Catherine Fradonnet
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Catherine Fradonnet | ||
Titre(s) | Dame Desroches | |
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Biographie | ||
Date de naissance | 1542 | |
Date de décès | 1587 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) | ||
Dictionnaire Hilarion de Coste (1647) | ||
Dictionnaire Charles de Mouhy (1780) |
Sommaire
Notice de Anne R. Larsen, 2004.
Les Dames des Roches, mère et fille, évoluent toutes deux dans un milieu humaniste, provincial et bourgeois. Nées à Poitiers, elles y meurent aux environs du 30 novembre 1587, en pleine épidémie de peste. Selon leur cousin Scévole de Sainte-Marthe, elles «ne souhaittoient rien plus passionnement que de vivre et de mourir ensemble» (Eloges des hommes illustres, voir infra, f.341). Madeleine Neveu, qui doit le nom «des Roches» à une propriété appartenant à sa famille, naît vers 1520. Nous savons très peu de choses sur son éducation. Au dire de Joseph-Juste Scaliger, elle était «la plus docte personne, pour ne sçavoir qu'une langue [le latin], qui soit en l'Europe» (cité par G. Diller, Dames des Roches, voir infra, «choix bibliographique», p.13). Vers 1539, elle épouse le procureur André Fradonnet. De leurs trois enfants nés entre 1540 et 1547, seule Catherine survit à la petite enfance. Vers 1550, Madeleine épouse en secondes noces François Eboissard, seigneur de La Villée, avocat au présidial de Poitiers. Après avoir assuré à sa femme et à sa fille une vie confortable, celui-ci meurt en 1558. Madeleine, qui s'est consacrée à l'éducation de sa fille, a suscité très tôt chez elle des ambitions de gloire littéraire. Catherine maîtrise la langue latine et l'italien. Elle traduit plusieurs textes latins, dont deux inédits en traduction, les «Symboles» de Pythagore et le «Ravissement de Proserpine» de Claudien. Durant les années 1560 à 1570, les Dames des Roches connaissent des difficultés juridiques, aggravées par la destruction partielle de leurs propriétés au cours des guerres civiles. Vers 1570, elles fondent un cénacle littéraire, à l'exemple des élites parisiennes, et composent des oeuvres dont les sujets s'apparentent à des faits divers et événements liés à ce cercle. Lors du séjour de la Cour à Poitiers, pendant l'été 1577, leur désir d'être mieux connues les conduit à composer des poèmes en l'honneur d'Henri III, de Louise de Lorraine et de Catherine de Médicis. C'est sans doute à cette époque également que Catherine compose sa «Mascarade des Amazones» et sa «Chanson des Amazones», ce mythe étant l'un des thèmes favoris des divertissements de cour.
Les Dames des Roches publient ces poèmes dans la première édition de leurs Oeuvres, chez le libraire parisien Abel l'Angelier. Cette édition est rapidement suivie d'une seconde, où les mêmes textes se voient adjoindre une requête «Au Roy» et six sonnets de Madeleine, ainsi que, de Catherine, «Un acte de la tragicomédie de Tobie», six sonnets et une chanson. La réputation des deux érudites s'affirme de manière éclatante lors des Grands Jours de Poitiers du 10 septembre au 18 décembre 1579, durant lesquels les parlementaires parisiens fréquentent leur salon. Pendant une visite d'Étienne Pasquier et d'Antoine Loisel, avocats du roi, Pasquier, entrevoyant une puce sur le sein de Catherine, propose qu'elle et lui écrivent chacun un poème en hommage à cette puce. Leurs poèmes figurent en tête du fameux recueil collectif de La Puce de Madame des Roches, publié trois ans plus tard à Paris et réimprimé l'année suivante. Suivent encore deux autres volumes des dames poitevines, les Secondes oeuvres et les Missives.
