Radegonde
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Radegonde | ||
Titre(s) | Reine de Francs Abbesse de Sainte-Croix de Poitiers | |
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Conjoint(s) | Clothaire Ier, roi des Francs | |
Dénomination(s) | Radegonde de Poitiers sainte Radegonde | |
Biographie | ||
Date de naissance | Après 520 | |
Date de décès | 587 | |
Notice(s) dans dictionnaire(s) ancien(s) | ||
Dictionnaire Fortunée Briquet (1804) |
Notice de Sylvie Joye, 2006.
Fille du roi de Thuringe Berthaire, née peu après 520, Radegonde fait partie du butin saisi par le roi franc Clotaire Ier (511-561) en 531 lorsque celui-ci conquiert la Thuringe avec son frère Thierry. Elle est élevée à Athies en Picardie. Elle reçoit une éducation soignée, notamment du point de vue littéraire. Elle montre dès son plus jeune âge, du moins d’après ses hagiographes, des prédispositions pour la vie religieuse et la charité. Après 540, Clotaire décide d’épouser la jeune fille, qui essaie de se soustraire à sa demande en fuyant. Elle est cependant ramenée au roi qui fait d’elle sa femme. Au palais, Radegonde mène, autant qu’il lui est possible, une vie d’ascèse tout en tenant son rôle de reine. Vers 550, elle décide de quitter Clotaire, lorsqu’elle le soupçonne d’être l’assassin de son jeune frère, lui aussi otage à la cour franque. Elle reçoit le voile de diaconesse des mains de Médard, évêque de Noyon, puis elle séjourne à Tours, Candes et Chinon, et enfin s’installe à Saix pour s’occuper des pauvres et des malades. Il est possible que Clotaire essaie alors de récupérer sa femme. Il y renonce finalement, et c’est avec le soutien royal qu’elle fonde un monastère à Poitiers. Vers 570, elle demande et obtient de l’empereur de Byzance Justin II un morceau de la Vraie Croix, qui donne dès lors son nom au couvent: Sainte-Croix de Poitiers. Par humilité, elle refuse de prendre la tête de la communauté, et octroie le titre d’abbesse à sa jeune protégée, Agnès. Avec cette dernière, après le conflit qui oppose le monastère à l’évêque de Poitiers Marovée, elle se rend au monastère Saint-Jean d’Arles, notamment pour interroger l’abbesse du lieu sur la façon dont elle mène les relations avec son propre évêque et dirige sa communauté. Elle introduit à Sainte-Croix, à la suite de ce voyage, la règle rédigée par Césaire d’Arles pour Saint-Jean, monastère fondé par sa soeur Césarie. Radegonde alterne exercices de piété, de pénitence (parfois extrêmes) et étude des lettres. En 567, elle fait la connaissance de Fortunat, un jeune clerc italien venu à Poitiers pour vénérer la tombe de saint Hilaire. Elle se lie d’amitié avec lui tandis qu’il fait d’elle son inspiratrice. Il écrit plusieurs poésies en son honneur. Il rédige également pour elle des épîtres rimées à l’adresse de ses cousins thuringiens réfugiés à Byzance, et à l’intention de l’empereur et de l’impératrice d’Orient eux-mêmes. Longtemps, ces oeuvres furent d’ailleurs attribuées à Radegonde elle-même. Les poèmes qu’elle aurait pu rédiger ne sont pas conservés. Les dernières années de sa vie, elle se retire dans une clôture stricte, et s’éteint le 13 août 587. Elle est enterrée dans l’église de Sainte-Marie-Hors-les-Murs qui prend son nom par la suite.
Malgré son statut de femme enlevée en butin, Radegonde a réussi à échapper à son sort de femme (mal) mariée en passant par des moyens qui démontrent une personnalité exceptionnelle, telle la consécration de diaconesse, tombée en désuétude et même interdite à son époque. Elle a réussi à faire protéger son monastère par le roi des Francs, son ancien époux, et n’a pas hésité à intervenir auprès des rois ses beaux-fils et auprès des évêques, dont l’autorité mettait à mal l’indépendance de son monastère. Celui-ci figure parmi les premiers et les plus anciens monastères féminins de la Gaule.
