Charlotte-Flandrine d'Orange-Nassau : Différence entre versions

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== Notice d'[[Antoine Coutelle]], 2018 ==
Charlotte-Flandrine d’Orange-Nassau, née à Anvers en 1579, est la quatrième fille de Guillaume de Nassau dit le Taciturne, prince d'Orange, et de sa troisième épouse, Charlotte de Bourbon-Montpensier, ancienne abbesse devenue protestante. Son second prénom évoque la lutte des Pays-Bas contre la tutelle espagnole. Orpheline de mère à trois ans, Flandrine est confiée à une parente, abbesse du Paraclet de Troyes. <br/>
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Charlotte-Flandrine d’Orange-Nassau, née à Anvers en 1579, est la quatrième fille de Guillaume de Nassau dit le Taciturne, prince d'Orange, et de sa troisième épouse, [[Charlotte de Bourbon-Montpensier]], ancienne abbesse devenue protestante. Son second prénom évoque la lutte des Pays-Bas contre la tutelle espagnole. Orpheline de mère à trois ans, Flandrine est confiée à une parente, abbesse du Paraclet de Troyes. <br/>
 
Après l'assassinat de son père, le 10 juillet 1584, l'éducation religieuse de la princesse de Nassau devient un enjeu politique européen. Sa tutrice s'étant convertie à la Réforme, son grand-père maternel obtient en 1588 un ordre royal pour la faire remettre à sa tante Jeanne de Bourbon, abbesse de Sainte-Croix (Poitiers) et de Jouarre, contrariant ainsi le vœu fait par Elisabeth Ire d'Angleterre de faire élever les enfants du Taciturne dans la foi réformée. Lorsque Flandrine manifeste la volonté d'entrer au couvent, la princesse douairière de Nassau proteste auprès d'Henri IV qui accepte de surseoir à la décision de quelques mois. C’est finalement en 1594, âgée de 15 ans, que Flandrine prend le voile à Poitiers. Elle gardera toute sa vie des liens épistolaires étroits avec ses sœurs (Louise-Juliana, Élisabeth, Catherine-Belgique, Émilie-Antwerpiana et [[Charlotte-Brabantine d'Orange-Nassau|Charlotte-Brabantine]]), bien que restées protestantes.<br/>
 
Après l'assassinat de son père, le 10 juillet 1584, l'éducation religieuse de la princesse de Nassau devient un enjeu politique européen. Sa tutrice s'étant convertie à la Réforme, son grand-père maternel obtient en 1588 un ordre royal pour la faire remettre à sa tante Jeanne de Bourbon, abbesse de Sainte-Croix (Poitiers) et de Jouarre, contrariant ainsi le vœu fait par Elisabeth Ire d'Angleterre de faire élever les enfants du Taciturne dans la foi réformée. Lorsque Flandrine manifeste la volonté d'entrer au couvent, la princesse douairière de Nassau proteste auprès d'Henri IV qui accepte de surseoir à la décision de quelques mois. C’est finalement en 1594, âgée de 15 ans, que Flandrine prend le voile à Poitiers. Elle gardera toute sa vie des liens épistolaires étroits avec ses sœurs (Louise-Juliana, Élisabeth, Catherine-Belgique, Émilie-Antwerpiana et [[Charlotte-Brabantine d'Orange-Nassau|Charlotte-Brabantine]]), bien que restées protestantes.<br/>
 
