Antoinette de Bourbon-Vendôme

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Antoinette de Bourbon-Vendôme
Titre(s) Duchesse de Guise et d'Aumale
Conjoint(s) Claude de Lorraine, comte puis duc de Guise
Dénomination(s) Duchesse de Guise et d’Aumale, sénéchale de Champagne, dame de Boves, Elbeuf, Joinville, Lambesc et Mayenne
Biographie
Date de naissance 25 décembre 1494
Date de décès 22 janvier 1582
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)
Dictionnaire Hilarion de Coste (1647)


Notice de Ghislain Tranié, 2022

Antoinette de Bourbon est l’avant-dernière enfant de François de Bourbon (1470-1495), comte de Vendôme, et de Marie de Luxembourg (1472-1547), comtesse de Saint-Pol et de Soissons, châtelaine de Lille et, surtout, héritière d’une prestigieuse lignée possessionnée à cheval entre la France et les Pays-Bas bourguignons. Elle naît au château de Ham (Somme), domaine de sa mère. Mais le 30 octobre 1495, son père, qui a suivi Charles VIII en Italie, meurt à Verceil (Piémont). Princesse du sang, mais d’un rang secondaire, Antoinette est élevée à la cour au sein de la maison de la reine Anne de Bretagne. En 1513, son mariage avec Claude de Lorraine (1496-1550), comte puis duc de Guise, s’inscrit dans une série d’alliances dynastiques conclues à la cour de France entre les maisons de Lorraine, de Bourbon et d’Alençon. De ce mariage naissent douze enfants, dont dix atteindront l’âge adulte.
Désormais liée aux Lorrains, Antoinette de Bourbon rejoint sa belle-mère Philippe de Gueldre au château de Bar (Meuse). Après l’entrée de celle-ci au couvent des clarisses colettines de Pont-à-Mousson en 1520, Antoinette s’établit au château de Joinville, siège du sénéchalat de Champagne. Elle devient l’administratrice des biens, de la clientèle et de la domesticité des Guises car Claude de Lorraine, devenu duc de Guise en 1527, est chargé de nombreuses missions pour le compte de François Ier. Présente à la cour où son rang l’appelle, elle contribue surtout à façonner Joinville comme un territoire identitaire pour les Guises. De concert avec son époux, elle fait bâtir le Château du Grand Jardin (1533-1546) et ordonne la reconstruction de la ville après le sac opéré par les troupes impériales en juillet 1544. Son rôle politique et le soin accordé à l’éducation de ses enfants et de ses petits-enfants est repérable dans sa correspondance. Il se vérifie aussi en 1548 lorsqu’elle est chargée d’accompagner les premiers pas en France de sa petite-fille Marie Stuart.
À la mort de Claude de Lorraine, le 12 avril 1550, elle organise des funérailles inspirées du faste lorrain et commande un tombeau auquel travaille Le Primatice. Veuve, elle ne quitte plus guère Joinville, sauf pour demander justice au roi et à la reine-mère de l’assassinat de son fils François de Lorraine en 1562, ou pour assister à des cérémonies royales (tel le mariage de Charles IX en 1570) lors desquelles elle paraît en tant que princesse du sang et surtout douairière de Guise. Elle soutient en effet pleinement ses enfants dans leur défense de la catholicité. Lors de la deuxième guerre de Religion, elle vient ainsi au secours de Verdun avec ses fils les cardinaux (décembre 1567).
Le veuvage ne l’empêche pas non plus de continuer à doter Joinville de nouvelles infrastructures : elle y fonde un prieuré de bénédictines (1553), un auditoire (1561), un hôpital (1567) et installe des cordeliers au prieuré Sainte-Ame qu’elle dote d’une mise au tombeau monumentale du Christ (1567). Peut-être a-t-elle aussi contribué à la fin de sa vie à l’édification du portail Renaissance de l’église Notre-Dame. Jusqu’en 1583, elle supervise l’éducation de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants et entretient une correspondance régulière avec les membres du lignage.
Antoinette de Bourbon occupe sa vie durant une fonction majeure au sein du lignage. Elle entretient des réseaux qu’elle mobilise selon les intérêts de la maison de Guise. Elle fait office de conseillère politique pour son fils le cardinal de Lorraine et sa fille Marie, reine puis régente d’Écosse. Sur le plan spirituel, elle suit les conseils du dominicain Pierre Doré, prédicateur d’Henri II et ennemi virulent de la Réforme, qui encourage sa piété mariale. Elle affiche aussi sa proximité avec sa sœur Louise de Bourbon, abbesse de Fontevraud. Elle contribue enfin à inscrire dans les terres des Guise les signes visibles de la confession catholique. Tout ceci lui vaut en retour une réelle piété filiale, transcrite sur une plaque d’émail, Le Triomphe de l’Eucharistie et de la Foi catholique de Léonard Limosin (1561-1562), et dans une pastorale de Rémy Belleau, La Bergerie (1565).
Matriarche, patronne et mécène, fondatrice d’établissements religieux, gestionnaire, dame de premier ordre à la cour et dans les réseaux politiques, Antoinette de Bourbon incarne les possibles pour une dame de la plus haute noblesse. Oubliée jusqu’au XIXe siècle, elle est réhabilitée par Gabriel de Pimodan, auteur d’une biographie érudite mais surtout élogieuse (1889). À nouveau délaissée durant un XXe siècle peu enclin à considérer les femmes, elle est à nouveau étudiée depuis le début du XXIe siècle. La recherche n’ignore plus désormais la première duchesse de Guise, même si les travaux à son sujet restent liés à l’intérêt suscité par la maison de Guise.

