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Marie-Anne Barbier | ||
Biographie | ||
Date de naissance | 1664 | |
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Date de décès | Vers 1745 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Pierre-Joseph Boudier de Villemert (1779) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) | ||
Dictionnaire Charles de Mouhy (1780) | ||
Autre(s) dictionnaire(s) en ligne | ||
Dictionnaire Cesar - Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution. |
Notice de Alicia C. Montoya, 2005.
Marie-Anne Barbier, baptisée à Orléans le 21 janvier 1664, est issue d'un milieu d'artisans et de bourgeois. Son père, Jacques Barbier, maître artillier avant de devenir commissaire provincial d'artillerie, est marié à Marie Sinson, dont la famille appartient à la bourgeoisie d'offices. Après leur départ d'Orléans dans les années 1670, peut-être rejoignent-ils Paris où les Sinson sont installés. On ne sait rien des années de formation de Marie-Anne Barbier. À la fin du XVIIe siècle, elle fréquente le salon de Marie-Anne Mancini et compose «quelques élégies» et pièces fugitives dont il ne reste aujourd'hui aucune trace. Ses premiers essais littéraires sont alors encouragés par le poète Martin de Baraton, puis le dramaturge Edme Boursault, qui lui servira de mentor dans sa carrière dramatique.
En juillet 1701, elle publie une courte «Épitaphe de Mlle de Scudéry» dans le Mercure galant. Dès ce début apparaît le souci évident de s'inscrire dans une généalogie littéraire féminine, en nouant notamment des contacts avec des protectrices puissantes. Soutenue par Boursault qui l'introduit auprès des Comédiens-Français, elle fait jouer sa première tragédie, Arrie et Pétus, le 3 juin 1702. La pièce attire l'attention de ses contemporains: certains accusent Barbier de n'être que le prête-nom d'un auteur masculin. Elle répond à ses détracteurs dans la préface de l'édition qui s'ensuit, soulevant une polémique qui se prolongera jusque dans les écrits de Voltaire et de Pierre Bayle, dont l'une des Réponses aux questions d'un provincial (1704) est consacrée à la querelle. À la création de sa deuxième tragédie, les critiques citent l'un des proches de Marie-Anne Barbier, l'abbé Simon-Joseph Pellegrin, qui réfute cette attribution. Au cours de cette décennie, l'autrice donnera encore deux autres tragédies, jouées à la Comédie-Française. À la recherche de mécènes et d'un réseau littéraire spécifiquement féminin, elle mène une activité mondaine intense et devient une habituée du salon de la peintre Élisabeth-Sophie Chéron.
Avec la Régence s'ouvre une nouvelle période dans sa carrière: après la disparition de plusieurs de ses amis et mécènes, Marie-Anne Barbier montre des ambitions plus professionnelles que mondaines et cherche désormais la protection d'un nouvel homme de pouvoir, l'abbé Bignon, bibliothécaire du roi et rédacteur du Journal des savants. Abandonnant la tragédie, elle se tourne vers de nouveaux genres littéraires, plus proches des «Modernes», comme en témoigne, en 1713, son recueil d'Histoires galantes inspirées des Sucesos y prodigios de amor de J. Pérez de Montalbán (1624). En 1716 et 1718, elle connaît ses plus grandes réussites avec deux livrets d'opéra: Les Fêtes de l'été tiennent l'affiche à l'Opéra pendant plusieurs mois, tandis que Le Jugement de Pâris donne lieu à de nombreux commentaires, parodies et reprises. Elle fait également paraître un périodique, Saisons littéraires, qui contient d'importantes critiques théâtrales au moins en partie siennes. Après 1722, Marie-Anne Barbier cesse de publier, mais continue à écrire, comme l'attestent deux comédies manuscrites en prose. Les rares traces de l'autrice, après sa disparition de la scène littéraire, laissent également supposer qu'elle continue d'évoluer dans le milieu du théâtre. La date et le lieu de sa mort restent inconnus, mais Titon du Tillet, qui a connu personnellement Marie-Anne Barbier, affirme qu'elle meurt «vers l'année 1745, dans un âge très avancé».
Dans son oeuvre tragique, Barbier a entamé un dialogue avec ses prédécesseurs Corneille et Racine, au moyen d'un jeu intertextuel poussé. Malgré le poids de cet héritage, elle a su étendre les frontières de la tragédie en mettant en valeur les sentiments de ses héros. Elle a également privilégié la mise en scène de «femmes fortes» issues de l'histoire antique et fait preuve d'un intérêt accru pour «la gloire de notre sexe». L'attribution de son oeuvre à Pellegrin, encore citée aujourd'hui, est démentie par une comparaison formelle des oeuvres des deux auteurs, aussi bien que par les documents d'époque. Cela n'a d'ailleurs pas nui à la fortune littéraire de l'autrice, surtout au cours du XVIIIe siècle: traduite en néerlandais, allemand, italien et russe, son oeuvre a parfois acquis un statut «canonique» jamais atteint en France. Les études récentes mettent aujourd'hui l'accent sur l'aspect féministe de son écriture, et sur la place essentielle que tient son oeuvre dans l'histoire du théâtre et dans l'esthétique post-classique.