La jeune princesse est formée pour prendre la tête de l'abbaye royale de Sainte-Croix fondée au VIe siècle par la reine [[Radegonde]]. Elle est nommée grande prieure en 1594, puis abbesse en 1603, à 24 ans. Cette charge lui échoit dans une logique de patrimonialisation des grands bénéfices ecclésiastiques. Elle succède à sa tante qui avait succédé elle-même à sa cousine. Au début du XVIIe siècle, le monastère accueille toujours une trentaine de moniales, le temporel a souffert des ravages des guerres de religion et, sous la direction de Jeanne de Bourbon, l'observance semble s'être relâchée. Flandrine de Nassau impose un retour progressif à la règle bénédictine (selon les us de Sainte-Croix), qu'elle fait imprimer en 1611. Le respect de la clôture est renforcé, la communauté des biens redevient effective, des tâches manuelles sont de nouveau exercées par les moniales. Ce rétablissement d'une vie monastique plus exigeante s'accompagne de nombreux travaux pour rénover les bâtiments de l'abbaye et pour enrichir le décor de l’église. Le renouveau est également spirituel. Flandrine est influencée par le modèle ignacien des jésuites. Elle passe pour avoir composé un recueil d'exercices spirituels pour les novices. Elle rénove la liturgie en donnant plus de place au chant et en autorisant des communions plus fréquentes, L’abbesse privilégie la célébration des cérémonies consacrées à la Passion, s'inscrivant dans le mouvement post-tridentin de glorification du Christ souffrant. D'inclination mystique, elle aurait envisagé de rejoindre l’ordre des bénédictines du Calvaire. Elle contribue également à revivifier le culte de sainte [[Radegonde]]. Ce renouveau s'accompagne du rétablissement de la situation matérielle de la maison : les finances de l'abbaye s’équilibrent, soutenues par la fortune personnelle de l’abbesse, le nombre des moniales augmente,  un prieuré est créé aux Sables-d’Olonne en 1633. L'abbesse meurt le 10 avril 1640. <br/>
 
La jeune princesse est formée pour prendre la tête de l'abbaye royale de Sainte-Croix fondée au VIe siècle par la reine [[Radegonde]]. Elle est nommée grande prieure en 1594, puis abbesse en 1603, à 24 ans. Cette charge lui échoit dans une logique de patrimonialisation des grands bénéfices ecclésiastiques. Elle succède à sa tante qui avait succédé elle-même à sa cousine. Au début du XVIIe siècle, le monastère accueille toujours une trentaine de moniales, le temporel a souffert des ravages des guerres de religion et, sous la direction de Jeanne de Bourbon, l'observance semble s'être relâchée. Flandrine de Nassau impose un retour progressif à la règle bénédictine (selon les us de Sainte-Croix), qu'elle fait imprimer en 1611. Le respect de la clôture est renforcé, la communauté des biens redevient effective, des tâches manuelles sont de nouveau exercées par les moniales. Ce rétablissement d'une vie monastique plus exigeante s'accompagne de nombreux travaux pour rénover les bâtiments de l'abbaye et pour enrichir le décor de l’église. Le renouveau est également spirituel. Flandrine est influencée par le modèle ignacien des jésuites. Elle passe pour avoir composé un recueil d'exercices spirituels pour les novices. Elle rénove la liturgie en donnant plus de place au chant et en autorisant des communions plus fréquentes, L’abbesse privilégie la célébration des cérémonies consacrées à la Passion, s'inscrivant dans le mouvement post-tridentin de glorification du Christ souffrant. D'inclination mystique, elle aurait envisagé de rejoindre l’ordre des bénédictines du Calvaire. Elle contribue également à revivifier le culte de sainte [[Radegonde]]. Ce renouveau s'accompagne du rétablissement de la situation matérielle de la maison : les finances de l'abbaye s’équilibrent, soutenues par la fortune personnelle de l’abbesse, le nombre des moniales augmente,  un prieuré est créé aux Sables-d’Olonne en 1633. L'abbesse meurt le 10 avril 1640. <br/>
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La figure qui s'est imposée est celle d'une réformatrice déterminée et bienveillante, surmontant des obstacles physiques (une surdité précoce), matériels (le temporel en péril de l’abbaye), spirituels et politiques (l’évêque de Poitiers, gallican, tente de limiter l’influence des jésuites sur l'abbesse). Jusqu’ici, la fragilité des traces laissées par Flandrine (sa correspondance n'est que partiellement publiée) n'a pas permis de mesurer l'importance de ses multiples rôles : guide spirituel et gestionnaire d'une communauté féminine, figure locale de la reconquête catholique, princesse insérée dans des réseaux familiaux et diplomatiques européens, rôles qui méritent réévaluation.
 