Madeleine et Catherine des Roches encouragent les femmes à écrire et surtout à «[produire] un livre», selon l'expression d'Evelyne Berriot-Salvadore («La problématique histoire...», voir infra, p.13). Elles rendent souvent compte des obstacles qui se dressent devant les femmes qui osent publier. Ainsi, Madeleine des Roches répond aux dames qui lui conseillent le «silence, ornement de la femme [...] qu'il peut bien empescher la honte, mais non pas accroistre l'honneur» (Oeuvres, p.79-80). Ainsi encore, Catherine revendique, par l'intermédiaire de son héroïne calomniée Agnodice, le droit des femmes aux lettres. La poétique amoureuse de Catherine révèle également un esprit contestataire nouveau. Dans ses sonnets amoureux et son dialogue de Sincero et de Charite (Oeuvres, p.251-288), elle fait part d'un scepticisme profond vis-à-vis des arguments justifiant la réalisation du désir masculin. Aussi n'est-il pas surprenant que dans la vie réelle, elle ait, comme Charite, rejeté la passion et le mariage pour se vouer à ses écrits.
Disciples enthousiastes de Ronsard, les Dames des Roches s'essaient à tous les genres poétiques; elles publient des dialogues, des lettres, une tragi-comédie, ainsi que des traductions. Les genres favoris de Madeleine sont l'ode en hexa-, hepta- ou octosyllabes, et le sonnet en décasyllabes ou en alexandrins; la sobriété et la régularité de la forme distinguent ses vers. Ceux de Catherine révèlent une grande variété de genres où figurent surtout le sonnet, la chanson, le dialogue et le poème narratif. Mère et fille sont également les premières femmes à publier une correspondance authentique, remaniée, il est vrai, en vue de la publication.
Après une dernière édition des Oeuvres et des Secondes oeuvres parue à Rouen en 1604, les écrits des Dames des Roches sont plus ou moins tombés dans l'oubli. Elles-mêmes en revanche ont été louées dans des ouvrages biobibliographiques tout au long des siècles pour la force de leur union et pour avoir conservé la «modestie de leur sexe». Ce n'est que depuis peu qu'elles bénéficient d'une attention particulière. Elles figurent aujourd'hui dans le débat sur la relation des «autrices» de la Renaissance à la création littéraire, ainsi que sur les apports de leur cénacle à l'histoire sociale et littéraire française.
Oeuvres
- 1578 : Histoire et Amours pastoralles de Daphnis et de Chloé escrite premierement en grec par Longus et maintenant mise en françois. Ensemble un debat judiciel de Folie et d'Amour, fait par dame L.L.L.[Loyse Labé Lyonnoise].Plus quelques vers françois, lesquels ne sont pas moins plaisans que recreatifs, par M.D.R., Poictevine[Madame des Roches], Paris, Jean Parent (il s'agit de l'«Hymne de l'Eau à la Roine» de Catherine des Roches).
- 1578 : Les Oeuvres de Mes-dames des Roches de Poetiers, Mere et Fille, Paris, Abel L'Angelier.
- 1579 : Les Oeuvres de Mes-dames des Roches de Poetiers, Mere et Fille.Seconde edition, corrigée et augmentée de la Tragi-comedie de Tobie et autres oeuvres poétiques,'Paris, Abel L'Angelier -- Les Oeuvres, éd. Anne R. Larsen. Genève, Droz, 1993.
- 1579 : Onze poèmes des dames Des Roches, in La Puce de Madame des Roches. Qui est un recueil de divers poemes Grecs, Latins et François, composez par plusieurs doctes personnages aux Grands Jours tenus à Poitiers l'an M. D. LXXIX, Paris, Abel L'Angelier, 1582.
- 1581-1582 : Deux dialogues: le premier traicte de Placide et Severe, le deuxiesme traicte d'Iris et Pasithée, in Les Secondes oeuvres..., voir infra.
