarre, Revue du Seizième siècle, Tome II, Paris, Champion, 1914; Tome XVII, 1930;
- Correspondance: Diverses lettres, Poésies du roi François Ier... et correspondance intime du roi, éd. A. Champollion-Figeac, Genève, Slatkine, 1970;Correspondance des Réformateurs dans les pays de langue française, éd. A-L Herminjard, Genève, 1886; Nouvelles lettres de la reine de Navarre au roi son frère, éd. Génin, Paris, Renouard, 1842; Correspondance (1924-1927) avec Guillaume Briçonnet, éd. Martineau, Veissière et Heller, Genève, Droz, 1975-1979.
NB. Une édition des oeuvres complètes est en cours, sous la direction de N. Cazauran (Paris, Honoré Champion). QUELQUES TRADUCTIONS
- The Glass of the Sinfoul Soul, traduction en prose du Miroir de l'âme pécheresse par Elizabeth, Princesse d'Angleterre [Élizabeth Ire], éd. John Bale, London, 1548; le facsimilé est reproduit dans The glasse of the synnefull soule..., London, Asher, 1897 -- Éd. William Kemp, Marguerite de Navarre, Clément Marot and the Augereau editions of the Miroir de l'âme pécheresse, Journal of the Early Book Society, Vol. 2, New York, Pace University, 1999.
- Marguerite of Angoulême, Queen of Navarre, Théâtre Profane, éd. R. Reynolds-Cornell, Ottawa, Carleton University Renaissance Plays in Translation, 1992.

Choix bibliographique

- Clive, H.P. Marguerite de Navarre, An Annotated Biography. Grant & Cutler, 1983.
- Déjean, Jean-Luc. Marguerite de Navarre. Paris, Fayard, 1987.
- International Colloquium Celebrating the 500th Anniversary of Marguerite de Navarre, Régine Reynolds-Cornell (dir.), Decatur, Géorgie, États-Unis (avril 1992). Birmingham, Summa Publications, 1996.
- Jourda, Pierre. Marguerite d'Angoulême, duchesse d'Alençon, reine de Navarre. Paris, Champion, 1930. Réimpression Slatkine, 1978.
- Marguerite de Navarre, 1491-1492, J. Dauphiné et N. Cazauran (dir.), Actes du colloque international de Pau (1992). Mont-de-Marsan, Éditions InterUniversitaires, 1995.

Choix iconographique

- Marguerite, fille de Charles, Comte d'Angoulême (médaille),1504?. Bibliothèque de France, Cabinet des médailles.
- (Clouet, Jean ?).Portrait de Marguerite d'Angoulême, duchesse d'Alençon (peinture sur bois). Liverpool, Walker Art Gallery.
- Clouet, François. Portrait de Marguerite de Navarre (crayon, pierre noire). Chantilly, Musée Condé.
- Marguerite d'Angoulême offre le manuscrit de La Coche à la duchesse d'Étampes (miniature). Chantilly, Musée Condé.

Jugements

- «Esprit abstraict, ravy, et ecstatic, qui frequentant les cieulx, ton origine, as delaissé ton hoste et domestic [...]. Sans sentement et comme en Apathie» [Rabelais, Dizain dédicatoire précédant le Prologue au Tiers Livre, 1546].
- «Je suis cerf d'un monstre fort estrange: Monstre je dy, car pour tout vray, elle a corps féminin, cueur d'homme et teste d'ange» (Marot, dizain De Madame la duchesse d'Alençon).
- «Sans rien blasmer, je sers une maîtresse qui toute femme ayant noble haultesse passe en vertus...» (Marot, Rondeau XXII).
- «Où est celuy, si ce n'est un homme de tout aliéné d'humanité, qui ne prise, qui n'aime, qui ne révère la candeur, la charité, la piété de cette tant libérale, tant magnifique et tant vertueuse Royne?» (Charles de Sainte-Marthe, Oraison funèbre de Marguerite de Navarre, p.24).
- «Ce fut donq' une princesse d'un très-grand esprit et fort habile, tant de son naturel que de son acquisitif, car elle s'adonna fort aux lettres en son jeune âge et les continua tant qu'elle vescut, aimant et conversant du temps de sa grandeur aveq' les gens les plus savants du royaume de son frère.» (Brantôme, Oeuvres Complètes, Tome VIII, éd. Lalanne, 1885, p.114-115).
- «Elle était, comme bien des femmes, fort paisible de tempérament. Mauvais poète, charmant prosateur, c'était un esprit délicat, rapide et subtil, ailé, qui volait à tout, se posait sur tout, n'enfonçant jamais, ne tenant à la terre que du bout du pied.» (Michelet, Histoire de France, Tome VIII, Paris, Flammarion, p.151). [pour l'accusation d'inceste entre Marguerite et François Ier, q.v. p.159-160]
- «Comme poète et comme écrivain, son originalité si peu de chose, ou, pour parler plus nettement, elle n'en a aucune; son intelligence, au contraire, est grande, active, avide, généreuse. [...] Comme poète, elle n'a rien de remarquable que la facilité: elle imite et reproduit les diverses formes de poèmes en usage à sa date [...] En évitant toute exagération, elle a mérité ce nom de gentil esprit, qui lui a été si universellement accordé.» (Sainte-Beuve, Les grands écrivains français, Paris, Garnier, 1853, p.2-3; 20-21).

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