La figure qui s'est imposée est celle d'une réformatrice déterminée et bienveillante, surmontant des obstacles physiques (une surdité précoce), matériels (le temporel en péril de l’abbaye), spirituels et politiques (l’évêque de Poitiers, gallican, tente de limiter l’influence des jésuites sur l'abbesse). Jusqu’ici, la fragilité des traces laissées par Flandrine (sa correspondance n'est que partiellement publiée) n'a pas permis de mesurer l'importance de ses multiples rôles : guide spirituel et gestionnaire d'une communauté féminine, figure locale de la reconquête catholique, princesse insérée dans des réseaux familiaux et diplomatiques européens, rôles qui méritent réévaluation.
  
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==Oeuvres==
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* 1629: ''Officia propria festorum regalis abbatiae Sanctae Crucis Pictaviensis, ordinis Sancti Benedicti, ad formam breviarii redacta, instante... Carola Flandrina de Nassau, abbatissa praedictae abbatiae, auctoritate... Henrici Ludovici Rupiposaei episcopi recognita, et approbata necnon in lucem edita''…, Poitiers, Chez Abraham Mounin, 1629, [8]-321-[33] p., in-4°.
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* [1632]: Le texte des exercices spirituels rédigés par Flandrine de Nassau n’est connu que par une allusion dans l’''Epitre funèbre'' consacrée à l’abbesse. Il s’agit peut-être de  ''La Manière de faire le bon propos tous les matins, très utile et très profitable à toute âme dévote'', Poitiers, Abraham Mounin, 1632, dont il n’existe plus d’exemplaires connus.
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* « Lettres de Flandrine de Nassau, abbesse de Sainte-Croix de Poitiers, à Charlotte Brabantine de Nassau, duchesse de La Trémoille, sa sœur : 1598-1630 », éd. Paul Marchegay, ''Archives Historiques du Poitou'', tome I, Poitiers, 1872, p. 203-296.
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* Autres lettres : voir liens électroniques
  