Principales sources

Sources manuscrites

  • Archives nationales, KK 907-908 : Inventaire des titres de la principauté de Joinville (nombreuses pièces sur Antoinette de Bourbon).
  • Bibliothèque nationale de France, Fr 3338 : correspondance active (fol.2, 24, 38, 52, 60, 63, 65, 77, 82, 86, 94, 103, 104, 105, 107, 108).
  • Bibliothèque nationale de France, Fr 20468 : correspondance active (fol.205, 207, 269) et passive (fol.1, 9, 11, 51, 67, 77, 83, 95, 103, 111, 117, 123, 125, 129, 133, 135, 137, 141, 143, 145, 147, 149, 151, 153, 157, 159, 161, 165, 169, 171, 181, 185, 187, 189, 193, 273, 279, 301, 305, 311, 325, 329, 339, 341, 346, 349).
  • Bibliothèque nationale de France, Fr 8182 : Cartulaire des ducs de Guise 1530-1580 (nombreuses pièces sur Antoinette de Bourbon).
  • Bibliothèque nationale de France, Dupuy 500 : Plaidoyer de Nicolas Versoris pour Antoinette de Bourbon demandant justice de l’assassinat du duc de Guise (1563).
  • Bibliothèque nationale de France, Lorraine 27 : correspondance active (fol.16, 19, 21, 23, 27, 29, 31, 33, 35).

Sources imprimées

  • Belleau, Rémy, La Bergerie, À Paris, Pour Gilles Gilles, rue saint Jan de Latran, à l’enseigne des trois Couronnes. 1565.
  • Coste, Hilarion de, Les Éloges et vies des reynes, princesses, dames et damoiselles illustres en piété, courage et doctrine qui ont fleury de nostre temps et du temps de nos père, avec l’explication de leurs devises, emblèmes, hiéroglyphes, et symboles. Divisez en deux tomes et dédiez à la reyne régente, Paris, Sébastien Cramoisy, 1630, p. 36-147.
  • Le Gaget, François, Bergerie, ou deploration pastorale sur le trespas d’Anthoinette de Bourbon douairiere de Jointville, avec une paraphrase du pseaume 40, une ode, & autres vers latins, par François Le Gaget. À Paris, Chez Timothée Jovan. 1584.
  • « Lettres d’Antoinette de Bourbon », Cabinet historique, tomes XIV, XV et XVI, Paris, 1868-1870.
  • « Notice biographique », d’après le P. Oudin, Histoire de la maison de Guise [BnF Fr 5798, fol. 162], dans « Lettres d’Antoinette de Bourbon », Cabinet historique, Paris, 1868, tome XIV, p. 192-199.

Choix bibliographique

  • Durot, Éric, François de Lorraine, duc de Guise entre Dieu et le Roi, Paris, Classiques Garnier, « Bibliothèque d’histoire de la Renaissance », n°1, 2012.
  • Grand-Dewyse, Camille, Émaux de Limoges au temps des guerres de Religion, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.
  • Grand-Dewyse, Camille, « Le triomphe d’une mater familias : Antoinette de Bourbon, duchesse de Guise, et une plaque émaillée de Léonard Limosin », Patronnes et mécènes en France à la Renaissance. Études réunies par Kathleen Wilson-Chevalier avec la collaboration d’Eugénie Pascal, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2007, p.419-431.
  • Meiss Marjorie, Les Guise et leur paraître, Rennes-Tours, Presses universitaires de Rennes-Presses universitaires François Rabelais, 2014.
  • Munns, Jessica et Richards, Penny, « Antoinette de Bourbon, première duchesse de Guise, et Rémy Belleau : construction d’un tombeau, création d’un mythe », Kathleen Wilson-Chevalier (dir.) Patronnes et mécènes en France à la Renaissance. Études réunies par Kathleen Wilson-Chevalier avec la collaboration d’Eugénie Pascal, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2007, p.402-417.
  • Pimodan, Gabriel de, La Mère des Guises, Antoinette de Bourbon, 1494-1583, avec un portrait, une autographie, des lettres inédites, et de nombreux documents, Paris, Honoré Champion, 1889.
  • Tranié, Ghislain, « Antoinette de Bourbon (1494-1583). Une Bourbon au plus près des Guises », mémoire de Master 2 sous la direction du professeur Denis Crouzet, Centre Roland Mousnier / Université Paris IV-Sorbonne, année universitaire 2005-2006.
  • Viard Georges, « La religion d’Antoinette de Bourbon, duchesse de Guise », Les Cahiers Haut-Marnais, n° 188-189 (1990), p. 1-11.
  • Viennot, Éliane, « Veuves de mère en fille au XVIe siècle : le cas du clan Guise », Nicole Pellegrin, Colette H. Winn (éd.), Veufs, veuves et veuvage dans la France d’Ancien Régime, Actes du colloque de Poitiers (11-12 juin 1998), Paris, Honoré Champion, 2003, p.187-198.

