Gender agreements

Contributrices de cette rubrique : Aurore Evain, Edwige Keller-Rahbé, Eliane Viennot.

 

  • Accord de proximité (accord en nombre et/ou en genre de l’adjectif, du participe passé, du verbe, avec le substantif le plus proche lorsqu’il est coordonné ou juxtaposé avec un autre ou plusieurs) : classique avant le XVIIe siècle, courant jusqu’à la Révolution française.

1562 : «Au ciel est revollée et Justice et Raison»
Ronsard, Discours des misères de ce temps, v.182-183.

1563 : «(…) afin que ta cause et la mienne soit cognue de tous (…)»
Ronsard, «Epistre au lecteur», Response de P. de Ronsard Gentilhomme Vandomois aux injures et calomnies…, dernière phrase.

1647(remise en question de l’accord de proximité) «Un adjectif avec deux substantifs de différent genre. Exemple, Ce peuple a la coeur et la bouche ouverte à vos louanges. On demande s’il faut dire ouverte ou ouverts. M. de Malherbe disait, qu’il fallait éviter cela comme un écueil, et ce conseil est si sage, qu’on ne s’en saurait mal trouver. Mais il n’est pas question pourtant de gauchir toujours aux difficultés, ils les faut vaincre, et établir une règle certaine pour la perfection de notre langue. Outre que bien souvent voulant éviter cette mauvaise rencontre, on perd la grâce de l’expression, et l’on prend un détour qui n’est pas naturel. Les Maitres du métier reconnaissent aisément cela. Comment dirons-nous donc ? Il faudrait dire ouverts, selon la Grammaire Latine, qui en use ainsi, pour une raison qui semble être commune à toutes les langues, que le genre masculin étant le plus noble, doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble, mais l’oreille a de la peine à s’y accommoder parce qu’elle n’a point accoutumé de l’ouïr ainsi de cette façon, et rien ne plait à l’oreille, pour ce qui est de la phrase et de la diction, que ce qu’elle a accoutumé d’ouïr. Je voudrais donc dire ouverte qui est beaucoup plus doux, tant à cause que cet adjectif se trouve joint au même genre avec les substantifs qui le touche, que parce qu’ordinairement on parle ainsi, qui est la raison décisive, et que par conséquent l’oreille y est toute accoutumée. Or qu’il soit vrai que l’on parle ainsi d’ordinaire dans la Cour, je l’assure comme y ayant pris garde souvent, et comme l’ayant fait dire de cette sorte à tous ceux à qui je l’ai demandé, par une certaine voie qu’il faut toujours tenir, quand on veut savoir assurément si une chose se dit, ou si il ne se dit pas. Mais qu’on ne s’en fie point à moi, et que chacun se donne la peine de l’observer en son particulier.»» 
Vaugelas, Remarques sur la langue française, p. 83

1651 : (remise en question de l’accord de proximité) «Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins, quoiqu’ils soient plus proches de leur adjectif»
Liberté de la langue française dans sa pureté, Scipion Dupleix, Paris, 1651, p.696 (note)

1677 : Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d’Egée
Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi,
Athènes me montra mon superbe ennemi.
Je le vis, je rougis… etc. » 
Racine, Phèdre, 1677

1693 : «elles (les femmes) n’ont point d’autre défaut qui les empêche de regner, de gouverner, de commander et de conduire; que celui qui (que) leur impose la Coûtume, les Loix et le pouvoir absolu des hommes.»
Traité de la morale et de la politique, divisé en trois parties, sçavoir, la liberté, la science et l’autorité, où l’on voit que les personnes du Sexe, pour en être privées, ne laissent pas d’avoir une capacité naturelle, qui les en peut rendre participantes ; avec un petit traité de la foiblesse, de la légèreté et de l’inconstance qu’on leur attribue mal à propos ; par G. S. (GabrielleSuchon) Aristophile, Lyon, B. Vignieu & J. Certe, partie 3, p.136.