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==Principales sources==
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* Jean Dereyroles, ''Oraison funèbre de feu très haute et très illustre dame Madame Charlotte Flandrine de Nassau…'', Poitiers, Antoine Mesnier, 1640.
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* ''Epistre funèbre où est contenu un abrégé de la vie de feu Madame Charlotte-Flandrine de Nassau…'', Poitiers, Anthoine Mesnier, 1640, In-8°, 22 p. (texte que Madame de la Trémoille, qui succède à Flandrine, rédige ou fait rédiger).
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* ''Le journal des abbesses'' [chronique rédigée par Claire Fabry de Rochefort [moniale de Sainte-Croix et grande prieure] sur la demande de Flandrine de Nassau, tenue régulièrement de 1606 à 1622], éd. R. P. Monsabert, « Le journal des Abbesses de Sainte-Croix de Poitiers », ''Revue Mabillon, Archives de la France monastique'', Cinquième année, n°17, mai 1909, p. 145-168.[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1095909/f480.image]
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* Claude Allard, ''Le miroir des âmes religieuses ou la vie de la très haute et très religieuse princesse Madame Charlotte Flandrine de Nassau, très digne abbesse du royal monastère de Sainte-Croix, de Poitiers'', Poitiers, Julien Thoreau et Jean Fleuriau, 1653, in-4°, 477 p.
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* Jacqueline Bouette de Blémur, "La vie de Madame Charlotte-Flandrine de Nassau...", dans Éloges de plusieurs personnes illustres en piété de l'Ordre de Saint-Benoist..., t. I, Paris, 1679, p. 240-290 [https://books.google.be/books?id=jj2U-u4FEmEC&pg=PA240&dq=Charlotte+Flandrine+de+Nassau&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiIvZjbuvndAhWGJlAKHbNrDJ0Q6AEITTAH#v=onepage&q=Charlotte%20Flandrine%20de%20Nassau&f=false]
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Flandrine de Nassau est à l’initiative de la rédaction de deux vies de sainte Radegonde, elle est donc mentionnée dans les épitres dédicatoires :
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* Etienne Mocquot, ''La Vie de saincte Radegonde…'', Poitiers, Anthoine Mesnier, 1621, In-8°, XXXVI-684 p
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* Joseph Dumonteil, ''Histoire de la vie incomparable de Saincte Radegonde, reyne de France, religieuse et fondatrice du royal monastère Sainte-Croix de Poitiers…'', Rodez, Paul Desclaux et Amans Grandsigne, 1627, In-8°, VIII-696-2.
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==Choix bibliographique==
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* Allard, Herman S. J., « Une Fille du Taciturne. Charlotte-Flandrine de Nassau-Orange, Abbesse de Sainte-Croix, à Poitiers, 1579-1640 », ''Précis Historiques. Mélanges religieux, littéraires et scientifiques'', t. 33, Bruxelles, 1884, p. 57-147.
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* Coudanne, Louise, « La réforme irréversible : Charlotte Flandrine de Nassau (1603-1640) » dans Edmond-René Labande (dir.), ''Histoire de l’abbaye Sainte-Croix de Poitiers. Quatorze siècles de vie monastique'', Poitiers, MSAO, t. XIX, 4e série, 1986-87, p. 271-305.
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* Coutelle, Antoine, ''Poitiers au XVIIe siècle. Les pratiques culturelles d'une élite urbain''e, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.
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* Favreau, Robert, ''Poitiers. Sainte-Radegonde'', Poitiers, Association Les Amis de sainte Radegonde, 1999.
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==Choix iconographique==
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* Il n’existe pas de portrait authentifié de Flandrine de Nassau. L’usage de l’abbaye veut que les images de sainte Radegonde prennent les traits de chaque abbesse le temps de leur présence à la tête de l’établissement. Un tableau anonyme du XVIIe siècle, conservé à l’abbaye Sainte-Croix à Saint-Benoit (Vienne), passe pour représenter Flandrine de Nassau.
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* Les armes de Flandrine de Nassau-Orange sont visibles sur le retable de la chapelle Saint-Louis de l'ancien collège des jésuites de Poitiers, sur un tableau de l'adoration des mages de l'église Saint-Hilaire, sur un cartouche conservé à l'abbaye Sainte-Croix à Saint-Benoît.