Oeuvres
- 1701 : «Épitaphe de Mademoiselle de Scudéry», Mercure galant, juillet, p.69.
- 1702 : Arrie et Pétus (tragédie en 5 actes, en vers), Comédie-Française (Paris), 3 juin 1702, Paris, Michel Brunet -- dans Femmes dramaturges en France (1650-1750). Pièces choisies, éd. Perry Gethner , Paris/ Seattle/ Tübingen..., Papers on French Seventeenth Century Literature, «Biblio 17», 1993, p.243-314.
- 1703 : Cornélie, mère des Gracques, tragédie (tragédie en 5 actes, en vers), Comédie-Française (Paris), 5 janvier 1703, Paris, Pierre Ribou -- Éd. Alicia C. Montoya et Volker Schröder, Toulouse, Société de littératures classiques, 2005.
- 1704? : Panthée, femme d'Abradate Roy de la Susiane (tragédie), non représentée, inédite.
- 1704 : «Amour, est-ce toi qui m'appelles?», dans Recueil d'airs sérieux et à boire, de différents auteurs, imprimé au mois de mai 1704, Paris, Christophe Ballard, p.96-97 (musique de Chéron de Rochesources).
- 1704 : «À Madame la Duchesse de Bourgogne, sur le feu de joie de Versailles», Mercure galant, août, p.186-187.
- 1704 : Vers à la gloire de l'auteur du Système du coeur, Mercure galant, août, p.288-289.
- 1706 : Tomyris(tragédie en 5 actes, en vers), Comédie-Française (Paris), 23 novembre 1706, Paris, Pierre Ribou, 1707.
- 1708 : «Ode à son Altesse Sérénissime Monseigneur le Duc du Maine», Le Nouveau Mercure, septembre-octobre, p.7-13.
- 1709 : «Dissertation critique sur l'OEdipe de Corneille», Le Nouveau Mercure, janvier, p.93-106.
- 1709 : «Élégie», Le Nouveau Mercure, janvier, p.106-109.
- 1709 : La Mort de César (tragédie en 5 actes, en vers), Comédie-Française (Paris), 26 novembre 1709, Paris, Pierre Ribou, 1709.
- 1712? : Joseph (tragédie en vers), non représentée, inédite.
- 1712 : «Ode sur la justice à M. d'Argenson», Mercure galant, novembre, p.49-60.
- 1713 : Le Théâtre de l'amour et de la fortune, Paris, Pierre Ribou, 2 t.
- 1714 : Saisons littéraires ou mélanges de poésie, d'histoire et de critique. Premier recueil, Paris, François Fournier.
- 1716 : Les Fêtes de l'été, ballet (livret d'opéra, prologue, 3-4 entrées), Académie royale de musique (Paris), 12 juin 1716, Paris, Pierre Ribou (musique de Montéclair).
- 1718 : Le Jugement de Pâris, pastorale héroïque (livret d'opéra, prologue, 3 entrées), Académie royale de musique (Paris), 21 juin 1718, Paris, Pierre Ribou (musique de Bertin de Ladoué) -- En ligne : [1]
- 1719 : Le Faucon (comédie en 1 acte, en vers), Comédie-Française (Paris), 1er septembre 1719, Paris, veuve Pierre Ribou.
- 1722 : Recueil des saisons littéraires. Dissertation critique sur la tragédie d'Atrée et de Thyeste, Rouen, J.B. Machuel.
- 1734-35 : L'Inconstant (comédie en 3 actes, en prose), inédite (BnF, ms. fr. 9248).
- La Capricieuse (comédie en un acte, en prose), inédite (BnF, ms. fr. 9248).
Choix bibliographique
- Gethner, Perry (éd.), notice sur Arrie et Pétus, in Femmes dramaturges..., voir supra, oeuvres, p.245-254.
- Lancaster, Henry Carrington, Sunset. A History of Parisian Drama in the Last Years of Louis XIV, 1701-1715, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1945, p.69-79.
- Montoya, Alicia C., Marie-Anne Barbier et la tragédie post-classique, Paris, H. Champion (à paraître en 2007).
- Panighetti, Irene, Marie-Anne Barbier: una scrittrice di inizo settecento, thèse de doctorat, dir. Franco Piva, Université de Milan, 2004.
Jugements
- [éloge de Marie-Anne Barbier]
Ne pleurons plus de Sapho le trépas,
Consolons-nous de celui de la Suze.