1795 : Une pétitionnaire déclare à la Convention que, si l’Assemblée revient sur l’égalité des sexes devant l’héritage, elle ira « jusqu’à « enhardir les puînés et les soeurs malheureuses à se rendre justice elles-mêmes parce que la loi ne s’est intéressée à elles qu’un moment ».
Pétition de la ville Villier aux citoyens législateurs, 16 floréal an III (5 mai 1795), citée par Suzanne Desan, « Pétitions de femmes en faveur d’une réforme révolutionnaire de la famille », Annale Historiques de la Révolution Française, 344, avril-juin 2006 (« La prise de parole publique des femmes »), p. 46).

1800 :(à propos de Mme de Genlis) « Sa lettre sur les pâtres des Pyrénées peint les travaux et les vertus de ce peuple pasteur avec la simplicité et le ton qui convient aux tableaux des mœurs champêtres. »
Le Tribunal d’Apollon ou jugement en dernier ressort de tous les auteurs vivans. Libelle injurieux, partial et diffamatoire, par une société de Pygmées littéraires, Paris, Marchand, vol. 1, an VII-1800, p.159-160.

1832 : « Le goût du siècle, la toute puissance des hommes, a dépossédé les femmes d’un genre de littérature qui, depuis plus d’un siècle, leur semblait dévolue ; car ce sont les hommes aujourd’hui qui font les romans. »»
Mme de Choiseul-Meuse, Le Journal des femmes, cité par Catherine Nesci, «“Ce sont les hommes aujourd’hui qui font les romans”. Les femmes et la fiction dans la presse féminine (1820-1835)», in A. Del Lungo & B. Louichon (dir.), La Littérature en bas-bleus. Romancières sous la Restauration et la monarchie de Juillet (1815-1848), Paris, Classiques Garnier, 2010, p. 377.

1895 : « Quant à chercher uniquement à plaire à l’homme, je demande seulement à ceux qui pensent cette absurdité, de me dire à quel homme cherche [sic] à plaire la carmélite, la sœur de charité, la religieuse de tout ordre et cette multitude innombrable de chrétiennes qui refusent de se marier, soit par l’horreur que leur inspirent les vices de l’homme, soit parce qu’elles consacrent leur vie au travail pour soutenir leur famille […]. » 
Maria Deraismes, La Revue féministe, 5 novembre 1895, à propos d’une citation de Rousseau («“La femme, a dit Rousseau, ne peut s’occuper de vérités abstraites. La femme, qui est faible, a besoin de s’appuyer sur plus fort qu’elle. Toute son attention consiste donc à plaire à l’homme, pour s’en faire un protecteur”»). Cité par Tanguy L’Aminot, à qui revient le [sic] soulignant l’accord («La critique féministe de Rousseau sous la Troisième République», 1995)

 
  • Accord du participe passé avec l’objet direct, où qu’il soit placé


fin des années 1530 : «Epistre. Jeanne Flore a Madame Minerve sa chiere Cousine, Salut. Suyvant la promesse que je vous avois faicte l’autre jour de vous transmettre les comptes (…) j’avois prinse la plume en main pour le vous mettre par escript.»
Comptes amoureux par Madame Jeanne Flore (éd. Gabriel Pérouse et al., Presses universitaires de Lyon, 1980, p.97).


1563 : «Mais l’Evangile sainct du Sauveur Jesuschrist
M’a fermement gravée une foy dans l’esprit (…)»
Ronsard, Remontrance au peuple de France, v.83-84.


1563 : « Et vous, Nobles aussi, qui n’avés renoncée
La foy, de pere en fils qui vous est annoncée »
Ronsard, Remontrance au peuple de France, v.515-516; même phénomène, ibid., v.735-736; Response aux injures et calomnies, v.611-612 ; v.895-96 ; v.1055-1056.


  • Accord de participe présent et du gérondif avec le substantif : classique dans l’ancienne langue, qui ne les différencie pas de l’adjectif verbal.