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==Jugements==
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* « Madame Charlotte Flandrine de Nassau tres vertueuse Princesse, & tres-digne abbesse du Monastère de Saincte-Croix de cete ville de Poictiers & toute sa religieuse famille, désiroient d’une ardente affection, & pieuse devotion envers leur Saincte Mere & fondatrice Saincte Radegonde, jadis Royne de France, de voir sa vie descrite avec plus de soin & de diligence que celle que nous avons de Bouchet, & autres qui ont eu cours jusques à présent […] » (Epitre dédicatoire de Etienne Mocquot, ''La Vie de saincte Radegonde''…, Poitiers, A. Mesnier, 1621, In-8°, XXXVI-684 p, non paginée.
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* « C’était, dit Aubery du Maurier, une très bonne princesse, que j’ai connue. Elle étoit petite et si sourde qu’elle n’entendoit point qu’avec un cornet d’argent ». On peut ajouter que, jolie et douée d’une physionomie vive et spirituelle, comme toutes ses sœurs, elle fut comme plusieurs d’elles, atteinte d’un embonpoint précoce » (Paul Marchegay, « Lettres de Flandrine de Nassau, abbesse de Sainte-Croix de Poitiers, à Charlotte Brabantine de Nassau, duchesse de La Trémoille, sa soeur : 1598-1630 », ''Archives Historiques du Poitou'',t.I, Poitiers, 1872, p. 170)
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* « Le 10e jour d’avril 1640, mardy de Pasques, sur les deux heures du matin, est déceddée Madame Charlotte Flandrine de Nassau, princesse d’Orange, très digne et très pieuse abbesse du monastère royal de Saincte Croix de cette ville de Poictiers, après avoir receu l’extrême onxion et le saint viatique par Mre Jan roux, prebstre, curé de Ste-Oustril, au dedans de lad. Abaye, et ensuite receu la bénédiction, elle le requérant, de son evesque, Mgr Henry Louis Chataigner de la Rocheposay, evesque de Poictiers, lequel en fist l’office aux funérailles, le vendredy suivant 13e jour, sur les 9 heures du matin ; et pour ce faire, fust droissé un autel au dedans du cœur, contre la grille, afin de faire les cérémonies et ensansemens autour du corps, qui estoit ellevé sur ung chevallet, la face descouverte, aussy beau led. Jour de vandredy, comme quand elle trépassa [...]. » (Manuscrit de la famille Denesde, Médiathèque François-Mitterrand de Poitiers, ms 1109, f° 32 r°-v°).
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* « Cy gist très illustre et très religieuse princesse Madame Charlotte Flandrine de Nassau, très pieuse abbesse du royal monastère de céans laquelle rendit son âme à Dieu et son corps à la terre le Xe d’avril M·VI·C·XL agée de LXIII ans. Ornée de toute sorte de vertus et non moins esclattante par la saincteté de ses actions, que par la grandeur de sa naissance : laissant daussi merveilleux exemples de sa piété et de son humilité aux cloistres que son extrême charité au monde aiant donné sa vie entière à la religion et son cœur à Jésus qui inspira très haute et très illustre Madame Diane Françoise d’Albret autant héritière de ses religieuses vertus que de sa dignité d’abbesse de luy ériger monument l’an M·VI·C·LII Requiescat in Pace Amen » (Relevé de l’inscription sur la pierre tombale de Flandrine de Nassau, collection Gaignières, 2691, BnF, Réserve PE-1 (G)-FOL Fol. 162).
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* « […] le principal mérite de cette correspondance intime, écrite au courant de la plume et entretenue pendant plus de trente années, consiste dans son style aimable et naturel, ainsi que dans les sentiments d’affection gracieuse et profonde, parfois flatteuse et peu intéressée de la très-catholique abbesse de Sainte-Croix de Poitiers pour la protestante zélée, mais fort tolérante duchesse de Thouars. » (Paul Marchegay, introduction aux « Lettres de Flandrine de Nassau, abbesse de Sainte-Croix de Poitiers, à Charlotte Brabantine de Nassau, duchesse de La Trémoille, sa soeur : 1598-1630 », ''Archives Historiques du Poitou'', t.I, Poitiers, 1872, p. 170).
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Version actuelle en date du 9 octobre 2018 à 14:30