En pareil jour, que chômons ici-bas,
Prêtre sacré baptisait une Muse,
Qui les surpasse autant par ses appas,
Que par le don d'une science infuse,
De bien rimer, d'ajuster au compas
Tendre chanson, ou plaintive élégie,
Et qui plus est, composer tragédie,
Dernier talent que les autres n'ont pas.
(Catherine Bernard, «Bouquet: Ne pleurons plus de Sapho le trépas» [vers 1702], dans Nouveau Choix de pièces de poésie, éd. F. Duval, La Haye, Henry van Bulderen, 1715, seconde partie, p.122-123)
- (à propos du Jugement de Pâris) «Pastorale héroïque et pièce nouvelle, fut parfaitement bien reçue; et son succès a été beaucoup plus grand que la saison ne semblait le permettre; elle a soutenu les plus grandes chaleurs d'un été extraordinairement chaud, et l'on y a trouvé des beautés dont le sujet ne paraissait pas susceptible; l'action en était par elle-même fort légère et assez dénuée d'intérêt, mais les scènes épisodiques qu'on y a fait entrer, le grand nombre de maximes qu'on y a semées, et où l'auteur avait pris soin de mettre l'esprit en sentiments, jointes à la beauté de la musique et à l'agrément des danses, l'ont fait regarder comme un des ballets les plus amusants, Thevenard y a pris tant de goût pour le rôle du beau berger Pâris, qu'il l'a joué jusqu'à la dernière représentation» (N. Boindin, Lettres historiques sur tous les spectacles de Paris, Paris, Pierre Prault, 1719, p.125-126).
- (à propos de La Mort de César) «Cette pièce, ainsi que l'autre que nous avons de Mademoiselle Barbier, est le triomphe des femmes pour la force du génie, les vers et les pensées propres au genre dramatique: il y a des endroits où l'on croit lire P. Corneille. C'est beaucoup d'avoir choisi un tel sujet, c'est encore davantage de l'avoir traité comme il l'est ici. Le combat de Brutus entre tant de bienfaits reçus et la mort qu'il donne à son père et bienfaiteur, est difficile à pallier à des yeux français, mais l'histoire l'affirme. Quelques détails du caractère de J. César sont ici factices, et l'on prétend que l'auteur a rabaissé César au lieu de l'élever» (D'Argenson, Notices sur les oeuvres de théâtre [1725-1756], éd. H. Lagrave, Studies on Voltaire and Eighteenth Century, 42, 1966, p.327).
- (à propos d'Arrie et Pétus) «Ce seroit tromper grossièrement le public, que de lui laisser croire que cette tragédie est entièrement de Mademoiselle Barbier, ainsi qu'on pourrait le présumer sur le titre des OEuvres de cette demoiselle: il y aurait aussi quelque injustice à soutenir qu'elle n'a purement fait que prêter son nom à M. l'abbé Pellegrin. Ce qui est certain, c'est que ce dernier en est Auteur de la meilleure partie. Ce fait est connu, et nous a été attesté par M. l'abbé Pellegrin même. [...] Cette tragédie eut assez de succès, pour que Mademoiselle Barbier put se flatter d'avoir réussi. Il y a cependant bien de l'apparence, qu'elle ne le dut qu'à l'indulgence du public pour un coup d'essai, et pour la personne qui s'en disait l'auteur: car la pièce est un peu faible par la conduite, les sentiments, et la versification» (F. et C. Parfaict, Histoire du théâtre français depuis son origine jusqu'à présent, Paris, P.G. Le Mercier et Saillant, t.14, p.258-264).
- «Ce théâtre, Madame, n'a rien de remarquable, rien qui le distingue particulièrement. On sait qu'en général, l'auteur s'y proposait la gloire de son sexe, en choisissant des sujets qui en étaient comme le triomphe; mais rien de plus commun que la manière de les traiter. Il est cependant vrai de dire que la conduite de ces tragédies est assez régulière, et l'enchaînement des scènes assez bien lié; parce qu'il ne faut pour cela que cette espèce de bon sens, dont Mademoiselle Barbier n'était pas dépourvue. Il y règne même une sorte de sublime manqué, d'où résultent mille défauts d'exécution. À force de vouloir rendre ses héroïnes grandes et généreuses, les héros même les plus connus deviennent tremblants et timides. Elle ne montre partout que de grandes femmes et de petits hommes, des géantes et des pygmées» (J. de La Porte, Histoire littéraire des femmes françaises, Paris, Lacombe, 1769, p.84-93).
- «Le théâtre de Mlle Barbier a été recueilli en un volume in-12. On y trouve du goût, du génie et de beaux vers, des scènes bien liées, des situations touchantes, des sujets bien choisis. Les hommes lui ont reproché qu'elle avait trop cherché à célébrer les femmes, et qu'en voulant faire les héroïnes de ses pièces grandes et généreuses, elle avait rabaissé les héros. Mais nos poètes masculins n'ont-ils pas presque tous une faiblesse opposée?...