1550 : «Mais en vain serés pendante
Toute à mon col, attandante
(Tenant un peu l’œil baissé)
Pardon de m’avoir laissé.»
(= vous vous pendrez à mon cou, attendant… mon pardon)
Ronsard, Les Odes, II, 24.


1709 : Les Dernieres Œuvres de Monsieur Scarron, divisées en deux parties, contenantes plusieurs Lettres amoureuses et galantes, (…)
Tome premier, Chez Michel David.


1740 : «il y eut lettres contenantes mandement très-express, pour lui faire ouverture…»
Pierre Bayle, Dictionnaire historique et critique, art. Du Tillet, 5e édition, tome 4, p. 352.

 

  • Accord du pronom attribut (je la suis) : les grammairiens au début du XVIIe siècle établissent comme règle l’emploi du pronom “le” invariable, mais il faut plusieurs générations pour qu’elle s’impose, et ce sont les femmes qui y résistent le plus.


1665 : «Léonor. — Voilà d’une coquette à peu près la leçon. D. Elvire. — Certes je ne sais pas si je la suis ou non, / Mais je m’aime beaucoup et j’aime fort à plaire.»
Mme de Villedieu, Le Favori, 1665, Acte II, scène 1, vv.435-37 (Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, vol. 2, Saint-Etienne, Publications de l’Université, 2008)


1690 : «Mme Argante. — Il porte exprès des perruques brunes , et il dit partout qu’il a trente-cinq ans, pour m’empêcher de paraître aussi jeune que je la suis
Mme Ulrich, La Folle enchère, 1690, scène 5 (Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, vol. 3, Saint-Etienne, Publications de l’Université, 2011)


1694 : «Madame de Sévigny s’informant de ma santé, je lui dis : Madame, je suis enrhumé. Je la suis aussi, me dit-elle. Il me semble, lui dis-je, Madame, que selon les règles de notre langue, il faudrait dire, Je le suis. Vous direz comme il vous plaira, ajouta-t-elle, mais pour moi je croirais avoir de la barbe si je disais autrement.»
Ménage, Menagiana, ou les bons mots, les pensées critiques, historiques, morales et d’érudition de Monsieur Ménage, recueillies par ses amis, seconde éd.augmentée. Paris, Delausne, 1694, p. 87.


1704 : Remarque, “La pour le” :«C’est une faute que font presque toutes les femmes, et de Paris, et de la Cour. Par exemple je dis à une femme, “quand je suis malade, j’aime à voir compagnie”, elle me répond “Et moi quand je la suis, je suis bien aise de ne voir personne”. Je dis que c’est une faute de dire “quand je la suis”, et qu’il faut dire “quand je le suis”. La raison de cela est que ce “le”, qu’il faut dire, ne se rapporte pas à la personne, car en ce cas là il est certain qu’une femme aurait raison de parler ainsi, mais il se rapporte à la chose (…) Néanmoins puisque toutes les femmes aux lieux où l’on parle bien, disent “la”, et non pas “le”, peut-être que l’usage l’emportera sur la Raison, et ce ne sera plus une faute. Pour “les” au pluriel, il ne se dit point, ni par la Raison, ni par l’usage.

Observation : la règle que M. de Vaugelas établit dans cette Remarque est appuyée sur de si fortes raisons que personne ne doit se dispenser de la suivre. Ainsi on ne peut trop s’opposer à l’abus que les femmes font de la particule “la”, quand elles l’emploient au lieu de “le”, il faut dire absolument dans la phrase proposée, “et moi quand je le suis”, c’est-à-dire, quand je suis malade, en supposant que c’est une femme qui parle, et non pas, quand je la suis.

Observations de l’Académie Française sur les remarques de M. de Vaugelas, 1704, Tome I, XXVII.


  • A propos du masculin qui l’emporte sur le féminin

 
1792 :« Article 3. Le genre masculin ne sera plus regardé, même dans la grammaire, comme le genre le plus noble, attendu que tous les genres, tous les sexes et tous les êtres doivent être et sont également nobles. »

Requête des dames à l’Assemblée nationale, projet de décret, 1792 (en ligne sur Gallica).