Charlotte-Flandrine d'Orange-Nassau
Titre(s) Abbesse de Sainte-Croix de Poitiers
Biographie
Date de naissance 10 août 1579
Date de décès 10 avril 1640
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s)



Notice d'Antoine Coutelle, 2018

Charlotte-Flandrine d’Orange-Nassau, née à Anvers en 1579, est la quatrième fille de Guillaume de Nassau dit le Taciturne, prince d'Orange, et de sa troisième épouse, Charlotte de Bourbon-Montpensier, ancienne abbesse devenue protestante. Son second prénom évoque la lutte des Pays-Bas contre la tutelle espagnole. Orpheline de mère à trois ans, Flandrine est confiée à une parente, abbesse du Paraclet de Troyes.
Après l'assassinat de son père, le 10 juillet 1584, l'éducation religieuse de la princesse de Nassau devient un enjeu politique européen. Sa tutrice s'étant convertie à la Réforme, son grand-père maternel obtient en 1588 un ordre royal pour la faire remettre à sa tante Jeanne de Bourbon, abbesse de Sainte-Croix (Poitiers) et de Jouarre, contrariant ainsi le vœu fait par Elisabeth Ire d'Angleterre de faire élever les enfants du Taciturne dans la foi réformée. Lorsque Flandrine manifeste la volonté d'entrer au couvent, la princesse douairière de Nassau proteste auprès d'Henri IV qui accepte de surseoir à la décision de quelques mois. C’est finalement en 1594, âgée de 15 ans, que Flandrine prend le voile à Poitiers. Elle gardera toute sa vie des liens épistolaires étroits avec ses sœurs (Louise-Juliana, Élisabeth, Catherine-Belgique, Émilie-Antwerpiana et Charlotte-Brabantine), bien que restées protestantes.
La jeune princesse est formée pour prendre la tête de l'abbaye royale de Sainte-Croix fondée au VIe siècle par la reine Radegonde. Elle est nommée grande prieure en 1594, puis abbesse en 1603, à 24 ans. Cette charge lui échoit dans une logique de patrimonialisation des grands bénéfices ecclésiastiques. Elle succède à sa tante qui avait succédé elle-même à sa cousine. Au début du XVIIe siècle, le monastère accueille toujours une trentaine de moniales, le temporel a souffert des ravages des guerres de religion et, sous la direction de Jeanne de Bourbon, l'observance semble s'être relâchée. Flandrine de Nassau impose un retour progressif à la règle bénédictine (selon les us de Sainte-Croix), qu'elle fait imprimer en 1611. Le respect de la clôture est renforcé, la communauté des biens redevient effective, des tâches manuelles sont de nouveau exercées par les moniales. Ce rétablissement d'une vie monastique plus exigeante s'accompagne de nombreux travaux pour rénover les bâtiments de l'abbaye et pour enrichir le décor de l’église. Le renouveau est également spirituel. Flandrine est influencée par le modèle ignacien des jésuites. Elle passe pour avoir composé un recueil d'exercices spirituels pour les novices. Elle rénove la liturgie en donnant plus de place au chant et en autorisant des communions plus fréquentes, L’abbesse privilégie la célébration des cérémonies consacrées à la Passion, s'inscrivant dans le mouvement post-tridentin de glorification du Christ souffrant. D'inclination mystique, elle aurait envisagé de rejoindre l’ordre des bénédictines du Calvaire. Elle contribue également à revivifier le culte de sainte Radegonde. Ce renouveau s'accompagne du rétablissement de la situation matérielle de la maison : les finances de l'abbaye s’équilibrent, soutenues par la fortune personnelle de l’abbesse, le nombre des moniales augmente, un prieuré est créé aux Sables-d’Olonne en 1633. L'abbesse meurt le 10 avril 1640.
L'abbatiat de Flandrine s'inscrit dans le contexte local d'une réforme catholique dynamique. Sa figure forme un diptyque avec celle d'Henri-Louis de La Rocheposay qui occupe le siège épiscopal de 1612 à 1651. Vivant au cœur de la ville de Poitiers, la communauté de Sainte-Croix en partage le quotidien et les difficultés (menaces militaires des années 1610-1620, épisodes de pestes et de disettes), ce qui contribue à faire de l'abbesse une figure protectrice et bienfaisante, en particulier auprès des pauvres. Les origines familiales et la trajectoire de Flandrine ont permis à ses biographes de tisser un parallèle avec la fondatrice de l’abbaye, une princesse étrangère elle-aussi, qui trouve dans l’engagement religieux l’accomplissement de son existence. La figure qui s'est imposée est celle d'une réformatrice déterminée et bienveillante, surmontant des obstacles physiques (une surdité précoce), matériels (le temporel en péril de l’abbaye), spirituels et politiques (l’évêque de Poitiers, gallican, tente de limiter l’influence des jésuites sur l'abbesse). Jusqu’ici, la fragilité des traces laissées par Flandrine (sa correspondance n'est que partiellement publiée) n'a pas permis de mesurer l'importance de ses multiples rôles : guide spirituel et gestionnaire d'une communauté féminine, figure locale de la reconquête catholique, princesse insérée dans des réseaux familiaux et diplomatiques européens, rôles qui méritent réévaluation.

Oeuvres

  • 1629: Officia propria festorum regalis abbatiae Sanctae Crucis Pictaviensis, ordinis Sancti Benedicti, ad formam breviarii redacta, instante... Carola Flandrina de Nassau, abbatissa praedictae abbatiae, auctoritate... Henrici Ludovici Rupiposaei episcopi recognita, et approbata necnon in lucem edita…, Poitiers, Chez Abraham Mounin, 1629, [8]-321-[33] p., in-4°.
  • [1632]: Le texte des exercices spirituels rédigés par Flandrine de Nassau n’est connu que par une allusion dans l’Epitre funèbre consacrée à l’abbesse. Il s’agit peut-être de La Manière de faire le bon propos tous les matins, très utile et très profitable à toute âme dévote, Poitiers, Abraham Mounin, 1632, dont il n’existe plus d’exemplaires connus.
  • « Lettres de Flandrine de Nassau, abbesse de Sainte-Croix de Poitiers, à Charlotte Brabantine de Nassau, duchesse de La Trémoille, sa sœur : 1598-1630 », éd. Paul Marchegay, Archives Historiques du Poitou, tome I, Poitiers, 1872, p. 203-296.
  • Autres lettres : voir liens électroniques

