Oxford,Voltaire Foundation, SVEC, 2007/1, ISSN 0435-2866
Cette étude s’inscrit dans un courant de pensée très actuel: la recherche d’un nouvel équilibre entre hommes et femmes provoque toute une efflorescence d’ouvrages et d’articles sur la question féminine, renouvelant en quelque sorte la ‘Querelle des femmes’. Les dix-septième et dix-huitième siècles ont été, depuis l’essor de la préciosité jusqu’à la Révolution, un moment d’intense réflexion sur la féminité. Cette enquête permet de mieux saisir les enjeux du débat contemporain: elle ne constitue pas un travail littéraire tourné vers le passé, mais surtout un travail qui est conscience accrue du présent. Susceptible d’intéresser tous ceux qui font des études sur la femme, l’ouvrage s’interroge sur le statut de la femme dans la littérature utopique française de 1675 à 1795. Car l’existence même de la femme est problématique en terre utopique: alors qu’on aurait pu penser que l’équilibre du classicisme conjugué à l’élan des Lumières eût permis à la littérature utopique d’inventer une place progressiste à la femme dans une société donnée, le féminin demeure le ‘sexe second’ – mère ou amante – selon l’expression de Rétif de La Bretonne, voire disparaît en tant que personne, absorbé par le masculin des êtres androgynes créés par Foigny ou Casanova. Seules les marges de l’utopie narrative classique avec Sade et sa société de bohémiens, ou l’utopie ‘expérimentale’ de Dulaurens, Imirce ou la Fille de la nature, parviennent à effacer la part d’ombre qui recouvre la féminité. Un statut plus lumineux lui est alors offert, qui tend à abolir le conflit, constant en utopie, entre liberté individuelle ou recherche personnelle du bonheur, et gestion rationnelle et collective d’une société. De ce fait, la féminité s’élabore en critique du système utopique dont elle indique le degré d’instabilité: l’étude des mythes qui sous-tendent l’imaginaire utopique est particulièrement révélatrice de ce processus.