De son vivant, Radegonde semble avoir été un personnage hautement respecté, et même révéré. Son ami l’évêque de Tours Grégoire, qui avait présidé ses funérailles, les a décrites dans ses Dix Livres d’Histoire (IX, 12) et la Gloire des Confesseurs et il la présente comme un personnage de premier plan dans la vie religieuse du VIe siècle. Ses premiers hagiographes sont également des personnages qui l’avaient connu personnellement: Venance Fortunat et la moniale Baudonivie. Une troisième Vie a été composée au XIe siècle par l’évêque du Mans Hildebert de Lavardin. Des récits de miracles du XIIIe et du XIVe siècle lui ont également été consacrés. Son culte a connu un renouveau à la fin du Moyen Âge. La reine Jeanne de Boulogne, seconde épouse de Jean II, a transmis sa vénération pour la sainte à la famille royale. Charles VII et Marie d’Anjou sont allés jusqu’à donner le nom de Radegonde à leur fille aînée. De nos jours, son culte reste toujours vivace à Poitiers. Elle a fait l’objet d’un roman contemporain écrit par Régine Desforges.
Choix bibliographique
- Favreau, Robert (dir.), Radegonde de la couronne au cloître, Poitiers, Trésors poitevins 1, 2005.
- Gäbe, Sabine, «Radegundis: sancta, regina, ancilla. Zum Heiligkeitsideal der Radegundisviten von Fortunat und Baudonivia», Francia, 16/1, 1989, p.1-30.
- Joye, Sylvie, «Basine, Radegonde et la Thuringe chez Grégoire de Tours», Francia. Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, 32/1, 2005, p.1-18.
- La Riche Personnalité de sainte Radegonde. Conférences et homélies prononcées à l’occasion du XIVe centenaire de sa mort (587-1987), Poitiers, 1988.
- de Mérindol, Christian, «Le culte de sainte Radegonde et la monarchie française à la fin du Moyen Âge», dans Les Religieuses dans le cloître et dans le monde, des origines à nos jours, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1994, p.789-795.
Choix iconographique
- XIe siècle : Anonyme, La vie de sainte Radegonde par Fortunat (manuscrit enluminé), Poitiers, Poitiers. Bibliothèque municipale (250/136) -- Favreau, Robert (dir.), La Vie de sainte Radegonde par Fortunat. Poitiers, Bibliothèque Municipale Manuscrit 250 (136), Paris, Seuil, 1995.
- XIIe : Anonyme, sainte Radegonde (statues en pierre), chapelle troglodytique de Sainte-Radegonde à Chinon et église Saint-Germain-l’Auxerrois à Paris.
- XIVe : Anonyme, sainte Radegonde en prière bras écartés (vitrail de l’église Sainte-Radegonde de Poitiers).
- XVIIe : Anonyme, sainte Radegonde en moniale avec un sceptre et un livre ouvert (statue de bois), abbaye Sainte-Croix de Poitiers, La Cossonnière 86260 Saint-Benoît ; Anonyme, sainte Radegonde en moniale avec un sceptre et un livre ouvert (statue de bois polychromé), église Sainte-Radegonde de Poitiers.
- XVIIe : Nicolas Legendre, sainte Radegonde en moniale couronnée au manteau fleurdelisé sous les traits d’Anne d’Autriche, avec un sceptre et un livre ouvert, église Sainte-Radegonde de Poitiers.