Principales sources

  • Jean Dereyroles, Oraison funèbre de feu très haute et très illustre dame Madame Charlotte Flandrine de Nassau…, Poitiers, Antoine Mesnier, 1640.
  • Epistre funèbre où est contenu un abrégé de la vie de feu Madame Charlotte-Flandrine de Nassau…, Poitiers, Anthoine Mesnier, 1640, In-8°, 22 p. (texte que Madame de la Trémoille, qui succède à Flandrine, rédige ou fait rédiger).
  • Le journal des abbesses [chronique rédigée par Claire Fabry de Rochefort [moniale de Sainte-Croix et grande prieure] sur la demande de Flandrine de Nassau, tenue régulièrement de 1606 à 1622], éd. R. P. Monsabert, « Le journal des Abbesses de Sainte-Croix de Poitiers », Revue Mabillon, Archives de la France monastique, Cinquième année, n°17, mai 1909, p. 145-168.[1]
  • Claude Allard, Le miroir des âmes religieuses ou la vie de la très haute et très religieuse princesse Madame Charlotte Flandrine de Nassau, très digne abbesse du royal monastère de Sainte-Croix, de Poitiers, Poitiers, Julien Thoreau et Jean Fleuriau, 1653, in-4°, 477 p.
  • Jacqueline Bouette de Blémur, "La vie de Madame Charlotte-Flandrine de Nassau...", dans Éloges de plusieurs personnes illustres en piété de l'Ordre de Saint-Benoist..., t. I, Paris, 1679, p. 240-290 [2]

Flandrine de Nassau est à l’initiative de la rédaction de deux vies de sainte Radegonde, elle est donc mentionnée dans les épitres dédicatoires :

  • Etienne Mocquot, La Vie de saincte Radegonde…, Poitiers, Anthoine Mesnier, 1621, In-8°, XXXVI-684 p
  • Joseph Dumonteil, Histoire de la vie incomparable de Saincte Radegonde, reyne de France, religieuse et fondatrice du royal monastère Sainte-Croix de Poitiers…, Rodez, Paul Desclaux et Amans Grandsigne, 1627, In-8°, VIII-696-2.

Choix bibliographique

  • Allard, Herman S. J., « Une Fille du Taciturne. Charlotte-Flandrine de Nassau-Orange, Abbesse de Sainte-Croix, à Poitiers, 1579-1640 », Précis Historiques. Mélanges religieux, littéraires et scientifiques, t. 33, Bruxelles, 1884, p. 57-147.
  • Coudanne, Louise, « La réforme irréversible : Charlotte Flandrine de Nassau (1603-1640) » dans Edmond-René Labande (dir.), Histoire de l’abbaye Sainte-Croix de Poitiers. Quatorze siècles de vie monastique, Poitiers, MSAO, t. XIX, 4e série, 1986-87, p. 271-305.
  • Coutelle, Antoine, Poitiers au XVIIe siècle. Les pratiques culturelles d'une élite urbaine, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.
  • Favreau, Robert, Poitiers. Sainte-Radegonde, Poitiers, Association Les Amis de sainte Radegonde, 1999.

Choix iconographique

  • Il n’existe pas de portrait authentifié de Flandrine de Nassau. L’usage de l’abbaye veut que les images de sainte Radegonde prennent les traits de chaque abbesse le temps de leur présence à la tête de l’établissement. Un tableau anonyme du XVIIe siècle, conservé à l’abbaye Sainte-Croix à Saint-Benoit (Vienne), passe pour représenter Flandrine de Nassau.
  • Les armes de Flandrine de Nassau-Orange sont visibles sur le retable de la chapelle Saint-Louis de l'ancien collège des jésuites de Poitiers, sur un tableau de l'adoration des mages de l'église Saint-Hilaire, sur un cartouche conservé à l'abbaye Sainte-Croix à Saint-Benoît.