Choix iconographique

  • Vers 1550 : Léonard Limosin, Portrait d’Antoinette de Bourbon, duchesse de Guise (Émail peint sur cuivre, 18,4 x 13,2 cm), Écouen, Musée national de la Renaissance (Inv ECL11289) – base Joconde, site internet du ministère de la culture.
  • Milieu XVIe siècle : Anonyme, Portrait en buste d’Antoinette de Bourbon, duchesse de Guise, Joinville, hôtel de ville – base POP : la plateforme ouverte du patrimoine, site internet ministère de la culture.
  • 1561-1562 : Léonard Limosin, Le Triomphe de l’Eucharistie et de la Foi catholique (Émail peint sur cuivre, partiellement doré, 19,7 x 25,4 cm), New York Frick Collection (Acc. No: 1916.4.22) – site internet de la Frick Collection.
  • XVIIe siècle : Anonyme, Antoinette de Bourbon, duchesse de Guise (Huile sur toile, 49 x 40 cm), Pau, musée national du château de Pau (Inv 9801) – base Joconde, site internet du ministère de la culture.

Jugements

  • « Ce fut cette bonté qui luy mit en main la clef de tous les cœurs, et qui l’a rendu toute puissante dans la conversation des hommes, car qu’est-ce qu’elle n’y fit point ? qu’est-ce qu’elle n’en obtint point ? elle fit mille accomodements, où l’on desesperoit de pouvoir reussir, elle assoupit de longs procez, elle adjusta de grands differends, elle démesla des affaires bien intriguées, comme elle fit voir à François de Cleves I. Duc de Nevers, et à Antoine de Croy Prince de Porcien, et à sa mere la Comtesse de Senigan, qui la choisirent pour juge de leurs procez et differends. Elle reunit des esprits bien divisez, elle ramena mille pauvres creatures perdues, elle reforma avec douceur et sans violence des Monasteres, elle persuada ce qu’elle voulut, et à qui elle voulut, et quand c’est qu’elle avoit parlé il falloit se rendre, et advouer que sa bonté avoit des charmes invincibles, qui triomphoient des plus fortes passions, et ravissoient les cœurs de tout le monde ». [...] Durant sa vie elle prit pour devise les trois vertus Theologales, avec ces mots, FOY MONTRE, ESPERANCE MONTE, CHARITÉ SURMONTE, qui peuvent servir d’un excellent témoignage de la pieté de cette devote Princesse. Car par-là elle vouloit faire connoistre quelle estoit la conduite de sa vie, dont la Foy lui avoit fait l’entrée par la demonstration des choses necessaires à son salut. L’Esperance la faisoit avancer, s’élever et aspirer continuellement aux biens de son eternité, que la foy lui avoit découvert. La Charité luy en donnoit le sentiment dés cette vie, et luy en reservoit la jouissance pour la future en la consommation des Saints, comme parle le grand Apostre. » (Hilarion de Coste, « Antoinette de Bourbon », Les Éloges et vies des reynes, princesses, dames et damoiselles illustres en piété, courage et doctrine qui ont fleury de nostre temps et du temps de nos père, avec l’explication de leurs devises..., Paris, Sébastien Cramoisy, 1630, p. 141, 147.)
  • « Dans Joinville, Antoinette pouvait se croire une petite reine, et une reine chérie de ses sujets. Aussi ne souffrait-elle ni de la solitude ni de l’ennui. Son esprit sérieux, son goût pour l’ordre et l’administration, ses nombreuses grossesses, le soin de ses enfants, sa grande piété, lui firent même préférer le séjour de “ses États” aux pompeuses dissipations de la cour. Pendant son heureuse union, Antoinette n’y alla que pour plaire à son mari, et plus tard, seulement dans la mesure nécessaire à la fortune de ses enfants. » (Pimodan, Gabriel de, La Mère des Guises, Antoinette de Bourbon, 1494-1583, avec un portrait, une autographie, des lettres inédites, et de nombreux documents, Paris, Honoré Champion, 1889, p.39.)


« Amid these wordly delights, Antoinette’s children were not permitted to forget their devotions. The upper château had its own church, where there were a number of relics, including the belt of Saint-Joseph brought back from the crusades, and the pious benefactions of successive lords allowed for an establishment of nine canons, two vicars, four choristers, and a choir master. [...] Antoinette was much concerned with the poor, spending her leisure time stitching clothes for them while listening to pious readings. [...] Legend has it that once, after her sons returned from a hunt, she was angered to discover that they had trampled the fields of local peasants, and so the following day she served them no bread at table : ‘My children we have to save on flour, since you have destroyed next year’s crop’. » (Stuart Carroll, Martyrs and Murderers. The Guise Family and the Making of Europe, Oxford, Oxford University Press, 2009, p.43-44.)
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