Jugements
- «Radegonde, vous qui êtes puissante dans le monde par votre origine royale et qu’une autre royauté attend dans le ciel, méprisant le monde, vous avez mérité de posséder le Christ et d’ici, tandis que vous vous cachez dans le cloître, votre regard s’élève jusqu’aux astres. Vous piétinez les joies mauvaises d’un royaume terrestre pour avoir le bonheur de plaire au Roi sous les applaudissements du ciel. Maintenant vous vous tenez à l’étroit afin d’entrer plus largement pourvue dans les cieux: en versant des larmes vous moissonnerez les joies véritables. Vous mortifiez votre chair, les jeûnes nourrissent votre âme. Salut à vous que son Seigneur conserve dans son amour.» ([vers 584], Venance Fortunat, «A dame Radegonde», Carmina VIII, 5, dans Poèmes. Livres V-VIII, trad. franç. Marc Reydellet, Paris, Belles Lettres, 1998, p.148-149)
- «La même année mourut la très bienheureuse Radegonde. Grande fut la lamentation dans le monastère qu’elle avait fondé. Je fus moi-même présent à sa sépulture. Elle mourut le treizième jour du sixième mois et fut ensevelie au bout de trois jours. Les miracles qui se produisirent ce jour-là, la façon dont elle fut ensevelie, je me suis employé à les décrire plus complètement dans le livre des miracles.» ([vers 590], Grégoire de Tours, Histoire des Francs, livre IX, 2, cité dans Radegonde. De la couronne au cloître, éd. R. Favreau, Poitiers, Association Gilbert de La Porrée, 2005, p.29)
- «Notice sur la Grand’Gueule, lue à la Société d’agriculture, belles-lettres, sciences et arts de Poitiers dans sa séance du 1er février 1837. [...] cette figure, jadis si fameuse, en bois sculpté et colorié [...] sortait à l’époque des Rogations, pour être portée triomphalement au bout d’un long bâton, en tête des processions générales. [...], à laquelle on attribuait une double origine [...]. La première apprenait à considérer le simulacre de l’horrible monstre comme le symbole allégorique de l’idolâtrie, de l’hérésie et particulièrement de l’arianisme. [...] Suivant l’autre tradition poitevine, qui était la seule adoptée par le peuple, la Grand’Gueule offrait l’effigie authentique d’un monstre ailé qui s’introduisait par quelque ouverture dans les souterrains de Sainte-Croix [...] ce fut sainte Radégonde qui [...] le fit tomber mort à ses pieds, par l’effet miraculeux d’une invocation fervente qu’elle adressa à Dieu [...].» (Louis-François-Marie Bellin de La Liborlière, Vieux souvenirs du Poitiers d’avant 1789..., Poitiers, chez tous les libraires, 1846, p.196-198)
- «L’image de ses parents morts ou bannis ne cessait point de lui être présente, en dépit de ses nouveaux attachements et de la paix qu’elle s’était faite. Il y avait même quelque chose d’emporté, une ardeur presque sauvage dans ses élans d’âme vers les derniers débris de sa race, vers le fils de son oncle réfugié à Constantinople, vers ses cousins nés dans l’exil et qu’elle ne connaissait que de nom. Cette femme qui, sur la terre étrangère, n’avait rien pu aimer que ce qui était à la fois empreint de christianisme et de civilisation, colorait ses regrets patriotiques d’une teinte de poésie inculte, d’une réminiscence des chants nationaux qu’elle avait jadis écoutés dans le palais de bois de ses ancêtres ou sur les bruyères de son pays. La trace s’en retrouve ça et là, visible encore, bien que certainement affaiblie, dans quelques pièces de vers où le poète italien, parlant au nom de la reine barbare, cherche à rendre telles qu’il les a reçues ses confidences mélancoliques.» (Augustin Thierry, Récits des Temps mérovingiens, [Paris, 1833-1840], cinquième partie, éd. Paris, Les Presses d’Aujourd’hui, 1981, p.219)
- «[Radegonde fait montre d’un] sens, bien rare, de la patrie franque dans son ensemble.» (Y. Labande-Mailfert, «Les débuts de Sainte-Croix», voir supra choix bibliographique, p.54)
- «Vénérée en France, sainte Radegonde, reine mérovingienne, était princesse thuringienne. Les relations étroites entre la France et l’Empire germanique du Haut-Moyen-Âge ont favorisé le développement de son culte en terre natale. Les Slaves qui y pénétrèrent semblaient connaître Radegonde par l’intermédiaire de Byzance, avant même leur évangélisation. [...] Thuringe, Saxe-Anhalt, Franconie, Bavière, Autriche, Burgenland, Carinthie, Styrie et Slovénie, les lieux “radegondiens” [...] tant en pays germanophones qu’en France, en Angleterre, en Italie font de sainte Radegonde une patronne désignée pour l’Europe naissante [...].» (Dorothée Kleinmann, Radegonde une sainte européenne, [édition allemande, 1998, Graz, Styria Verlag], Loudun, PSR, 2000)