Jugements

  • « Madame Charlotte Flandrine de Nassau tres vertueuse Princesse, & tres-digne abbesse du Monastère de Saincte-Croix de cete ville de Poictiers & toute sa religieuse famille, désiroient d’une ardente affection, & pieuse devotion envers leur Saincte Mere & fondatrice Saincte Radegonde, jadis Royne de France, de voir sa vie descrite avec plus de soin & de diligence que celle que nous avons de Bouchet, & autres qui ont eu cours jusques à présent […] » (Epitre dédicatoire de Etienne Mocquot, La Vie de saincte Radegonde…, Poitiers, A. Mesnier, 1621, In-8°, XXXVI-684 p, non paginée.
  • « C’était, dit Aubery du Maurier, une très bonne princesse, que j’ai connue. Elle étoit petite et si sourde qu’elle n’entendoit point qu’avec un cornet d’argent ». On peut ajouter que, jolie et douée d’une physionomie vive et spirituelle, comme toutes ses sœurs, elle fut comme plusieurs d’elles, atteinte d’un embonpoint précoce » (Paul Marchegay, « Lettres de Flandrine de Nassau, abbesse de Sainte-Croix de Poitiers, à Charlotte Brabantine de Nassau, duchesse de La Trémoille, sa soeur : 1598-1630 », Archives Historiques du Poitou,t.I, Poitiers, 1872, p. 170)
  • « Le 10e jour d’avril 1640, mardy de Pasques, sur les deux heures du matin, est déceddée Madame Charlotte Flandrine de Nassau, princesse d’Orange, très digne et très pieuse abbesse du monastère royal de Saincte Croix de cette ville de Poictiers, après avoir receu l’extrême onxion et le saint viatique par Mre Jan roux, prebstre, curé de Ste-Oustril, au dedans de lad. Abaye, et ensuite receu la bénédiction, elle le requérant, de son evesque, Mgr Henry Louis Chataigner de la Rocheposay, evesque de Poictiers, lequel en fist l’office aux funérailles, le vendredy suivant 13e jour, sur les 9 heures du matin ; et pour ce faire, fust droissé un autel au dedans du cœur, contre la grille, afin de faire les cérémonies et ensansemens autour du corps, qui estoit ellevé sur ung chevallet, la face descouverte, aussy beau led. Jour de vandredy, comme quand elle trépassa [...]. » (Manuscrit de la famille Denesde, Médiathèque François-Mitterrand de Poitiers, ms 1109, f° 32 r°-v°).
  • « Cy gist très illustre et très religieuse princesse Madame Charlotte Flandrine de Nassau, très pieuse abbesse du royal monastère de céans laquelle rendit son âme à Dieu et son corps à la terre le Xe d’avril M·VI·C·XL agée de LXIII ans. Ornée de toute sorte de vertus et non moins esclattante par la saincteté de ses actions, que par la grandeur de sa naissance : laissant daussi merveilleux exemples de sa piété et de son humilité aux cloistres que son extrême charité au monde aiant donné sa vie entière à la religion et son cœur à Jésus qui inspira très haute et très illustre Madame Diane Françoise d’Albret autant héritière de ses religieuses vertus que de sa dignité d’abbesse de luy ériger monument l’an M·VI·C·LII Requiescat in Pace Amen » (Relevé de l’inscription sur la pierre tombale de Flandrine de Nassau, collection Gaignières, 2691, BnF, Réserve PE-1 (G)-FOL Fol. 162).
  • « […] le principal mérite de cette correspondance intime, écrite au courant de la plume et entretenue pendant plus de trente années, consiste dans son style aimable et naturel, ainsi que dans les sentiments d’affection gracieuse et profonde, parfois flatteuse et peu intéressée de la très-catholique abbesse de Sainte-Croix de Poitiers pour la protestante zélée, mais fort tolérante duchesse de Thouars. » (Paul Marchegay, introduction aux « Lettres de Flandrine de Nassau, abbesse de Sainte-Croix de Poitiers, à Charlotte Brabantine de Nassau, duchesse de La Trémoille, sa soeur : 1598-1630 », Archives Historiques du Poitou, t.I, Poitiers, 1872, p. 170).
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