- 1583 : Les Secondes oeuvres de Mes-dames des Roches de Poictiers, Mere et Fille, Poictiers, Nicolas Courtoys (dont neuf poèmes du volume précédent) -- Les Oeuvres, éd. Anne R. Larsen, Genève, Droz, 1998.
- 1586 : Les Missives de Mes-dames des Roches de Poitiers, Mere et Fille, avec le Ravissement de Proserpine prins du Latin de Clodian. Et autres imitations et meslanges poëtiques. Paris, Abel L'Angelier -- Les Missives, éd. Anne R. Larsen, Genève, Droz, 1999.
Choix bibliographique
- Berriot-Salvadore, Evelyne. Les Femmes dans la société française de la Renaissance. Genève, Droz, 1990, p.455-463.
- Id. «La Problématique histoire des textes féminins», in Jean-Philippe Beaulieu et Hannah Fournier (dir.), Femmes et textes sous l'Ancien Régime: ouverture en kaléidoscope, Atlantis, 19, 1993, p.8-15.
- Diller, George. Les Dames des Roches. Étude sur la vie littéraire à Poitiers dans la deuxième moitié du XVIe siècle. Paris, Droz, 1936.
- Larsen, Anne R. «La réfléxivité dans les dialogues de Catherine des Roches (1583)», in Jean-Philippe Beaulieu et Diane Desrosiers-Bonin (dir.), Dans les miroirs de l'Écriture. La réfléxivité dans les textes des femmes écrivains sous l'Ancien Régime. Montréal, Université de Montréal, 1998, p.61-71.
- Yandell, Cathy. Carpe Corpus. Time and Gender in Early Modern France. Newark, University of Delaware Press, 2000, p.175-211.
Choix iconographique
- Anonyme. Les Dames des Roches (gravure du XVIIIe siècle). Bibliothèque Nationale (Estampes collection Laruelle, t.106).
- Anonyme. Catherine des Roches (gravure du XVIIIe siècle). Bibliothèque Nationale (Estampes collection Laruelle, t.106).
Jugements
- «Magdeleine Neveu, Dames DES ROCHES, en Poictou, mère de Catherine des Roches, toutes deux si doctes et si sçavantes, que la France peut se vanter les ayant engendrées, d'avoir produit en elles les deux perles de tout le Poictou, qui est une région abondante en toutes choses, et sur-tout en personnes d'esprit, entre lesquelles celles-ci doivent obtenir le premier rang pour leur sçavoir.» (François de La Croix du Maine et Antoine du Verdier, Les Bibliothèques [1584,1585], Paris, Saillant et Nyon, 1772, t. II, p.71).
- (à propos de Catherine des Roches) «Je ne vis jamais esprit si prompt ny si rassis que le sien. C'est une Dame qui ne manque point de response: et neantmoins il ne sort d'elle aucun propos qui ne soit digne d'une sage fille. Brief, je vous pleuvis sa maison pour une vraye escole d'honneur [...].» (Étienne Pasquier, Les Lettres, Paris, Abel l'Angelier, 1586, f.192v).
- (à propos de Madeleine des Roches) «Ce nom est de si grande réputation non seulement en France mais encore par toute l'Europe polie qu'il semble porter son Eloge avec lui-même si bien qu'en le proférant ce n'est pas tant proférer un nom vertueux que le nom de la même vertu» (Guillaume Colletet, Vies des poetes François [v.1650], BNF, ms NAF 3073, f.383).
- «[...] En effect la maison de ces deux illustres Dames estoit à Poitiers, une academie d'honneur, où se trouvoient tous les jours plusieurs excellents hommes, et où tous ceux qui faisoient profession des belles lettres estoient reçeus avec caresse, et avecque joye. Et l'on peut dire en verité, que pas un n'y estoit introduict, pour docte et pour poly qu'il fust, qu'il n'en sortist avec plus de doctrine et plus de politesse.» (Scévole de Sainte Marthe, Eloges des Hommes illustres, Paris, Antoine de Sommaville, 1644, p.340).